Prologue
Dans une salle sombre, au plus profond du Royaume du Sud, un puissant grondement se fit soudainement entendre. Tous les murs du château vibrèrent, et dans chacune des pièces, les dragons entendirent le cri rageur de l’Empereur.
La salle avait la forme d’un grand rectangle dépourvu de fenêtres avec au bout opposé à une lourde porte blanche grisée par le temps un espace circulaire dans lequel se trouvaient deux grands trônes. Le premier, vide, était fait avec une pierre noire et brillante qui le rendait à la fois sombre et étincelant. En y regardant de plus près, on pouvait distinguer ce que la plupart prenaient pour de la pierre blanche. Il s’agissait en réalité d’os, d’os de dragons ou de n’importe quel animal, qui dépassaient comme s’ils avaient été mélangés avec la pierre. Certains étaient plus pâles que les autres, qui se confondaient dans le noir, et témoignaient ainsi de leur récence.
L’autre trône était plus clair. Il avait été sculpté dans une matière qui emprisonnait la lumière et prenait ainsi la couleur du soleil au cours de la journée. Actuellement, il était jaune pâle tel l’astre à son levé. Il présentait peu de décoration, on y apercevait que quelques formes indistinctes qui semblaient se mouvoir dans la matière, comme si elles en avaient été prisonnières. Une dragonne jaune pâle y était installée, et elle affichait un air amusé en voyant son tendre compagnon martyriser le petit dragon insignifiant à ses pieds.
Au centre de la pièce, Noros, un immense dragon noir, les yeux rouges emplit de haine, rugit de nouveau et laissa échapper de ses narines un filet de feu bleu en direction du jeune dragon tremblotant replié devant lui.
— Que dis-tu ? Nous avons été repoussés ? répéta-t-il.
— Oui, Majesté… Ils… Ils ont réussis à en-envoyer un émissaire d-dans le Nord et les guerriers du Roi… »
Noros ouvrit la gueule et cracha une autre langue de feu sur l’autre, qui se reprit aussitôt.
— Les guerriers de notre ennemi sont arrivés dans la soirée…
— Suffit ! Et mes ordres ? Mes ordres disaient de les retrancher au-dessus de la Mer, ils ne devaient pas pouvoir se poser ! Ils devraient être tous morts à l’heure qu’il est, noyés, pourrissant au fond de l’eau ! Envoie-moi Ithlas, IMMEDIATEMENT !
Le jeune ne se fit pas prier et sortit le plus vite possible.
L’Empereur Noir se mis à déambuler lourdement dans la pénombre le long du mur en attendant qu’on exécute ses ordres. La dragonne jaune descendit de son trône et s’approcha à pas de velours de Noros pour enrouler son cou autour du sien. Elle était la seule ici à ne pas craindre l’Empereur. Certains la craignaient même encore plus, car si Noros s’en prenait à ses sujets pour le simple plaisir d’assouvir ses colères, elle prenait du pur plaisir à voir ses victimes gémir et se tordre de douleur, l’implorant de les achever tandis qu’elle les observait sans ciller jusqu’à ce que la mort les emmènent.
— Détend-toi, cela n’arrangera rien de t’énerver. Tu verras, la victoire sera un jour à nous, mais il faut savoir être patient, continua-t-elle en chuchotant.
Noros sourit à ses mots. Cependant un bruit sourd les interrompit.
On toquait à la porte. Noros ordonna à l’inconnu d’entrer.
Un dragon noir apparut, ressemblant pour le premier venu trait pour trait à l’Empereur Noir. Mais il était plus petit et plus élancé, et ses yeux arboraient une couleur bleu glacial, rare dans ce Royaume, qui rendaient impossible à quiconque de sonder ses pensées.
— Ithlas, mon fils ! s’écria Noros en s’approchant à grandes foulées.
— Oui mon père ? demanda se dernier, prudent, en adressant un léger hochement de tête à Malys, sa mère, qui l’ignora superbement.
— Je me demandais simplement… Ce que tu faisais de mes ordres, quand je te les donnais ? Je croyais t’avoir demandé gentiment, de massacrer ceux de l’Est, en les retranchant au-dessus de la Mer du Fond ! dit l’Empereur en grondant de plus en plus fort.
Ithlas frissonna imperceptiblement, mais se retint de reculer. Il avait l’habitude de subir la colère de son père.
— C’est ce que j’ai fait. J’ai ordonné aux troupes d’empêcher quiconque de s’évader sous peine de le tuer. Mais… Mais…. bégaya-t-il lorsqu’il vit Noros pencher sa tête sur le côté, affichant un air interrogateur et cruel à la fois. Mais Aïdas a envoyé des renforts, reprit-il, beaucoup de renforts, nous n’avons rien pu faire. On a dû se replier, sinon c’était nous qui étions transformé en morceaux de viandes, souffla-t-il.
— Se replier… dit Noros
— J’ai fait ce que je pensais de mieux pour le Royaume ! Nous aurions perdu trop de guerriers si nous étions restés combattre...
— Ne m’interrompt pas et baisse le ton ! Aïdas contrecarre tous mes plans, toutes mes attaques, à se demander si nous n’avons pas un espion bien placé dans nos rangs! Je ne conquerrai jamais tous les Royaumes tant qu’il vivra… Il faut le tuer !
— Calme-toi, intervint Malys. On trouvera un moyen. Ne t’acharne pas sur ton fils, il a fait ce qu’il fallait. Si un espion se trouve bel et bien parmi nous, il ne fera pas long feu. Tu sais très bien que la délation est encouragée, le premier qui le découvrira n’hésitera pas à courir nous prévenir.
Noros acquiesça en silence. Ithlas remercia à peine sa mère du regard pour cet appui, conscient qu’elle avait agi ainsi dans le seul but de pouvoir obtenir quelque chose de lui plus tard.
— Bien, lâcha enfin l’Empereur. Réorganise les troupes, Ithlas, et veille à ce que tous nos guerriers sans exception soient disponibles et en état. Les jeunes rentreront désormais dans l’armée dès dix ans. Je veux que les guérisseurs travaillent plus, les forgerons aussi. Je veux la meilleure armée et ce, pour la Grande Lune d’Hiver. D’ici-là, j’aurais trouvé le moyen de détruire Aïdas. Pour de bon.
— Oui, mon père, dit le fils de l’Empereur Noir avant de se retirer promptement.
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