Épilogue : Confusion
La nuit était tombée depuis plusieurs heures, déjà. L’orage grondait au loin. Les cumulo-nimbus masquaient même la lune, si bien que les seules sources de lumière, les lampadaires qui éclairaient la rue, ne permirent pas de distinguer la silhouette qui se faufilait discrètement sur le toit du bâtiment de treize étages. Hector s’introduisit dans le bureau du Dr. Winter. Au fond de la pièce, il crocheta la serrure de la porte des secrets du praticien. Tout un équipement médical, une salle d’opération ; au fond de la salle, un grand miroir, une porte juste à côté. Hector ouvrit la porte. Une salle plus petite, le miroir était en fait une glace sans tain, sur les murs, des photos, des portraits de diverses personnes, des photos très vieilles, et d’autres plus récentes, actuelles. Hector les examina. Il semblait que la plupart avaient été regroupées par paires. Parmi les plus vieilles photos, on reconnaissait Adolf Hitler, et des dignitaires du régime nazi. Plus récentes, les photos du parrain colombien de la drogue Pablo Escobar, du terroriste Carlos, d’Oussama Ben Laden. Chacune appairée à la photo d’un parfait inconnu.
Hector comprit que le docteur Winter ne lui avait pas exactement dit la vérité sur ses activités de chirurgie réparatrice.
— En effet, Docteur Winter, vous avez quelques petits secrets à cacher, on dirait… Chirurgie réparatrice, hein ?
Parmi les photos les plus récentes, un cliché n’avait pas de paire. La jeune femme aux cheveux blond platine coupés au carré, Hector l’identifia sans la moindre hésitation.
— Nathalie ? Qu’est-ce que tu fous sur ce mur, nom de…
Tout à coup, Hector s’arrêta devant une paire qui provoqua sa stupéfaction. Un jeune homme au crâne rasé, aux yeux marrons clairs, au visage couvert de taches de rousseur, à côté d’un autre jeune homme aux cheveux d’un noir d’ébène, une cicatrice sur chaque joue. Celui-ci aussi, malgré son jeune âge sur la photographie, Hector le reconnaissait.
— Mais qu’est-ce que c’est que ce cirque ?…
Hector regarda autour de lui, il se dirigea vers une armoire qu’il ouvrit. Sur les étagères, diverses prothèses humaines métalliques. À côté se trouvaient des dossiers suspendus, il chercha, prit un dossier, d’où tomba une feuille libre sur laquelle était inscrit en caractères gras : « Rééducation maxillaire et avant bras sous la responsabilité du docteur Samuel J. Ford, assisté de l’expertise de Mme Hélène Pierrard Jones ».
— Non, mais vous vous foutez tous de moi ?…
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Roger conduisait rapidement, sans toutefois prendre le risque de se faire arrêter pour excès de vitesse, sur cette petite route de campagne. À ses côtés, Marie, une larme à l’œil, ne se résolvait pas à quitter l’écran de son téléphone portable des yeux. Assise à l’arrière de la BMW, Joanie interrogea celui qui voudrait bien lui répondre.
— Dites, vous croyez vraiment que personne ne me retrouvera, là-bas ? Je veux dire, ils ont trouvé ma mère et mes sœurs, ils ont trouvé mon père… vous pensez vraiment qu’ils ne vont pas savoir retrouver mes grands parents ?
— En fait, répondit Roger, on ne t’emmène pas chez eux.
— De quoi ? Mais vous m’emmenez où, alors ? Pourquoi vous ne me laissez pas à votre base ? Juste le temps qu’Hector revienne me chercher…
À ce moment précis, Marie se retourna vers l’adolescente et lui fit lire sur son portable le texto qui retenait toute son attention.
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— Non Monsieur Fischer !
Hector reconnut immédiatement cet accent allemand inimitable. Le docteur Winter était accompagné de deux hommes dont la condition physique semblait ne rien avoir à envier à celle de leur visiteur indésirable. L’arme au poing, les deux gorilles en costume noir, mâchoire serrée et cheveux ras, tenaient en respect l’intrus, qui n’avait plus aucun moyen de s’échapper.
— C’est vous qui vous foutez de moi. Messieurs, neutralisez-le !
Sans délai, une détonation claqua dans l’obscurité de la pièce secrète. Hector s’écroula lourdement. D’interminables secondes s’écoulèrent, pendant lesquelles son crane lui sembla prisonnier d’une presse hydraulique, pendant lesquelles son sang semblaient faire trembler tout son corps à chaque pulsation de son rythme cardiaque qui ralentissait perceptiblement. L’espace d’un instant, Hector revécut les derniers instants qu’il avait partagés avec Joanie.
— Oui, mais si tu ne reviens pas…
— Alors, ils auront gagné, et, dans ce cas, il faudra que toi, tu te fasses oublier, pour ta sécurité. Marie s’occupera de t’envoyer dans ta famille, grands-parents, oncle, tante…
— Et ma mère ? demanda encore la jeune fille.
— Elle et tes sœurs ne risquent plus rien là où elles sont. Il n’y a plus que ta propre sécurité qui compte. Fred, s’il te plaît, prends-la et appelle Marie, elle viendra la chercher.
Quelqu’un venait de gagner, et ce n’était pas Hector. Lui dut se contenter d’appliquer contre le sol, dans un mouvement simultané, le dos de ses deux mains jusqu’à y sentir un déclic léger.
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Joanie lut à voix haute le texto que lui montrait Marie.
— C’est fini. Mets la môme en sécurité. H.
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