Chapitre 21 : Celle qui se confie

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Arrivée dans mon salon, je propose à Gabriel de boire un verre avant de repartir. Il m’explique qu’il commence très tôt le lendemain et préfère retourner chez lui. J’espère que ce n’est pas à cause du repas de famille.

— Ça va ? me demande-t-il.

J’écarquille les yeux.

— Euh oui… C’est plutôt à moi de te poser la question, je pense. Ma mère ne t’a pas trop dérangé ?

Il sourit et hausse les épaules.

— C’est une maman. Et à côté de la mienne, elle est plutôt cool.

Devant mon air étonné, il affirme :

— Je t’assure ! Pourquoi tu crois que je ne t’ai pas présentée ?

Parce que notre relation n’est pas sérieuse et qu’il n’y croit pas ? Je me retiens de répondre.

— Elle est ultra croyante. Si je lui présente une femme, il faut que je sois sûr de l’épouser. Et alors, si je lui présentais une femme enceinte…

Il secoue la tête faisant voler ses boucles brunes.

— Ta maman est mignonne, touchante… Elle ne veut que le meilleur pour toi comme toutes. Et ce, même si sa définition du meilleur n’est pas la même que la tienne.

— J’imagine… D’un côté, je la comprends. Et de l’autre…

J’inspire. Gabriel m’enlace.

— De l’autre côté, je me dis qu’il était plus que temps à 35 ans, de faire quelque chose pour mon bonheur à moi et pas le sien. J’ai fait les études qu’elle m’a conseillées parce que je ne savais pas quoi faire. J’ai voulu être traductrice, elle m’a convaincue que c’était précaire et que prof c’était plus stable…

Il caresse mes cheveux tandis que les mots sortent de ma bouche, contenus toutes ces années.

— Elle ne comprend pas… Moi, je voulais une famille, un enfant… Mais je vieillis… Et je ne pouvais pas me permettre d’attendre plus longtemps. C’était pas possible…

Gabriel m’embrasse sur le front, me procurant une vague de réconfort. Contrairement à ma famille ou même à mes amies qui sont pourtant top, je ne sens aucun jugement alors que je livre ce qui me pèse tant sur le cœur.

— Mais je ne veux pas avoir honte d’avoir fait un bébé toute seule. C’est mon choix…

— Chut… me susurre-t-il à l’oreille. Je comprends.

Libérée, je sanglote contre son épaule.

— Ça va aller…

Quand je suis enfin calmée, je m’éloigne et essuie mes yeux avec un mouchoir.

— Tu vas mieux ? demande-t-il.

Je hoche la tête.

— Je suis désolée. Fallait que tout ça sorte. Je suis tellement inquiète d’avoir pris de mauvaises décisions pour mon enfant que ça cogite là-dedans.

— Tu cogites bien trop ! Je suis persuadée que tu seras une excellente maman ! Justement parce que tu te poseras des questions et que tu l’écouteras.

Je souris. C’est vrai que j’espère être plus à l’écoute des goûts de mon fils que ma mère ne l’était. Pour autant, je ne pense pas que ma mère soit une mauvaise mère…

Un peu surprise, j’observe Gabriel sortir deux cannettes de soda du frigo et s’installer sur le canapé. Sa familiarité me fait chaud au cœur.

— Un ice tea pour te remettre de tes émotions ?

J’accepte en m’asseyant à ses côtés.

— Et toi, tu n’en veux pas à ta mère de t’avoir privé de ton métier de rêve ?

— Pilote de ligne ? Non, plus maintenant.

Il verse le coca dans son verre et se tourne vers moi.

— Pendant longtemps, je lui en ai voulu, mais en vrai elle ne m’a pas imposé son choix. Elle m’a donné tous ses arguments contre et j’ai suivi de les écouter. Je pense que j’ai surtout eu envie de suivre les pas de mon père, sans que ce ne soit véritablement mon envie propre. Je ne sais pas comment expliquer…

— Je crois que je comprends. Quand ma mère m’a dit de ne pas être traductrice, je lui en ai voulu, mais je l’ai écouté. En soi, j’aurais très bien pu l’envoyer paitre, mais ce n’était pas assez important. Pas comme mon désir de famille…

— C’est exactement ça.

Il s’approche pour valider ses propos d’un délicat baiser sur mes lèvres.

— Je suis content de pouvoir parler de choses sérieuses avec toi. Ça fait un moment que je ne me suis pas confié à quelqu’un.

J’écarquille les yeux.

— Tu n’en parles pas à tes copains ?

Il hausse les épaules.

— La plupart du temps, on parle surtout du travail ou on raconte des conneries. Rien de bien sérieux.

Il m’embrasse de nouveau. J’aimerais que ce moment hors du temps dure pour toujours, mais bébé me réveille de mon songe en se manifestant. Je caresse mon ventre là où il a donné un coup pour lui demander de se calmer. Je sais bien que tout ça finira et je l’aime déjà bien suffisamment pour me consacrer entièrement à lui.

— Ton fils n’est pas très partageur, commente Gabriel.

Je m’esclaffe.

— Non, apparemment.

Gabriel vide son verre et se lève.

— Je vais y aller. On se voit dans la semaine, promet-il en m’embrassant une dernière fois.

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