Partie clandestine.

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Point de vue Elijah.

C'était la première fois que j'organisais une partie de poker clandestine. L'Antre d'or avait vu défiler bien des événements mais rien de comparable à ce soir. Ma tête tournait, non pas à cause du stress mais à cause du poids de la responsabilité. C'était moi qui devais tout gérer : chaque geste, chaque parole, chaque regard. Il suffisait d'un faux pas pour que tout s'effondre.

J'avais travaillé avec Lorenzo Costa pendant des semaines mais c'était lui qui avait l’expérience. Lui qui savait manipuler les situations. Moi, j'étais juste un exécutant, un gars du terrain. Mais ce soir, c'était ma soirée. Si je voulais prouver ma valeur, ce serait ici et maintenant, avec cette partie.

Les invités sont arrivés. Je les observais, me sentant plus vulnérable que jamais. Victor Morano, le magnat de l'immobilier, entra en premier comme s'il venait de faire une entrée triomphale sur scène. Ce type avait la classe de ceux qui ne se mêlaient pas aux gens ordinaires. Mais je savais qu'il n'était pas invincible. Sa grande bouche allait le trahir. Il suffisait juste d'être patient.

Camila Duarte, elle, semblait calme. Trop calme. Je l'avais vue dans des cercles où personne ne parlait jamais de ce qu'on faisait. Son regard perça la pièce, analysant chaque coin, chaque visage. Elle n’était pas là pour jouer aux cartes, elle était là pour observer. Peut-être qu'elle aussi attendait de voir si je tiendrais le coup. Mais Camila ne savait pas que cette fois, j'étais prêt.

Sacha Berkov me donna l'impression d'un homme qui avait déjà vu trop de choses pour avoir encore peur de quoi que ce soit. Il s'assit sans un mot, sans un regard. J'avais déjà entendu des histoires sur lui. Le mafieux russe, la main invisible qui brisait les âmes avant de se faire oublier. Il ne parlait pas mais son aura disait tout. Un coup d’œil suffirait à le faire exploser ou à le rendre encore plus dangereux. Ce mec-là, je n'avais aucune idée de ce qu'il attendait de la soirée mais je savais que je devais être vigilant.

Alessio Ferri arriva en dernier, tout sourire, une attitude arrogante qui me faisait grincer des dents. Cet héritier avait tout pour se croire invincible. Son rire résonnait comme une cloche, un peu trop fort pour quelqu'un qui ne savait pas encore que la table allait le réduire en miettes. Mais je devais faire avec. Il n'y avait pas de place pour les faiblesses dans ce genre de partie.

Et puis, il y avait Lucía Vega. Elle n’avait rien dit en entrant. Rien de visible, rien d’évident. Elle ne souriait même pas. Pourtant, je savais que c’était elle, plus que les autres, qu’il fallait surveiller. Elle ne semblait pas dans son élément, comme si ce monde n'était qu'un jeu pour elle. Et j'étais certain qu’elle finirait par tout emporter si j'étais trop distrait.

Tout semblait en place. Les croupiers avaient été soigneusement sélectionnés, les jetons préparés avec soin. Pourtant, quelque chose n’allait pas. Je me sentais observé mais pas par les joueurs. Par cette pression invisible, cette main qui me poussait à m’assurer que rien ne déraperait. La pièce était trop silencieuse. La tension montait et je ne pouvais rien y faire, je devais juste attendre que la partie commence.

Lorenzo, dans un coin sombre, m'adressa un regard discret. Tout allait bien, il disait. Mais je ne pouvais m’empêcher de me demander si j’étais prêt pour ça. Ma main sur la table tremblait à peine. Le premier tour commença. Victor, fidèle à sa réputation, attaqua le jeu. Mises élevées, gestes grandiloquents, il voulait marquer son territoire alors je le laissais faire. Camila suivit mais d'une manière plus calculée, elle laissait à Victor l’illusion de contrôler la partie. Sacha resta impassible, attendant son moment. Alessio flambait comme d'habitude, un peu trop confiant et ça me faisait sourire intérieurement. Mais Lucía, elle… Elle ne faisait rien. Pas encore.

C’est là que ça a basculé. Un simple regard entre Camila et Sacha, une fraction de seconde où l’un d’eux hésita et le doute est apparu. Quelque chose n’allait pas, je le sentais. Ils étaient en train de jouer un autre jeu, plus subtil, plus dangereux. Ce n'était pas juste du poker, c'était de la manipulation pure et dure. Tout à coup, tout était devenu beaucoup plus risqué.

Puis le moment fatidique. Victor accusa Alessio de tricherie et le ton monta rapidement. J’entendis le bruit de la porte d’entrée qui claquait. Un frisson traversa ma colonne vertébrale, tout pouvait se terminer ici. Si ce jeu dégénérait, ce ne serait pas qu’une question d’argent mais de survie. Je n’avais jamais eu autant besoin de Lorenzo qu’à ce moment-là mais même lui ne pouvait pas tout contrôler.

Je faisais un pas en avant instinctivement et c’est alors que Lucía frappa. La quinte flush royale. Les jetons s’entassèrent dans ses mains et l’éclat de ses yeux me fit comprendre qu'elle était la seule véritable maîtresse de la partie. C'était trop tard. Elle avait gagné et c’était moi qui avais tout à perdre.

La salle était devenue étouffante, le bruit de la porte qui claquait derrière Victor résonnait encore dans mes oreilles. Mais ce n'était pas lui qui me préoccupait. Non, c'était la réaction de mon patron. Son ombre planait au-dessus de tout ce qui se passait ici. C'était lui qui avait les yeux sur moi, qui me tenait par la gorge même en étant à bonne distance. Je savais ce qu’il pensait, que j'avais pris un risque colossal. Et ce risque, je le sentais déjà me brûler. Chaque regard, chaque silence de la part de Camila, Sacha ou même Lucía m'écrasait un peu plus. Tout le monde attendait de voir ce que j’allais faire mais personne n’avait idée de la véritable pression qui me traversait.

Je m’éloignai lentement de la table, feignant une indifférence que je ne ressentais pas. Ma main toujours un peu tremblante chercha à ajuster la cravate autour de mon cou, une habitude quand je voulais garder l’apparence du contrôle mais je savais que ce n’était plus qu’une façade. Si Costa apprenait ce qui venait de se passer, tout allait exploser. Je devais arranger ça et vite.

Le regard furtif de Lorenzo m'indiqua qu'il était prêt à intervenir mais je n'avais pas besoin de lui. Pas encore. Ce qui se passait ici, je devais le régler moi-même. Pas pour moi ni même pour les invités mais pour Costa. Lui seul avait le pouvoir de tout changer.

Je m’approchai du bar où Camila était en train de jouer avec son verre, comme si tout ça n’était qu’un simple divertissement pour elle. Elle savait que la situation était tendue et elle se délectait de cette tension. J'aurais aimé pouvoir lui accorder un sourire complice mais ce n'était pas le moment. Je pris une grande inspiration avant de lui adresser la parole.

— Madame Duarte, je pense que nous devrions réévaluer les choses, dis-je d’un ton qui se voulait calme mais qui trahissait ma nervosité. On ne peut pas laisser cette histoire dégénérer, pas maintenant.

Elle leva un sourcil en analysant mes mots. Elle savait qu’il y avait plus à cette partie qu’un simple jeu.

— Vous craignez la réaction de votre patron, n'est-ce pas?

Elle ne me le demanda pas, elle l'affirmait. Je serrai les dents. Si elle savait ça, c’était que tout le monde l’avait vu mais je ne pouvais pas lui laisser le pouvoir d’ouvrir cette brèche.

— Je n’ai jamais aimé les imprévus, dis-je en jetant un regard à Sacha Berkov, qui semblait trop absorbé par son propre jeu pour se soucier de nous. Ce genre de choses doit rester entre nous.

Lucía, qui écoutait silencieusement, brisa enfin son silence.

— Vous savez, Carter… Tout peut être arrangé mais pas de la manière dont vous pensez.

Je la fixai, une pointe de peur serrant mon estomac, elle n'était pas quelqu'un avec qui il fallait jouer. Elle était subtile et dans son calme, elle cachait une brutalité que je n'avais pas encore mesurée.

— Si vous voulez que tout ça disparaisse, il va falloir faire plus que jouer avec les règles, poursuivit-elle doucement, son regard perçant me transperçant. Il y a des dettes à payer et elles ne se règlent pas à coup de jetons.

Je pris une inspiration profonde, Lorenzo allait vouloir des réponses. Et si ces réponses n’étaient pas à la hauteur de ses attentes, il n’y avait qu’une seule issue : l’extinction rapide de tout ce que j'avais mis en place. Les conséquences seraient lourdes. Trop lourdes.

Je m’éloignai de Lucía sans répondre, mon esprit déjà en proie à une décision cruciale. Je me dirigeai alors vers mon patron, qui me suivit des yeux.

— On a un problème, lui dis-je d’une voix basse, presque inaudible.

Il hocha la tête, son expression étant grave.

— Ce n'est pas encore trop tard mais tu sais ce qu’il va falloir faire.

Je savais, il allait exiger des explications. Et Costa n'était pas du genre à accepter des erreurs, pas dans son monde. Mais je devais prendre le contrôle de la situation avant que tout ne parte en vrille. Je m’approchai donc de la table, élevant ma voix pour attirer l’attention de tous.

— Bien. La partie continue mais je vais ajouter quelques règles. Un nouveau jeu. Le premier à tricher, le premier à faillir à la règle du respect…

Je marquai une pause, forçant chaque joueur à me regarder.

— … Sera immédiatement exclu et je ne ferai aucune exception.

Victor, qui avait encore les dents serrées, grogna quelque chose mais je ne le laissai pas finir. Camila et Sacha, tous deux calmes comme la mer avant la tempête, échangèrent un regard mais personne ne parla. Lucía, elle, observa attentivement, ses yeux fixés sur moi. Elle savait que je ne bluffais pas. J'avais fait le premier pas. Maintenant, il fallait que je m’assure que Lorenzo ne me force pas à faire le second. Et là, je savais que la vraie partie venait juste de commencer.

La partie reprit son cours et la tension dans la salle s’alourdit, chaque respiration semblait être un écho dans ce silence lourd comme du plomb. Chaque jeton, chaque mouvement des cartes, tout devenait crucial. Je pouvais sentir la chaleur qui montait dans ma poitrine, une pression grandissante. Victor avait fait son coup, son air trop sûr de lui commençait à défaillir. Et au fond, je savais qu’il s’était pris au piège. Il ne le savait pas encore mais il allait tomber et c’était moi qui en serait responsable.

La dernière mise était là, presque divine. Chaque joueur, chaque souffle dans cette salle s’était concentré autour de ce moment. Le dernier tour. Celui qui allait décider du tout. Sacha, froid comme la glace, ne montrait aucun signe de faiblesse, ses cartes toujours cachées mais je savais que la partie se jouait maintenant.

Lucía était d’un calme olympien. Son visage ne trahissait aucune émotion mais dans ses yeux, je voyais qu’elle analysait chaque geste ainsi que chaque mouvement. Elle attendait. Elle savait aussi qu’on approchait du climax mais elle ne savait pas encore que j’allais prendre le contrôle total.

Je jetai un rapide coup d’œil sur mes cartes. L'adrénaline frappait mes veines mais ma main ne tremblait pas. J’avais tout sous contrôle. La quinte royale se dessinait sous mes yeux, clairement, brillamment. Je n’avais plus qu’à la jouer avec perfection. J’étais arrivé là où je devais être, celui qui sous la pression, avait pris une longueur d’avance.

Je ne laissai rien paraître. Victor se leva brusquement, élevant la voix mais je le laissai faire. Ses gestes trahissaient son impatience et sa nervosité grandissante. Je savais qu’il était à bout de ressources, qu’il se croyait invincible et qu’il venait de se saboter en pleine ligne d’arrivée. Sacha le regardait mais son calme glacial m’inquiétait moins. Lui aussi savait ce que j’allais faire.

Le silence tomba comme un coup de tonnerre dans la pièce alors que je poussais mes jetons. Lentement, avec une précision infinie, je les empilais sur la table. Il y avait un défi dans mon geste, une audace tranquille. Je laissai les yeux de Lucía glisser sur mes mains, je savais qu’elle observait tout puis finalement, je brisai le silence avec une voix mesurée, presque douce.

— Je suis tout-in.

Le regard de Lucía se durcit un instant, elle hésita et je la laissai faire. Elle qui pensait avoir pris le dessus, qui croyait que la partie était déjà gagnée… Elle se tut, ses lèvres à peine entrouvertes, cherchant à décider si elle allait risquer sa mise contre ce défi. Je la vis faire un geste presque imperceptible, un léger tremblement. Elle avait vu la quinte royale dans ma main. Elle savait que c'était la fin.

Victor, quant à lui, ne pouvait plus cacher sa panique. Il se redressa de son fauteuil, une grimace se formant sur son visage. Il essaya de garder son calme mais tout était trop évident. Il jeta ses cartes sur la table presque avec mépris mais tout le monde savait déjà : il venait de perdre. Un sourire lent se dessina sur mes lèvres tandis que je dévoilais mes cartes. La quinte royale. Personne ne s’y attendait. Personne, sauf moi. Je savais que c'était la main gagnante.

Sacha lança un regard sur les cartes puis sur moi, un léger froncement de sourcils traduisant l'étonnement qu'il ne s’efforçait même plus de cacher. Il savait qu’il ne pourrait pas suivre cette mise et il avait vu juste. Lucía, elle, se leva lentement, ses yeux glissant de mes cartes à mon visage. Aucun mot, juste un sourire glacé, admirant le geste. Elle comprenait la portée de la victoire et je savais que cela ne faisait que renforcer ma position. Je ne l'avais pas seulement battue, j'avais remporté la partie en maîtrisant chaque aspect, chaque détail avec une finesse glaciale.

La tension qui avait envahi la pièce pendant toute la soirée se dissipa lentement, comme un orage qui se retire après avoir déversé sa pluie. Victor se leva précipitamment, renversant sa chaise dans un cri étouffé mais cela ne fit que souligner la grande victoire que j’avais acquise. Sacha, de son côté, se leva également mais ses yeux ne cessaient de m’observer, comme s’il attendait une quelconque réponse de ma part. Mais il n’y en avait pas. La partie était finie.

Je me levai à mon tour, mes gestes calmes, mes pensées encore en alerte mais un soulagement grandissant en moi. Je m’approchai de la table où les jetons, les cartes et les regards abandonnés se mêlaient dans une confusion ordonnée. Lucía m’adressa un dernier sourire, un sourire qui disait tout : la partie était finie mais ce jeu ne l’était jamais.

Je jetai un dernier regard autour de la salle, mes pensées déjà ailleurs. Costa n’aurait qu’une seule chose à retenir : j'avais pris le contrôle. Et si tout s'était bien passé ici, il n'y avait pas de raison que la suite ne se déroule pas encore mieux. Peut-être qu'ainsi, je pourrais gagner un peu plus de sa confiance.

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Bien le bonjour ! Un petit chapitre de plus, j'espère qu'il vous plairas =)

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