Chapitre 19 : Celle qui dine en amoureux

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C’est la première fois que Gabriel vient depuis que j’ai emménagé dans mon nouvel appartement. Je sens déjà que la distance entre mon domicile et son travail rendra nos rendez-vous moins nombreux. J’ai une pensée pour Caro qui va enfin avoir le temps de discuter avec Matt. La sonnette de l’interphone me fait sursauter.

Quand Gabriel passe le seuil, il a un sourire éclatant. Je fonds immédiatement et me demande comment je ferai quand il ne viendra plus. Mon cœur d’artichaut est totalement épris de lui. Carpe Diem ? Fuck ! C’était pas censé arriver. La lèvre entre les dents, je m’approche vers lui. Délicatement, il fait remonter mon menton vers lui.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as l’air tracassée…

Je fais une moue.

— Rien de grave, je suis un peu inquiète pour Caro, c’est tout…

Le mensonge me fait rougir.

— Ah oui, c’est vrai qu’elle n’avait pas l’air bien samedi…

Tu m’étonnes… C’est un euphémisme.

— Ça fait un moment que ça dure, mais elle a tenté de tout garder pour elle. Là, il est temps qu’elle en parle à Matt et qu’ils cherchent une solution.

— Matt ne s’est pas rendu compte qu’elle était mal ?

— Je crois qu’il est mal aussi. Depuis la naissance de Gus, je ne les ai pas vus une seule fois apaisés. C’est triste de voir comment l’arrivée d’un bébé peut bouleverser un couple…

Le silence se fait pesant après mes mots et le regard de Gabriel est lourd sur mon ventre proéminent.

— T’as envie de manger quelque chose en particulier ? finit-il par demander.

Je déglutis difficilement la boule qui s’est formée dans ma gorge.

— Pizza ?

Je propose. Gabriel hausse les épaules. Il n’est pas plus difficile que moi en nourriture, mais je suis trop fainéante pour cuisiner. Et dans son cas, trop occupé par son travail. Une fois, il m’a préparé un rougail saucisses comme à la Réunion. Un délice !

Je ne cesse de vérifier que je n’ai pas de message de Caro ou alors de Laura en panique pendant son premier baby-sitting. J’ai du mal à écouter ce que me raconte Gabriel, j’espère qu’il ne s’en rend pas compte. Quand il se tait soudainement, je pense qu’il l’a remarqué.

— Désolée, je murmure. Je te fais visiter ?

— Euh, j’ai déjà visité…

— Oui, mais quand c’était vide ! T’as pas vu comment j’ai installé les meubles !

Et je me lève pour le guider. Bon, c’est vrai que la salle de bain n’a pas trop changé… Mais je lui montre le nouveau meuble que j’ai acheté pour le couloir. La chambre du bébé encore vide.

— J’ai commandé le lit et la commode, ils devraient arriver dans la semaine. Ils sont en bois clair. J’aimerais bien peindre un mur, mais je ne sais pas encore quelle couleur. J’hésite entre vert d’eau et bleu marine…

Gabriel regarde les murs sans répondre.

— T’en penses quoi ?

Il hausse les épaules.

— Je sais pas trop. Tu devrais choisir la couleur qui te plait le plus.

Son regard est fuyant et je réalise que je suis en train de mettre à mal notre accord du Carpe Diem. Mon cœur se serre. Je m’enfuis presque de la chambre et guide Gabriel vers la mienne. Immédiatement, il semble plus intéressé et s’affale sur mon lit.

— Admets que cette visite n’était qu’un prétexte pour m’attirer dans ton lit ! se moque-t-il le regard malicieux.

Je souris, même si le cœur n’y est pas. Je me rappelle que bientôt tout ça sera fini.

— Ça va ? demande-t-il.

— Oui, oui, je suis toujours un peu inquiète pour Caro, c’est tout.

Il tapote la couette à ses côtés.

— Viens-là. Je vais te masser un peu, ça va te détendre.

Conciliante, je laisse ses mains malaxer les muscles de mes épaules. Peu à peu, je sens le vide se faire en moi. Quand ses mains glissent sous ma robe et effleurent la peau de mon cou, de ma clavicule, je frémis. Je m’appuie contre lui et le laisse accéder à ma poitrine tendue. Je me perds dans les sensations et laisse le désir m’emporter. Peut-être que savoir que tout ça aura une fin rend notre relation plus intense. Toujours est-il que je suis transportée dans un autre univers quand nos corps s’unissent.

Abandonnés l’un à côté de l’autre, je caresse sa peau et réalise à quel point Gabriel parvient à m’apaiser. Quand je ne me questionne pas. Les larmes me montent aux yeux. C’est une de mes plus belles relations amoureuses. J’ai envie de tout partager avec lui. Malheureusement, elle se fait au plus mauvais timing. Gabriel a la main contre le bas de mon ventre. Il sursaute quand il reçoit un coup de pied de la part du bébé. Il rigole.

— Jeune homme ! Laisse-moi profiter de ta maman tant que tu n’es pas né et ne fais pas ton jaloux !

Je redescends sur terre immédiatement. « Tant que tu n’es pas né » sonne le glas de notre relation. Ce moment que j’ai attendu toute ma vie marquera la fin de mon histoire d’amour. Parce que même si je ne le dirais jamais à Gabriel (à quoi cela servirait ?), je l’admets : je suis amoureuse.

La sonnerie de l’interphone retentit et me fait sursauter. Je regarde Gabriel avec surprise avant de me rappeler.

— Les pizzas !

Il éclate de rire et enfile ses vêtements à la va-vite.

— Reste -là ! Je m’en occupe.

Seule dans la chambre, j’explique la situation à mon fils.

— Tu sais, ta maman a longtemps été seule. C’est pour ça que j’ai emprunté une graine de papa pour te fabriquer. Mais en ce moment, j’ai un amoureux. Ne t’inquiète pas, il partira quand tu vas naitre, mais laisse maman profiter encore un peu s’il te plait.

Gabriel franchit le seuil en brandissant les pizzas. Je souris et enfile une robe de chambre pour le rejoindre dans le salon. Dans le regard de Gabriel brille une lueur passionnée.

— Tu es magnifique, murmure-t-il en glissant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

J’aimerais croire qu’il s’agit d’amour, mais c’est certainement du désir. Mon téléphone vibre soudain sans s’arrêter. Une photo de Laura apparait sur l’écran. Je m’empresse de décrocher.

— Comment on fait pour faire dormir Gus ? Depuis tout à l’heure, il se réveille dès que je le pose dans son berceau !

Sa voix paniquée me fait sourire.

— Désolée, pour toi, je n’ai pas la réponse. La dernière fois, j’ai capitulé en regardant une série, Gus sur moi…

Elle soupire.

— Franchement, quand je dis que j’aime passer la soirée dans les bras d’un homme, c’est pas à ça que je pensais.

—Sorry… Je n’ai pas la solution, mais franchement, en matant une série, ce n’est pas si désagréable.

— Parle pour toi, moi, je n’aime pas les mioches ! Bon, je te laisse, toi tu as la chance de pouvoir passer la nuit dans les bras d’un vrai mâle !

Quand elle raccroche, je ne peux m’empêcher de m’esclaffer.

— C’était qui ? demande Gabriel.

— Laura en plein baby-sitting.

Je lui narre alors la situation. Il finit en m’enlaçant.

— Elle a raison sur un point. Tu passeras la nuit entre mes bras.

— Vraiment ? balbutié-je.

On n’en avait pas parlé, mais vu la distance entre l’hôpital et mon domicile, je ne pensais pas qu’il resterait pour la nuit. Il acquiesce.

— Quitte à venir jusque chez toi, autant rester longtemps.

— Mais demain matin ?

— Je me lèverai tôt.

Devant mes yeux écarquillés, il remarque :

— C’est pas l’autre bout du monde non plus ! J’ai envie de profiter de chaque instant.

Je me tends à ces mots en devinant ce qu’il tait. De chaque instant jusqu’à ce qu’il parte… Il m’enlace puis m’embrasse avec douceur. Je fais taire une vague de chagrin, ferme les yeux et me laisse emporter par la passion. Moi aussi, je veux profiter de chaque instant.

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