La rencontre

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Louis marche dans un rêve. L'allée est large et bordée de haut cyprès. Le vert de la pelouse comme un doux tapis, les arbres séculaires qui ombragent des bancs en bois disposés ça et là, des fontaines en pierre, des statues d'elfes ont l'air de s'amuser indéfiniment sous un ciel d'un bleu intense qui donne à ce parc une allure spectaculaire.

Tout son être se fond dans le paysage, ses sens sont en alerte. Louis en oublie la raison de sa venue et s'assoit sur un banc pour admirer cette toile impressionniste. Il ferme les yeux, les couleurs vives sont incrustées dans ses paupières, le chant des oiseaux l'apaise. Il s'endort en souriant.

Le temps s’écoule doucement dans cette petite oasis de verdure et de tranquillité Louis est profondément endormi, comme si ce lieu paisible le laissait reprendre des forces. Une petite tape sur l’épaule le réveille soudainement. Il ouvre les yeux, ébloui par le soleil qui pénètre maintenant à travers les feuilles des arbres. Deux yeux turquoise le fixent.

Il se lève brusquement, ces yeux ne sont pas inconnus. La réalité émerge tout à coup. C’est la fille de la bibliothèque.

« Que faites-vous ici ? »dit-elle avec un air étonné.

- Désolé, je me suis endormi, mais je venais voir le maître de ces lieux. Mais je vous retourne la question, que faites-vous ici ? Vous me suivez ?

- Heu non, je suis Mademoiselle de Montaigu, la fille du propriétaire. Que lui voulez-vous ? » répond-elle sans agressivité.

Louis est stupéfait, les mots restent coincés dans sa gorge. Il bredouille une phrase incohérente et pense qu’il lui faut repartir. Il s’engage dans l’allée en la saluant avec son chapeau.

« Ne partez pas ! Pourquoi êtes-vous venu parler à mon père. Je veux savoir.

- Je ne veux pas vous embêter Mademoiselle, vous m’avez rendu service, je vous en suis reconnaissant. Au revoir Mademoiselle.

- Non, maintenant cela suffit. Racontez-moi, ce qui vous a amené ici pour faire la sieste ! »

Louis reconnait l’humour de la jeune fille et esquisse un sourire.

« D’accord, je vais vous raconter … »

Mademoiselle de Montaigu lui fait signe de s’assoir sur le banc, à ses côtés. Louis lui fait le récit exact des évènements de la soirée, de sa colère et pris par son histoire et l’attention de la jeune fille, il lui dit la vérité sur ses ambitions, son examen, sa réussite, ses passions. Il ne s’arrête plus, il n’a jamais parlé à personne de cette manière. Il se lâche, les larmes aux yeux, le cœur serré, sa colère a disparu. C’est toute sa vie qu’il met dans les mains de cette fille, qu’il ne connait pas, mais qui est attentive, le regard perdu sur un point fixe, dans le parc qui les entoure. Elle ne dit rien, elle écoute calmement.

Cependant, au fond d’elle, c’est la colère qui gronde, cette colère qui s’échappe du corps de Louis pour s’installer dans le cœur d’Annabelle de Montaigu. Son maintien reste impassible, rien ne laisse soupçonner qu’elle a envie de crier, de pleurer de rage contre l’injustice et contre ce père qu’elle déteste, dont elle a honte.

Le soleil est déjà haut dans le ciel d’azur lorsque Louis s’arrête de parler. Le flot continu de ses paroles le berçait dans une sorte de mouvement régulier, infini, il revient à la réalité brusquement. Ses joues sont baignées de larmes, mais sa peur a disparu. Il se tourne vers Annabelle. Le regard toujours perdu au loin, elle est absente. Tout à coup, il réalise qu’il a raconté sa vie à la fille de l’ennemi de sa famille, celui qui les vole, pille leur vie depuis des années. La peur refait surface, la panique le gagne. Il faut partir, vite.

Mais la jeune fille le stoppe, elle l’attrape par le bras, lui demandant de se rassoir.

« Restez. J’ai entendu ce que vous aviez à dire. Je dois réfléchir à la situation. N’allez pas voir mon père, laissez-moi du temps et je vous contacterai. Je vois où se situe la ferme de vos parents. J’enverrai quelqu’un vous avertir.

Ne vous en faites pas pour l’instant, j’ai juste besoin de temps.

Partez maintenant avant que mon père ou son fidèle régisseur ne nous aperçoive. Au revoir Monsieur. Au fait, je ne connais pas votre nom.

- Louis Garence » répond-il dans une sorte de torpeur.

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