Chapitre 22 : Celle qui fête l’anniversaire de sa grand-mère
Avant de frapper à la porte de mes grands-parents, je grimace à Gabriel :
— T’es prêt ?
Je n’en reviens toujours pas qu’il vienne. Je ne pensais pas qu’il prendrait l’invitation de ma mère au sérieux. Ou alors je pensais qu’il sauterait sur la moindre excuse pour y échapper. Mais il est là. Sa chemise blanche fait ressortir se peau mate et ses yeux bleus sont malicieux. Mon cœur d’artichaut fond pour lui. Je ne suis pas encore parvenue à me décider à mettre fin à tout ça. Je m’accroche au plaisir de ces moments volés. Pourtant quand je suis seule, je pleure beaucoup en pensant à notre avenir. Peut-être que Laura a raison et que je devrais arracher le pansement d’un coup sec ?
— Je me suis préparé à affronter toutes les remarques, me lance-t-il avec un clin d’œil.
Ma grand-mère nous ouvre. Elle ouvre la bouche de surprise en voyant Gabriel puis se reprend et nous salue. Elle serre la main sèchement de mon compagnon sans un sourire. Je mordille ma lèvre. C’est quoi cet accueil glacial ?
Dans le jardin, tout le monde est déjà installé près du barbecue. Mon grand-père est aussi froid avec Gabriel que ma grand-mère. Ce dernier me lance un regard surpris. Je hausse les épaules pour marquer mon incompréhension. Quand j’embrasse ma mère, je remarque que celle-ci a l’air gênée. Est-elle mêlée à cet étrange accueil ?
Heureusement, mon père, mon frère et sa femme n’ont pas l’air d’être touchés par cette drôle d’ambiance. Nous échangeons avec eux. Je parle un peu de ma grossesse avec ma belle-sœur. Seule femme dans mon entourage proche avec Caro à avoir déjà vécu l’expérience. Soudain, mon grand-père s’approche et nous interrompt.
— Alors il est revenu ce bon à rien ? dit-il en jetant un coup d’œil à Gabriel qui discute avec mon frère et mon père.
J’écarquille les yeux et regarde Hippolyte qui ne semble pas plus savoir de quoi il parle.
— Je ne comprends pas…
— Bah, celui qui t’a mis en cloque ! Il a finalement un peu de plomb dans la cervelle…
Mes ongles s’enfoncent dans les paumes de mes mains. Qu’a encore été raconté ma mère ?
— Pas du tout ! Gabriel n’est pas le père de mon enfant.
— Ah bon ?
Le ton de mon grand-père n’est pas convaincu.
— Je t’assure que ce n’est pas lui.
— Je vois…
Et son regard jugeant se tourne désormais vers moi. Je redresse les épaules et me prépare. C’est le moment ou jamais.
— En vérité, ce bébé n’a pas de père. Je me suis fait inséminer en Belgique, je précise devant la mine perdue de mon aïeul.
— Inséminer ?
— Oui, tu sais… On m’a injecté des spermatozoïdes. Aucun homme ne m’a abandonnée. J’ai décidé de faire un bébé toute seule.
Mon grand-père ouvre la bouche, la referme. Ma grand-mère arrive à ses côtés.
— Que se passe-t-il ?
Je répète mes explications. Je vois bien qu’ils ont du mal à digérer l’information.
— Mais Daphné a dit que c’était un homme qui…
— Maman vous a menti pour ne pas vous perturber, expliqué-je. Mais j’en ai assez de ses mensonges. Je sais que vous ne trouvez pas ça naturel, mais c’est mon choix…
— Enfin quand même, se faire injecter du sperme dans une seringue.... Tu pouvais très bien trouver un mec pour faire ça. Ça aurait été plus simple !
Je secoue la tête.
— Et la MST qui vient avec aurait peut-être été simple ? Se faire inséminer est mon choix et il m’a permis de faire un bébé seule en toute sécurité.
Je redresse le menton. S’il n’est pas content, cela ne changera rien.
— Et lui alors, il pouvait pas te le faire ton mioche ?
Il montre Gabriel du doigt qui fronce les sourcils en le voyant.
— Je l’ai rencontré après… Il n’a rien avoir avec mon choix de vie.
Je décide d’arrêter là la conversation. Ils ont besoin de temps pour digérer mes propos. Je rejoins Gabriel.
— Ça va ? me demande-t-il.
J’acquiesce malgré la boule dans la gorge qui se forme. J’ai enfin dit la vérité, pourquoi ai-je envie de pleurer ?
— Mes grands-parents ne savaient pas que je m’étais fait inséminer et je viens de leur dire.
Il m’embrasse la tempe et j’esquisse un sourire.
— Depuis que je te connais, tu m’impressionnes de plus en plus.
— Moi ? T’impressionner ?
Il hoche la tête.
— Rien que ta décision de faire ce bébé toute seule. Je trouve ça extrêmement courageux d’aller au bout de ses rêves encore plus quand on est seul. Et depuis tu ne cesses de t’affirmer !
Je rougis.
— Ouh ! Qu’a dit Gabriel pour te faire rougir ainsi ? se moque mon frère en nous regardant.
Je rougis encore plus.
— Rien qui ne te regarde !
— Mais je veux savoir maintenant, boude Hippolyte.
— Qu’est-ce que tu as été raconter à tes grands-parents ? vocifère ma mère en se campant face à moi, les mains sur les hanches.
Ses yeux lancent des éclairs. J’inspire. Courage Athéna, Gabriel vient de dire que tu étais courageuse !
— La vérité ! Contrairement à toi, je ne veux pas vivre dans les mensonges.
Ma mère ne se dégonfle pas et redresse son menton.
— Elle est bien belle ta vérité, regarde dans quel état ils sont maintenant !
Au bout du jardin, je vois mon grand-père tempêter tandis que sa femme tente de le calmer.
— Ils ne peuvent pas vivre dans un rêve où rien ne les choque. Le monde évolue. Il faut qu’ils évoluent avec. S’ils ne peuvent pas comprendre mon choix de vie, ce n’est pas la peine que je vienne les voir. Et c’est valable pour toi aussi ! Depuis le début, tu n’acceptes pas cette grossesse ! Tu cherches à la dissimuler à tout le monde, préférant dire que j’ai couché avec le premier abruti !
Je saisis la main de Gabriel.
— Allons — nous en, on n’a plus rien à faire ici !
Les yeux emplis de larmes, je m’enfuis sans regarder autour de moi. Une fois sortie, j’éclate en sanglots. Gabriel m’enveloppe de ses bras.
— Là, ça va aller…
Ses mots doux me rassurent et nous marchons lentement dans la rue pavillonnaire.
— Désolée, ce n’était pas vraiment le repas pour lequel tu avais signé, parvins-je à m’excuser quand je suis calmée.
Le sourire qu’il me tend est tellement apaisant.
— J’ai l’impression qu’on ne s’ennuie pas trop à tes repas de famille. L’important pour moi, ce n’était pas ce repas, mais de passer du temps avec toi…
Je m’avance vers ses lèvres pleines et l’embrasse d’abord délicatement. Leur chaleur est si réconfortante Je ne m’écarte que quand j’entends son ventre gronder. Il s’esclaffe.
— C’est qu’avec tout ça, on n’a pas mangé. J’ai faim…
Je ricane et le tire par le bras. J’ai exactement l’endroit qu’il nous faut. L’enseigne rouge et jaune est déjà visible au loin.
— Un burger, ça te dit ?
Il hoche la tête.
— Parfait. Je pourrais manger n’importe quoi de toute façon.
Nous entrons dans le MacDo. Après avoir passé commande, on s’installe sur une banquette.
— Quand j’étais au lycée, c’était notre QG avec les filles. On venait prendre un sundae après nos après-midi shopping.
Gabriel me sourit et me raconte aussi des anecdotes de son adolescence. Cette douce ambiance me détend. Après deux appels de ma mère que je décide d’ignorer, je mets mon téléphone en mode avion. Quand nous repartons, je me sens bien. Je suis heureuse d’avoir balancé la vérité, même si je ne l’ai pas fait de façon délicate. Ces secrets me pesaient et je me sens plus légère.
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