Chapitre 23 : Celle qui passe une soirée entre filles
Je monte dans l’ascenseur de mon ancien immeuble. C’est étrange de revenir ici maintenant que je me n’y vis plus. Laura a proposé de nous recevoir. Elle a préparé plusieurs recettes pour ses vidéos instagram et a à manger pour quatre. Parfait ! J’adore ce qu’elle prépare en général ! J’ai même essayé de suivre ses recettes à la maison, mais j’ai foiré lamentablement… La cuisine et moi, on est vraiment pas amies. Je ne suis pas assez patiente.
Cathy et Laura m’accueillent en m’enlaçant.
— T’as encore grossi ! commente la rouquine.
— Je te remercie, tu parles d’un accueil !
Elle grimace.
— Non, mais c’est bon signe, je crois… Hein, Cathy, c’est son bébé qui grossit en vrai ?
Cathy me sourit.
— Ne l’écoute pas, tu es magnifique !
Je porte une robe longue estivale dont le tissu est tendu au niveau du ventre.
— Ouais parce qu’il n’y a pas que la poitrine qui a grossi. Tu a une sacrée paire de boobs !
Je rougis.
— Ah oui, pour une fois ! J’ai dû acheter de nouveaux soutiens-gorge ! J’aimerais que ça dure après la grossesse, mais je n’y crois pas trop…
On parle alors de mon désir d’allaiter. Quelques minutes plus tard, Caro franchit la porte. Ses cheveux noirs sont propres et elle semble coiffée. Par contre, ses cernes n’ont pas disparu.
Nous plaisantons beaucoup en sirotant des cocktails. Je raconte de nouveau mes mésaventures.
— J’ai parlé à ma mère hier.
Leurs regards ont attentifs.
— Elle s’est excusée. Elle pensait bien faire, mais elle veut continuer à me voir et à voir son petit-fils. Elle pleurait. Je crois qu’elle a pris conscience de ce qu’elle a fait.
— J’espère bien, commente Laura. Elle a bien merdé quand même.
J’acquiesce.
— En tout cas, ça fait du bien de tout balancer. Je ne me suis pas sentie aussi légère depuis longtemps. Il ne me reste plus qu’une autre chose à faire.
Elles écarquillent les yeux.
— Quoi donc ? demande Laura pour les deux autres.
— Je vais quitter Gabriel.
— Mais je croyais que ça marchait hyper bien entre vous, s’étonne Cathy.
— Oui justement, ça marche trop bien pour un simple Carpe Diem. J’ai envie d’être avec lui tout le temps, j’aimerais qu’il reste après la naissance. Je suis amoureuse…
— Oh ma chérie… compatit Caro.
— C’est vraiment un mauvais timing, marmonne Laura. Ma pauvre !
— Du coup, je préfère rompre maintenant. Je vais être malheureuse, mais ça va passer et je serai prête à me consacrer à mon fils. Si j’attends, je risque d’être malheureuse après l’accouchement et je n’ai pas envie que mon bébé pense que je regrette mes choix.
— Oh… se lamente Cathy.
Je relève le menton malgré mes yeux qui s’embuent et je déglutis.
— Cela me met une telle pression d’être avec lui sans savoir quand exactement ça va finir. Je… Je me sentirai plus libre après. Ma décision est prise.
— T’es bien courageuse ! remarque Caro.
— Ouais, il faut pas mal de cran pour mettre fin à une histoire qui fonctionne.
Je grimace, mais acquiesce.
— Et sinon, comment tu te sens à l’idée que tes collègues ont repris le travail sans toi ? me demande Cathy.
— C’est hyper étrange. J’ai l’impression qu’on s’est trompé de saisons et que les vacances ont été prolongées et que la rentrée n’avait pas eu lieu.
— Je te rassure, elle a bien eu lieu. C’est juste que tu n’y as pas participé, sourit Caro.
— Et c’est un soulagement. Je ne sais pas comment j’aurais pu faire tout ce trajet de voiture, plus la journée de classe debout. Heureusement, que mon gyneco m’a arrêtée plus tôt…
— Il y a des femmes qui tiennent jusqu’à leur congé maternité, je ne sais pas comment elles font, s’étonne Caro.
— J’imagine que ça dépend du métier et de la fatigue physique qu’il engendre…
— Et du trajet domicile-travail… complète Cathy.
— Bon, et toi Caro, comment ça se passe ton temps libre ? je demande finalement.
J’en assez d’être sous les projecteurs. Celle-ci accepte le détournement de conversation avec un sourire crispé.
— C’est pas la révolution… Une fois, j’ai demandé à Matt de sortir avec les enfants pour que je dorme. C’était génial. Mais pour lui, ça s’est hyper mal passé. Les gosses ont été horribles. Du coup, j’en profite plutôt pour aller marcher et boire un café au Starbucks. Alors c’est sympa, mais…
— Mais ? demande Laura quand Caro ne parle plus.
— Je crois que ça ne me suffit pas. J’ai l’impression qu’il me manque encore quelque chose. D’accord, j’ai du temps pour moi, mais en fait, je passe tout ce temps à réfléchir à ce que je vais faire en rentrant. Comment organiser les machines, la préparation du repas et le bain des petits ? Enfin, vous voyez le genre.
On hoche toutes les trois la tête, mais en vrai, aucune de nous n’a encore vécu une telle gestion.
— La fameuse charge mentale, rappelle Laura. Celle qui est surtout portée par les mères dans une famille… Même moi j’en ai entendu parler.
Caro opine de la tête.
— C’est lourd à porter. Et Matt ne prend pas conscience de tout ça. Quand rien n’est prêt à manger, il propose de se faire livrer MacDo. Alors autant c’est sympa une fois de temps en temps, mais on peut pas se le permettre tous les jours. Il m’aide, hein ! Mais, par exemple, les rendez-vous médicaux, c’est à moi d’y penser… Je n’avais pas l’impression avant la naissance de Gus que c’était si déséquilibré. J’ai l’impression d’être sous l’eau en permanence.
— Vous devriez peut-être vous faire aider ? propose Cathy. Une sorte de thérapie de couple ou un coach de vie, quelqu’un qui vous aide à retrouver un équilibre.
— Je ne sais pas trop ce qui existe dans ce genre…
— Ça doit bien exister, vous êtes loin d’être les premiers à rencontrer ce genre de difficultés !
— Oui… Sinon toi, je croyais que tu avais quelque chose à nous annoncer à propos de ton taf ? questionne Caro.
Laura dévoile ses dents blanches dans un grand sourire.
— Je vais publier mon livre de recettes en papier !
— C’est vrai ? m’exclamé-je avec joie.
Elle se lance alors dans l’explication enthousiaste de son projet. Un bouquin qui réunirait ses photos des 50 plats qui ont le plus plu sur son compte insta avec ses propres photos culinaires. Elle va le lancer avec un système de précommande, mais elle a déjà des followers intéressés. C’est un truc de dingue ! Nous oublions nos mésaventures et partageons la joie de Laura.
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