Acte II
Je me réveille quelques heures plus tard avec l’impression d’avoir 5 ans de moins et prêt à changer le monde. Je me lève du fauteuil et une quantité impressionnante de poussière me suit. J’attrape mon sac de victuaille et sors. Il faut à présent que je rejoigne les quartiers pauvres discrètement. J’attrape la première gouttière à ma droite et d’un coup de bras, monte sur le mur puis le toit. Passant de toits en toits, j’arrive en marge des quartiers pauvres. Je rabats ma capuche afin de cacher mon visage et saute. Il fait 6 mètres mais je fais ça depuis des années. Un premier arrêt à gauche, en face, puis à droite, une accroche sur un lampadaire et mes pieds touchent terre.
J’avance doucement, sans un bruit en frôlant les murs et dispose ici et là quelques miches de pain, fruits frais et poisson devant les portes. À environ la moitié de ma distribution, j’aperçois au loin un groupe de garde. Un des gardes me voit et s'approche en me disant de me poser mes affaires. Je recule puis m’enfuis. Les voix ont commencé dans ma tête se livrant à une bataille infernale. Je me retourne et me retrouve face à une vingtaine d’hommes et de femmes de mon quartier. Où sont passés les policiers ? Aucune idée.
Je me décale de quelques pas et aperçois au loin des taches sombres et des casques abandonnés. Serait-ce eux ? Mon inconscient me murmure que oui mais je ne me souviens aucunement de les avoir touchés. Cependant, ma préoccupation actuelle sont ces riverains, me fixant d’un air de reproche, de lassitude et de folie. Certains d’entre eux portent des couteaux à la ceinture, d’autres ont en leur possession différents ustensiles de cuisine.
Les voix dans ma tête continuent leur incessante morale. “Pourquoi sont-ils armés ?” demande l’une d'entre elles, “Ils nous méprisent”, “Tue les, tue les tue les” finissent elles par entonner en coeur. Je prends ma tête entre mes mains, crie, lâche mon sac, sors mes armes et de désespoir, tire. Encore et encore, cela n’en finit pas, ils sont un nombre infini. Mes efforts ne suffisent pas. Petit à petit la fatigue me vient, mes muscles se font plus lourds mais les voix redoublent. Encore et encore. J’ai l’impression que le sol s’ouvre sous mes pieds, puis me rends compte qu’une douleur naissait de mon côté droit. Intrigué, j’approche ma main de la zone et sens le sang couler entre mes doigts. Ma tête sur le point d’exploser, j’accélère, replace mon arme dans ma main et touche tous les malheureux que j’arrive à atteindre, lance explosifs sur explosifs tandis que leurs voix s’amplifient ne me laissant aucun répit.
Parmi mes agresseurs, quelqu'un avait commencé à murmurer de manière effrénée. “Je pensais que tu pourrais peut-être m'aimer comme avant, même si je suis différente. Mais tu as changé aussi”. C’est une amie. Une qui a survécu. Elle a les yeux exorbités et se penche d’avant en arrière en se tenant elle-même, comme si une personne devant elle la prenait réellement dans ses bras. J’ignorais qu’elle avait survécu et me précipite vers elle pour l'embrasser. Moins de dix pas nous séparent lorsqu’elle tire. Sur moi. Au niveau de l’estomac. Je m’écroule, porte la main à ma blessure et sent de nouveau le sang chaud entre mes doigts. La douleur me lance. Elle est atroce. Je la regarde d’incompréhension et voit dans son regard une haine profonde et la tristesse de quelqu’un qui a tout perdu. Je sens mes forces qui me quittent petit à petit. Ma respiration se raréfie et mon coeur ralentit. Lentement, je ferme les yeux et les voix disparaissent. Tandis que je sens la vie quitter mon corps, une pensée vient à moi. J’ai passé toute ma vie à me battre afin que la vermine ne fasse plus qu’un avec les ténèbres, sans jamais me rendre compte que mon propre reflet rampait parmi les ombres.
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