Chapitre 12 : Une lumière qu'elle sous-estimée
Marvyn
« ... Je suis dans le regret de vous annoncer que votre frère est décédé. »
Ces mots provoquent la chute de mon être dans un gouffre perpétuel. Je m'accroche à Elisa, mes jambes commencent à trembler, ma gorge se serre, mes larmes me montent, mon cœur se déchire et mon âme hurle.
- Je... . J'ai besoin... d'être... seul, balbutie Marvyn.
L'homme en face de moi hoche la tête et avec ses collègues, sorte de la salle d'attente. Elisa me tend la main, je lève la tête et nos yeux se rencontrent. Instinctivement, je prends sa main et elle m'amène vers une direction que j'ignore. L'air glacial qui fouette mon visage, me fait comprendre alors que nous nous trouvons à présent dehors.
Elle lève son regard et s'implante dans le mien. Les larmes s'accumulent, menaçant de se déverser.
- Il va le payer, Marvyn. J'en fais une affaire personnelle. Je te le promets.
Mon cœur bat terriblement, vite, ma gorge se serre encore plus sous l'émotion.
Elle l'ignore, mais elle est la lumière qui me permet de respirer dans mon effondrement intérieur.
Nos pleurs coulent en même temps. Elle me prend dans ses bras, sa tête se niche dans mon cou. Je ressens mon emprise. Son odeur m'apaise dans ce vide qui se crée autour de moi. Le souvenir de Rio défile sous mes yeux. Je sens mon être se déchirer, la douleur me coupe la respiration.
« Merci d'être mon héros, Marvyn. »
Ma souffrance grandit, mes larmes redoublent, mon cœur éclate en mille morceaux.
Je ne vais pas y arriver.
C'est beaucoup trop dur.
Elle me lâche tout doucement, et sans que je ne puisse rien faire, je m'écroule. Elle s'accroupit et me regarde, inquiète.
- Marvyn, tu n'es pas seul.
Sa voix douce laisse une lueur d'espoir.
Beaucoup trop lointaine pour l'atteindre.
J'agrippe ses vêtements en manque d'air. Immédiatement, elle pose ses mains sur ma joue et me force à la regarder droit dans les yeux.
- Respire profondément.
- J'ai... beaucoup.. mal.
J'ai l'impression de redevenir un enfant perdu au milieu d'une forêt sombre.
- Je sais, et c'est totalement normal. Je suis là.
Je secoue la tête, mon souffle coupé par le cri de mon âme. Elle approche mon visage et dépose un tendre baiser sur mon front. Instantanément, ce geste me calme.
- Pourquoi ? ... Pourquoi ... lui ?
La tristesse s'accentue dans son regard.
- Parce que ce monstre en a décidé ainsi. Parce que, comme le diable, ne pouvais pas t'atteindre, il s'est attaqué à un de tes seuls points faibles : ton instinct de protéger, coûte que coûte, tes frères.
Ses mots me font mal. Mais je sais qu'intérieurement, je préfère qu'elle me dise la vérité que de me mentir par pitié. Elle commence à écraser tout doucement mes larmes.
- Il.. n'avais que...
Ma voix s'étrangle.
J'ai échoué.
- Je sais. Respire lentement. Prends tout ton temps d'extérioriser ce que tu ressens. J'ai tout mon temps... pour toi.
Mes iris dans les siens, un frisson parcourent mon échine.
« ... pour toi. »
Mon rythme cardiaque s'accélère. J'inspire profondément, essayant de remplir correctement mes poumons d'air.
Quinze minutes.
Quinze minutes, que le temps s'écoule pendant que j'essaye de survivre à son... sa disparition.
Pendant tout ce temps, elle est restée à mes côtés, me tenant la main en silence.
Un silence qui devient moins lourd en sa présence.
- Je m'étais promis de les protéger de tout ce qui pouvait leur faire du mal. Je voulais que, contrairement à moi, il ne connaisse pas l'enfer et le calvaire que mes p... géniteurs me faisais vivre. Rio... .
Je prends une grande inspiration.
C'est beaucoup trop dur de prononcer son prénom.
- ... étant le plus jeune de nous trois, était celui qui possédait l'âme la plus pure que je connaisse. Il ne se rendait pas compte, mais... .
Ma voix commence à trembler.
-... Il était, pour Nath et moi, notre bouffée d'air frais lorsqu'on vivait des périodes difficiles.
Une larme descend tout doucement sur ma joue.
- Je suis sûr que de là où il est, il doit être fier de l'homme que tu es devenu.
Ses mots ont pour effet d'une sensation de baume appliqué sur mon cœur. Un sourire de reconnaissance étire mes lèvres.
- Merci.
Ses lèvres forment un rictus, laissant la tendresse me toucher en plein cœur.
- C'est normal, Marvyn.
Sur ces mots, elle se relève. La panique monte soudainement, je la retiens du poignée.
- Ne t'en vas pas.
Son regard se brise.
- Je ne t'abandonne pas, je vais juste aller voir s'il reste quelque chose à manger et je reviens.
Je m'apprête à protester quand mon ventre se met à gargouiller. Elle rit légèrement et s'en va. Cinq minutes s'écoulent avant qu'elle ne réapparaisse. Elle s'assoit à côté de moi et me tend un sachet de nourriture. Lorsque je l'ouvre, un sandwich, une boisson et une part de fondant au chocolat apparaît sous mes yeux.
Sur un coup de tête, je dépose un baiser sur la joue. Elle s'immobilise, avant de me regarder, surprise.
- Je.. déso..
Avant que je ne puisse terminer ma phrase, je sens le contact de ses lèvres sur ma joue, me redonnant le baiser que je venais de lui donner. Mon cœur explose, mais cette fois d'amour.
Comment c'est possible de ressentir le deuil avec l'amour ?
- Enlève ce mot de ta bouche.
Elle se lève et me tend la main. Je la prends et me relève à mon tour. Elle m'amène dans ma voiture et nous nous installons à l'intérieur.
- C'est mieux si tu manges au chaud.
- Tu ne manges pas ?
- Je n'ai pas faim. Ne t'inquiète pas pour moi. La priorité pour l'instant, c'est toi.
Ma respiration se raccourcit à ses dires.
« La priorité, pour l'instant, c'est toi. »
Elle est... parfaite.
Je hoche la tête et commence à avaler mon repas. Une fois terminer, elle démarre le véhicule et nous conduit chez nous. Lorsque nous arrivons devant notre appartement, elle ne me lâche pas des mains et me guide vers l'intérieur de notre duplex. Je me retrouve dans son lit. Sa couverture est imprégnée de son odeur.
- Dors, je te rejoins dès que j'ai fini quelque chose.
Je fronce les sourcils.
- Tu pars ?
- J'ai oublié mon téléphone à l'hôpital. Je le récupère et je te rejoins. Promis.
N'ayant plus la force de protester ou de faire tout simplement quelque chose, je cède.
- D'accord.
Sur ces mots, elle s'en va.
~
Elisa
La haine m'anime.
C'est lui qu'Alonzo veut s'en prendre. Le diable qui l'enviait pour son cœur pur lorsqu'il était au côté de Marvyn.
C'est nous deux contre ceux qui veulent détruire notre vie.
J'ai compris à la seconde où nous avons appris que son petit frère se trouvait entre la vie est la mort. Tout devenait clair. Depuis ce moment, la partie la plus sombre de mon être s'est éveillée.
Mais j'ai dû l'éteindre pour lui.
Il n'a pas besoin qu'on le venge, il a besoin de quelqu'un à ses côtés.
Je me gare rapidement et cours vers l'intérieur du bâtiment. C'est à ce moment-là que je tombe sur une personne.
J'espère qu'il me pardonnera pour lui avoir menti alors qu'il m'a donné toute sa confiance.
- Nath !
Celui-ci se retourne vers moi. Ses iris sont les mêmes, que son grand frère. Cependant, la lueur qui s'y trouve est totalement différente.
Ils ont plus sombres, plus ténébreuses, moins lumineuse que Marvyn.
- Oui ?
- Il faut qu'on parle.
Ses sourcils se froncent.
- D'accord.
- Tu étais au courant. Je me trompe ?
La culpabilité traverse ses pupilles avant de disparaître.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Au contraire. Pourquoi tu n'as rien dis à Marvyn ? Pourquoi tu as gardé tout ça pour toi ? Pourquoi tu es allé voir Alonzo ?
Son poing se serre.
- Ça ne te regarde pas.
Un rire sans joie sort de ma gorge.
- Bien au contraire.
- Je ne sais pas ce que tu veux de moi. Mais si c'est pour me dire des délires dans ce genre, casse toi.
S'il veut la jouer comme ça... .
- Très bien. Mais ne t'étonne pas de te retrouver face à la rage de ton grand frère.
La colère monte en lui.
- Tu me menaces ?
- Moi ? Non. Je ne fais que...
- Tu te prends pour qui franchement ?! Que mon frère t'aime, c'est une chose... , commence Nath.
- Il ne m'aime pas, répond abruptement Elisa.
Cette fois-ci, c'est à lui de rire froidement. Mes muscles se crispent à ce son.
- T'es aveugle, ma pauvre.
Je fronce les sourcils.
- Envers lui, mais aussi envers toi-même.
Ses mots me touchent bien plus que je ne le voudrais.
- Ne change pas de sujet.
- De même pour toi.
- Bien, si tu ne veux pas me répondre, je vais devoir utiliser la manière forte.
C'est à ce moment-là que j'autorise ma haine coulée dans mes veines et prendre possession de toute ma raison. Il écarquille les yeux, comprenant qu'il avait plus Elisa en face de lui, mais bien celle dont le prénom refroidit le sang de toute personne connaissant ma réputation.
Je commence à marcher vers lui quand il crie :
- C'est bon ! Je vais te le dire !
Je m'arrête et affiche un sourire énigmatique.
- Dis-moi tout, absolument tout.
***
« Je ne pensais pas que sa défaite, allait nous mener à ça.»
Je frappe violemment le klaxon en hurlant. Les larmes de colère coulent sur mon visage.
J'ai mal, beaucoup trop mal.
Il ne le méritait pas.
J'ai l'impression que tout s'échappe de mes mains.
Si j'avais agi, Rio serait encore vivant, Marvyn ne serait pas au fond du gouffre avec ce sentiment d'échec et Nath ne porterait pas sur ses épaules la culpabilité de ses actes.
Auparavant, tout cela ne m'aurait pas touché.
À part l'échec.
Mais maintenant, cela a changer. Je me sens entièrement responsable de ce qu'il se passe dans leur famille et surtout de ce que ressent Marvyn. C'est la première fois que je me préoccupe autant pour une personne.
J'ignore pourquoi d'ailleurs.
« Que mon frère t'aime, c'est une chose... »
Non, ça doit être des sottises de sa part.
Je rentre dans notre appartement, retire mes chaussures et part directement dans ma chambre. Lorsque j'ouvre la porte, je rencontre directement son regard. Le dessous de ses yeux est matriculé d'un bleu profond.
Pourtant, cela ne l'a pas empêché de rester éveiller jusqu'à que je rentre.
- Je t'avais dit de dormir.
- Je n'y arrivais pas.
Je hoche la tête et le rejoins dans le lit. Automatiquement, il me prend par la taille et réfugie sa tête dans le creux de mon cou. Je sens sa respiration se faire plus légère. Je me tourne, de sorte de me retrouver en face de lui. Ses yeux s'implantent dans les miens.
- Tu as intérêt à faire une grasse mat'.
Il glousse doucement à ma remarque, ce qui me provoque un léger sourire.
- Oui Moon.
Je pose ma tête sur son torse et écoute son rythme cardiaque. Ce son m'apaise et je m'endors petit à petit
~
Marvyn
Je sens son souffle chaud et faible effleurer ma peau. Des frissons parcourent le long de mon cœur.
- Je le protégerai...
Mon attention se pose sur Elisa, comprenant qu'elle venait, encore une fois, de parler dans son sommeil.
- ... jusqu'à ce que nos chemins se séparent.
Mon cœur explose. Je ne sais pas de qui elle parle pourtant un sentiment de fierté grandit en moi. Mon regard parcourt chaque trait de son visage, à présent détendu. Chaque seconde que mes yeux sont posé sur elle, mes muscles se détendent, mon cœur s'apaise, je me perds dans ma contemplation. Sans me rendre compte, ma respiration se cale à la sienne et je commence à plonger dans le noir absolu malgré la tempête qui s'anime dans une part plus sombre de moi.
***
Je me réveille avec l'odeur des œufs brouillés dans les narines. Je frotte longuement mes yeux quand je sens soudainement que quelque chose me manque. Je pose ma main à ma droite et me rends compte avec effroi qu'elle n'est plus là.
Il était revenu ?
Il s'est attaqué à elle ?
Où elle est partie sans me prévenir ?
Et s'il lui est arrivé quelque chose.
La panique me prend soudainement. Torturée par toutes ses réflexions, ma respiration s'alourdit, se raccourcit et devient irrégulière.
STOOOOOP !!!!!!
C'est au même moment que la porte s'ouvre et qu'Elisa apparaît devant moi avec un grand plateau remplit de nourriture. Mon affolement disparaît, le soulagement me calme. La seconde qui suit, je me retrouve face à des œufs brouillés, un verre de jus d'orange, des viennoiseries et une tasse de thé.
- Du thé ?
Elle passe une main derrière son cou et se gratte légèrement.
- La dernière fois, je t'ai fait vu en boire, alors... je me suis dit que ça te ferrait plaisir.
Un sourire se dessine sur mes lèvres.
Toujours aussi observatrice... .
- Merci, Moon, t'es la meilleure.
Son visage s'illumine. Je commence à manger lorsqu'elle prend la parole :
- Je vais prendre ma douche.
La bouche pleine, je hoche la tête. Elle disparaît de mon champ visuel. Je respire profondément afin de calmer mon rythme cardiaque irrégulier. Des souvenirs d'elle au début de notre rencontre me reviennent à la mémoire.
Qui aurait cru que derrière son masque de personne glacial se trouvais une douceur délicate.
Des mélodies s'immiscent dans l'air. De sa voix lointaine, je l'entends fredonner. Mon rythme cardiaque s'accélère.
Old Me de 5 Seconds of Summer...
Je reconnais la musique qui m'a permis de tenir quand le désespoir habitait en moi.
~
Elisa & Marvyn
- Shout out to the old me and everything he showed me
Crie sur l'ancien moi et à tout ce qu'il m'a montré
Glad you didn't listen when the world was trying to slow me
Heureux que tu n'aies pas écouté quand le monde essayait de me ralentir
No one could control me, left my lovers lonely
Personne ne pouvait me contrôler, j'ai laissé mes amoureuses seules
Had to fuck it up before I really got to know me
J'ai dû merder avant de vraiment me connaître
Never a night alone, anywhere you wanna go
Jamais une nuit seul, où que tu ailles
Woke up in the mornin' wearin' someone else's clothes
Réveillé au matin portant les vêtements de quelqu'un d'autre
Pictures in my phone with people I don't know
Photos dans mon téléphone avec des gens que je ne connais pas
Woke up in the mornin', how the hell'd I make it home?
Réveillé au matin, comment j'ai bien pu faire pour rentrer ?
And they wondered how long I could keep it up
Et ils se demandaient combien de temps je pourrais continuer
While I wondered if I'd ever, if I'd ever get enough
Pendant que je me demandais si j'en aurais jamais, si j'en aurais jamais assez
And I did some shit I never should've done, eh-eh
Et j'ai fait des conneries que je n'aurais jamais dû faire, hé-hé
I would do it over now, I'd do it over
Je le referais maintenant, je le referais
***
All of the mistakes I made, I made, I made, I made
Toutes les erreurs que j'ai faites, faites, faites, faites
Whatever the price I paid, I paid, I paid, I paid
Quelqu'en soit le prix j'ai payé, payé, payé, payé
***
Another round, here we go, going in blow for blow
Un autre round, nous y voilà, donnant coup pour coup
Look into the mirror, take the punches that I throw
Regarde dans le miroir, prends les coups que j'envoie
I'm constantly reminded of all the compromises
Je me souviens constamment de tous les compromis
By the people from my past who have a hard time letting go, yeah
Des gens de mon passé qui ont du mal à lâcher prise, ouais
***
Devil at my door
Le diable à ma porte
Got me knockin', knockin', knockin' on the other side
Me fait frapper, frapper, frapper de l'autre côté
Ashes on the floor
Cendres sur le plancher
But I'm walkin', walkin', walkin' outta here alive
Mais je m'en sors, sors, sors vivant
Ces derniers mots prononcés, une larme coule sur ma joue.
~
Elisa
Reste forte.
Je souris, j'essaye de paraître de bonne humeur devant lui, mais de le voir dans cet état me fait souffrir. J'ai vu la panique dans ses yeux quand je suis rentrée. J'avais senti ma gorge se serrer, mon être hurler face a mon impuissance. Mais je suis resté la tête haute, à rire et à sourire.
Pour lui.
Je prends une grande inspiration et me lève.
Il manque quelque chose.
Je regarde autour de moi et me rends compte alors que j'ai oublié mes vêtements.
Putain de merde.
Je vais devoir...
Je n'ai pas le choix.
Je prends ma serviette et prends soin de la nouer correctement.
~
Marvyn
Lorsque le poignet de la salle de bain bouge, je m'empresse de sécher cette larme sur ma joue et bois lentement le thé qu'elle m'as préparer.
Vanille, poire et cannelle.
Un délice !
La porte s'ouvre et je déglutis. Ses cheveux auburn, trempé s'éparpillent sur son corps couvert d'une simple serviette lui arrivant au-dessus des genoux. Ses joues sont rosies par la chaleur de la douche, son regard est timide.
Elle m'a habitué à une autre version d'elle-même.
C'est à ce moment-là que je me rends compte que ses yeux sont rouges. Je fronce les sourcils.
- Tu as pleuré ?
- Oh non ! Je me suis foutu du savon dans l'œil, déclare Elisa en riant.
Sa voix est trop faible pour que cela soit vrai.
Cependant, je choisis de taire mon avis et lui sourie légèrement.
- Tu as aimé ?
- De quoi ?
- Ton déjeuner.
Cette fois-ci, mes lèvres s'étirent en grand.
- Cela aurait été meilleur si on l'avait partagé ensemble.
La surprise traverse son visage.
- Je... euh... .
Je me lève, me dirige vers elle et pose mes deux mains sur son visage et fait en sorte que nos regards se croisent. Je lui souffle :
- Ton thé est délicieux, comme tout ce que tu m'as préparé. Et pour ça, je ne peux que tu remerciais.
Je sens son souffle se raccourcir.
- C'est normal, Marvyn.
C'est à cet instant précis qu'une de nos premières discute dans notre appartement me revient à l'esprit :
« Je ne t'aime pas tout court, alors oui, il suffit d'une chose pour que tu alimentes ce sentiment de haine contre toi.
- Et juste pour ça, tu vas me priver de manger ce plat qui a l'air délicieux ?
- Tu sais cuisiner ?
- Oui.
- Alors tu seras te débrouiller. Maintenant, dégage d'ici. »
Mon cœur commence à battre irrégulièrement.
Il a fallu quelques semaines pour que notre relation évolue autant.
- Je croyais que tu ne cuisinerais jamais pour moi.
Elle lève sa tête et nos yeux se croisent.
- Quand j'ai...
Elle s'arrête tout d'un coup et son visage s'éclaircit, puis une lueur qui m'est inconnue traverse en moins d'une fraction de seconde ses iris.
- Disons que beaucoup de chose on changer entre temps.
Nous ne nous lâchons pas du regard.
- Beaucoup de choses, en effet..., murmure Marvyn.
Le silence s'installe entre nous. Elle se détache soudainement et chuchote la tête baissée :
- Je dois aller m'habiller.
Je m'écarte et la laisse prendre ses affaires. Mon cœur bat la chamade. Je retourne dans son lit et par la chaleur de la couverture et le froid qui habite à l'extérieur, je m'endors.
~
Elisa
Mon cœur bat la chamade, je peine à respirer, la scène joue en boucle dans ma tête sans que je puisse faire quelque chose. Je respire lentement, afin de me calmer.
Il faut que je me calme... .
Je m'habille rapidement et sors de la pièce. C'est à ce moment-là que je me rends compte qu'il est en train de dormir. Un sourire se dessine sur mes lèvres, soulager qu'il trouve le sommeil. J'avance vers lui et laisse mon regard attendri parcourir son visage. Chaque seconde qui passe, je sens une vibration nous lier.
C'est agréable... .
Un long frisson me parcourt, me sortant de ma contemplation. Je me dirige vers la fenêtre et ferme les rideaux. Je me rapproche de Marvyn, prends le plaid et le dépose délicatement contre lui. C'est à cet instant précis qu'il bouge. Je retiens mon souffle, de peur de le réveiller, attends quelques secondes pour m'assurer que je n'ai pas rompu son sommeil et termine de le couvrir.
Je pars de ma chambre, fait attention de ne pas claquer la porte et me dirige vers le salon. Alors que je suis en train de me mettre une série sur la télévision, la sonnette retentit.
Faite, qu'il ne se réveille pas.
Je regarde par l'interphone et me rends compte qu'Adrian se trouve devant chez moi.
Merde !
Qu'est-ce qu'il fout ici !
Je sors de chez moi et viens à sa rencontre.
- Elisa !
Je grimace, espérant au plus profond de moi que mon colocataire ne soit pas dérangé par le bruit.
- Bonjour Adrian,
Il fronce les sourcils.
- Tu vas bien ?
C'est là que je comprends que le ton que je viens d'utiliser est d'une froideur glaçante. Je soupire légèrement, essayant de mettre la fatigue émotionnelle, mentale et physique de côté.
- Oui, juste épuiser.
Il hoche la tête en silence.
- Tu te rappelles dans l'ancien temps quand on allait au cinéma et qu'on manger des pop-corn à volonté.
L'incompréhension m'envahit.
- Oui ?
- Ça te dit qu'on se refait ça aujourd'hui ?
Je me meurs dans un silence. Connaissant déjà la réponse, mon cœur se serre à ses souvenirs révolus.
- Je suis désolé, Adrian, mais je ne peux pas.
Une lueur de souffrance traverse dans ses iris. Je m'effondre encore plus que je ne le suis actuellement.
- Pourquoi ?
Je baisse les yeux vers le sol.
Je déteste lui mentir.
Mais je vais devoir le faire.
Pour lui.
J'implante mon regard dans le sien, affaisse mes épaules et laisse toute ma fatigue se retranscrire sur mon corps.
- Je viens de rentrer de mission, Adrian. Je suis exténué. J'ai besoin de me retrouver seule un moment.
Il le dévisage, septique.
- Je ne t'ai jamais vu aussi à bout après une mission que maintenant. T'es sûr que ce que tu fais ne te met pas en danger ?
Un rire d'amertume traverse ma gorge.
- Je suis en danger, à chaque seconde que je passe à respirer.
Il grimace, sachant pertinemment qu'il ne peut pas dire le contraire.
- Tu ne pas faire une exception ?
Je le regarde, incrédule.
- Pardon ?
- Bah, je veux bien comprendre que soit fatiguer, mais comme je l'ai dit précédemment, c'est la première fois que je te vois dans cet état. Et passer du temps à décompresser t'aidera à aller mieux.
Non. Je peux pas.
Il faut qu'il parte.
- Et alors ?! Je suis exténué ! Tu ne veux pas me laisser me reposer ?
La surprise traverse son visage.
Je ne l'ai jamais parlé sur ce ton.
- Tu me mens, tu me parles mal... . C'est quoi la prochaine étape ? Que tu me ghostes ?
Je serre ma mâchoire, mes dents claquent entre elles.
- Qu'est-ce qui ne te fait dire que ça ?
- Elisa. Je te connais par cœur.
Son ton devient plus dur vers la fin de sa phrase. Je prends peur.
Je ne l'ai jamais vu me traiter ainsi.
- Adrian Schocravish, je te conseille de me laisser tranquille avant que je ne m'énerve sur toi.
- Et toi de me dire la PUTAIN de vérité avant que je ne m'énerve !
Je garde le silence, incapable de dire des mots en plus.
J'arrive plus à gérer la situation... .
- DE TOUTE FAÇON, TU N'ES QU'UNE ÉGOÏSTE !
Mon souffle se coupe. J'ai l'impression de tomber de haut.
De très haut.
Mes larmes me montent.
J'ai mal putain !
Je voulais juste me reposer et je me retrouve à me faire traiter d'égoïste alors que je ne demande qu'une chose : qu'on me laisse souffler. Ma gorge se serre et la douleur qui est en train de m'assaillir est celle semblable à un poignard qui transcende mon cœur.
~
Marvyn
Je me réveille tout d'un coup.
-... FAÇON, T'ES QU'UNE ÉGOÏSTE !
La colère y raisonne. La voix qui les prononce m'est inconnue. Je regarde autour de moi et me rends compte qu'il fait sombre.
Elisa... .
Je me lève brusquement, sors de la chambre tout en manquant de tomber par terre et arrive dans le salon. Par la fenêtre, j'aperçois Elisa de dos face à un homme.
Qu'est-ce qui est en train de se passer ?
~
Elisa
La porte derrière moi s'ouvre brusquement. Mes muscles se crispent encore plus.
Marvyn... .
À cet instant précis, je me rends compte que la situation est en train de virer au cauchemar.
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