Chapitre II-1 Macabre découverte
Mais elle fut saisie de stupeur en découvrant le paysage derrière elles. Elle avait devant les yeux les restes d’un village. Elle reconnue une place centrale au milieu de laquelle se trouvait un monticule duquel s’élevait de la fumée. Elle le prit d’abord pour le feu du village jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’il s’agissait d’un bûcher sur lequel on avait fait brûler des dragons ! Ecœurée, elle put distinguer les corps calcinés empilés sur du bois dont il ne restait que des cendres. On devinait encore les silhouettes des malheureux, car la peau des dragons brûle très mal. Tascah frissonna en imaginant qu’ils aient pu être brûlés vifs… Mais les guerriers-ombres n’étaient pas si terribles, non ?
Le village autour n’était pas en meilleur état : tout était détruit, la cendre recouvrait tout et de la fumée s’élevait de partout. Il devait vraiment y avoir du vent pour qu’aucune n’ai senti l’odeur de brûlé en arrivant… Visiblement, l’incendie était récent, et avait été suffisamment fort pour ne pas avoir été totalement éteint. En effet, par-ci par-là, on trouvait encore des bouts de bois incandescents.
— Hé ho ! Misava ! Azira !
Elle frotta son museau contre ses amies pour les réveiller. Azira entrouvrit un œil endormit qui s’écarquilla aussitôt qu’il vit le village autour. Elle releva la tête et balaya le paysage du regard, muette de stupeur. Misava ne tarda pas à avoir la même réaction.
— Finalement, je ne crois pas que l’Ouest soit aussi sûr qu’on l’avait imaginé, dit-elle.
— Hé, les filles ! chuchota Tascah.
— Evidemment, l’Empereur Noir ne se contente pas de l’Est, répliqua Azira.
— On devrait peut-être attendre quelque temps ici, ils ne risquent pas de revenir, et après nous retournerons au Pic.
— Les filles !
— Je ne sais pas… En fait, je crois que j’ai peur d’y retourner et d’y découvrir…
— Ecoutez-moi bon sang ! s’exclama Tascah.
— Quoi ?! clamèrent en cœur les deux autres.
— Il y a quelque chose qui bouge là-bas ! répondit-elle en montrant du museau un tas de branches.
— Quoi, comment ça ?
Pour toute réponse, la dragonne bleue s’approcha du monticule de bois. Il devait s’agir au départ d’un épais buisson creux, mais maintenant toutes les feuilles avaient brûlé et il ne restait que les branches noircies qui formaient une voûte au-dessus d’un tas de cendres… qui semblait respirer. Elle s’avança encore un peu jusqu’à sentir la chose, et éternua. La créature bondit en hurlant.
— Ne me tuez pas ! Pitié, ne me tuez pas !
Les trois dragonnes observèrent, stupéfaites, un jeune dragon reculer tête baissée au pied d’un gros rocher en les implorant de l’épargner.
— S’il-vous-plaît…
Tascah s’approcha de lui doucement.
— Hé, calme-toi, on ne va pas te faire de mal. Tu peux nous regarder.
Le dragon leva timidement la tête. Il tremblait encore malgré tout mais la frayeur semblait avoir laissé place à la curiosité dans ses yeux, maintenant qu’il avait vu qu’elles n’étaient assurément pas des guerriers-ombres. Il mesurait la moitié de la taille des trois amies, et il était impossible de deviner sa couleur tellement son corps était recouvert de cendres.
— Comment t’appelles-tu ? demanda Azira.
— Je… Sa… Saras. Je m’appelle Saras.
— Il ne reste que toi ici ? fit Misava.
Aussitôt, les yeux du petit s’embuèrent et il versa quelques larmes. Les deux autres la fusillèrent du regard.
— Je… Oui, je crois… Je n’ai pas vu ce qu’était devenu les autres….
Il balaya du regard le village autour de lui et s’étrangla en découvrant le bûcher. Tascah s’approcha encore de lui jusqu’à pouvoir souffler les cendres qui le recouvraient. Elles découvrirent alors la couleur rouge sang de ses écailles, qui s’éclaircissaient sous la queue, le ventre et le cou et l’intérieur des pattes. Ses yeux bleus comme la glace tranchaient au milieu du rouge. Elle se mit ensuite à lui réchauffer le haut du crâne avec un doux feu sortit de sa gueule. Cet endroit était un point sensible à la température chez les dragons, et Saras réagit aussitôt en se détendant, les paupières mi-closes.
— Ça va mieux ? lui demanda-t-elle.
— Oui, merci, souffla-t-il. Je… Je ne sais vraiment pas ce qu’il s’est passé après m’être caché là-dessous… C’est mon père qui m’y a poussé, et si j’ai tout entendu au début, ensuite je suis tombé dans une sorte de… de transe, jusqu’à ce que vous me réveilliez. Il ne reste vraiment personne ?
Les dragonnes échangèrent un regard embarrassé et triste.
— Nous sommes vraiment désolées, lui dit Azira.
Il baissa le regard, puis le leva de nouveau vers Tascah.
— Je peux rester avec vous ? Je n’ai plus personne, maintenant…
Misava observa ses amies.
— Il n’est visiblement pas en âge de traverser la mer, si nous voulons rejoindre nos parents, et…
— Il n’est pas non plus en âge de subvenir à ses besoins lui-même ! répliqua Azira.
— Je vous suivrais partout ! Et j’apprendrais à chasser rapidement, j’ai déjà commencé à repérer les poissons sous la surface, et je peux voler pendant trois heures sans me reposer, et au-dessus de la mer, même si je ne l’ai jamais traversé ! S’il-vous-plaît !
— On ne peut décemment pas le laisser, dit Tascah en foudroyant les autres du regard pour les dissuader du contraire.
— Je suis d’accord avec toi, la soutint sa sœur.
Elles se tournèrent vers Misava.
— Oui, évidemment, bougonna cette dernière. Cependant, ses yeux trahissaient son intérêt pour le dragonneau malgré ses doutes sur ses réelles capacités.
— Mais on ne peut pas retourner chez nous maintenant, il ne peut pas survoler la mer du Fond sans escale.
— Je sais où nous pourrions aller ! s’exclama Saras.
Les dragonnes le dévisagèrent.
— Ben, au royaume du Nord ! Là-bas, ils accueillent ceux qui ont été persécutés par les guerriers-ombres, et il n’y a pas plus sûr comme endroit.
— Le Royaume du Nord ? marmonna Azira. Ça fait un bout de chemin, et il faut espérer ne rencontrer aucun ennemi tant que nous serons dans l’Ouest, si le Nord est aussi sûr que ça.
— C’est notre meilleur plan, pour le moment, insista Tascah.
— Eh bien, soit, nous irons au Nord ! trancha Misava.
Saras se mit à sautiller sur place, sans s’éloigner de celle qui l’avait découvert. Il semblait avoir oublié que toute sa famille était disparue, ou alors il ne voulait pas y penser et s’éloigner au plus vite de ce cimetière.
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