Chapitre 16 : Celle qui le retrouve
Une semaine s’écoule rapidement sans que je n’ai beaucoup de nouvelles de Gabriel. Sûrement trop occupé avec sa mère… Rancunière, je ne rentre pas dans les détails non plus et ne lui dévoile pas que je me suis positionnée sur un appartement.
Aussi quand je le retrouve dans une crêperie ce samedi, je suis fébrile. Je n’ai pas décidé si je suis encore fâchée de son comportement récent ou heureuse de le retrouver enfin.
Il m’accueille avec un sourire éclatant et mes entrailles ne peuvent s’empêcher de se contracter. « Je lui en veux ! » rappelle mon cerveau à mon corps. Sans succès. D’autant plus que Gabriel s’est levé et s’approche de moi. Je fonds. Idiot de corps…
— Tu vas bien ? me demande-t-il à l’oreille.
J’acquiesce.
— Je vais déménager.
— Oh !
Sa surprise laisse rapidement la place à la joie. Il ne semble même pas m’en vouloir une seconde de ne pas lui avoir dit avant. Je soupire en songeant aux remarques de Caro à propos de Matt qui ne comprend jamais quand elle est énervée. Je compatis.
— Tu as trouvé THE appartement ? C’est où ?
— À Sainte Geneviève-des-bois. Dans l’Essonne.
— C’est loin ?
— 25 min en voiture en gros. Quand ça roule bien, je grimace. C’est le plus près que j’ai trouvé dans mon budget avec deux chambres.
— Ça va encore… Tu peux demander un collège plus près de chez toi, non ?
Je hausse les épaules.
— Peut-être, je sais pas. Je suis bien dans celui-là. Mais avec un bébé, j’aurais peut-être envie de réduire le trajet…
Je triture mes couverts.
— Je n’avais pas réfléchi à prendre un appartement plus grand avant. Je pensais qu’un studio suffisait.
Mes yeux s’emplissent de larmes en me rendant compte de ma bêtise. Comment ai-je pu me lancer dans une insémination sans réfléchir au logement ? Je ferme les yeux. Je sais. En repoussant au lendemain, parce qu’il y a toujours plus urgent à faire. Et puis je ne cessais de me dire que je ne savais pas quand l’insémination allait fonctionner. Puis ça a fonctionné et j’ai été sur un petit nuage. Puis j’ai rencontré Gabriel…
Les larmes me montent aux yeux en me rendant compte à quel point je me suis laissée déborder.
— Qu’est-ce qui se passe ? me demande Gabriel.
— Je…
J’hésite à tout lui expliquer, mais j’ai peur d’être ridicule et je suis encore énervée contre lui.
— C’est les hormones, c’est tout. Ça me ferait bizarre de changer de collège…
Il sourit avec indulgence. Mes entrailles se contractent. Comment ce qui me plait d’habitude peut soudain m’agacer ? D’ordinaire, son sourire me fait fondre. Mais, là, j’ai l’impression qu’il se moque de moi et de mes humeurs de femme enceinte.
— Ta maman a apprécié son séjour ? dis-je froidement.
Son visage perd toute expression puis il hausse les épaules.
— Ça va… Elle venait surtout voir ma sœur et ses enfants. Cela faisait un moment qu’elle ne les avait pas vus. Tu m’en veux ?
Il a pris une mine penaude qui ne calme pas le feu dans mon cœur.
— Non, je ne t’en veux pas. Après tout, dans moins de trois mois, on ne sera sûrement plus ensemble. À quoi bon me présenter ?
Ma voix vibre de colère contenue.
— Sûrement plus ensemble ? Qu’est-ce que tu racontes ? Je n’ai jamais dit ça…
— Non… C’est moi qui le dis…
Il passe une main dans ses mèches folles.
— Tu… tu ne crois plus en notre histoire ?
Je mordille ma lèvre.
— Je ne sais pas. Avec la venue de ta mère, j’ai pris conscience que Carpe diem c’est bien beau, mais ça ne dure qu’un temps. Et après la naissance du bébé, je pense pas que j’aurais du temps à perdre pour une histoire sans avenir…
Le serveur intervient à ce moment.
— Vous avez choisi ?
— Pas du tout, répond Gabriel.
— Désolée, j’ajoute pour atténuer la sécheresse de ses propos.
— Pas de soucis, répond l’homme avec patience. Je vous laisse un moment.
Je murmure un « merci ». Les yeux bleus de Gabriel m’étudient avec insistance.
— Je… On peut… quand même continuer à se voir ?
Je sens de nouvelles larmes embuer mon regard. Je hoche la tête.
— Peut-être que je voudrais me lancer dans quelque chose de plus sérieux, dit-il. Mais j’ai besoin de temps pour réfléchir. Je ne veux pas te dire « oui » pour t’abandonner à la première mauvaise nuit…
Un petit sourire nait sur mes lèvres. Une étincelle d’espoir s’enflamme en moi que je tente d’apaiser. Il a simplement dit « peut-être ».
— Tu prends quoi ? je demande en désignant la carte.
Le reste du repas se déroule dans une ambiance mitigée. Nous parvenons à faire la conversation, mais parfois des blancs s’installent. Je sens que Gabriel réfléchit à mon ultimatum.
— Tu déménages bientôt du coup ?
— Oui… Dans un mois. J’ai hâte.
Je soupire en visualisant le magnifique 2 pièces qui m’attend.
— Besoin d’aide pour porter ?
Je grimace.
— Je veux bien un coup de main supplémentaire. Mais mes parents seront présents aussi…
Il pose sa main sur la mienne.
— Si cela ne te dérange pas, je peux venir quand même. À moins que ton père ne s’attaque à tous les hommes qui t’approchent…
L’étincelle d’espoir dans mon cœur flambe à nouveau. Une petite Athéna danse au-dessus en criant « Il veut rencontrer mes parents ! ».
— Ça ne me dérange pas du tout, je lâche dans un sourire.
Je savoure ma galette avec une énergie nouvelle. Tout n’est peut-être pas perdu. Et je suis soulagée d’avoir lâché ce qui me pesait autant.
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