Chapitre 28 : Celle qui reçoit de la visite
Je suis réveillée par une infirmière qui dépose le petit-déjeuner dans ma chambre. Amorphe, je grignote des biscottes avec un thé qui peine à me réveiller. Une sage-femme vient me rendre visite et m’annonce que l’on va faire un nouveau monitoring. Oh joie ! Je grimace intérieurement, mais en réalité j’ai hâte de savoir si le problème est réglé.
Une fois de nouveau équipée pour le monito (oui, on est intimes maintenant, je l’appelle par son petit nom), des coups retentissent sur la porte. Encore ! Je retiens un soupir et m’attends à ce que l’infirmière entre avant même que je dise « entrez ». J’ai bien remarqué que ces petits coups sont une simple mesure de courtoisie. Cependant, la porte reste close.
— Entrez, prononcé-je intriguée.
Des pas hésitants précèdent la tête de mon docteur favori : Gabriel.
— Salut, lâche-t-il dans un sourire.
— Euh… T’es là pour le travail ? Enfin… euh… je veux dire… t’es mon docteur ?
Mes joues s’empourprent tandis que j’essaie de tirer le drap pour camoufler la ceinture de monitoring qui recouvre mon ventre. Peine perdue, je suis à peine décente dans mon magnifique pyjama d’hôpital.
Il secoue la tête.
— J’ai juste vu ton nom dans les arrivées et je voulais vérifier que t’allais bien. Mais je suis aux urgences aujourd’hui.
— Ah, tant mieux !
— Bah, ça fait plaisir… marmonne-t-il.
— Ne le prends pas mal, mais je préfère te voir en dehors du travail. C’est moins gênant.
— Ou ne plus me voir du tout… Je suis désolé, je n’aurais pas dû venir…
Il passe une main dans ses boucles brunes et évite mon regard.
— Oh non, ne t’excuse pas, c’est gentil d’être venu. Ça fait du bien de voir un visage familier ici.
Il sourit et s’approche.
— Tu vas bien ?
— Je crois, oui. J’ai eu beaucoup de contractions hier. Ils m’ont gardé pour la nuit et filé un médoc. Là, ils sont entrain de vérifier qu’il n’y a plus de contractions.
Je désigne l’appareil d’un signe du menton.
— Je peux ? demande-t-il en avançant sa main vers les feuilles qui sortent de l’appareil de monitoring.
On dirait des graphiques qu’on étudiait en physique au lycée. J’acquiesce. Il scanne les courbes des yeux.
— Ça m’a l’air d’aller… commente-t-il. Tant mieux, t’es encore loin du terme. Vaut mieux le garder encore un peu au chaud.
— Oui, c’est ce que me disait une infirmière ce matin. Comme si j’y pouvais quelque chose…
Gabriel se tourne vers moi et pose sa main sur la mienne. Celle non perfusée.
— Non, tu n’y peux rien… Ne t’inquiète pas, le plus dur est passé. Si la terbutaline a agi, tu devrais être tranquille.
Depuis hier soir, je sens enfin un peu de sérénité m’envahir.
— Tu m’as manquée, lâche-t-il en regardant nos mains jointes.
Je ne sais pas quoi répondre. Dois-je mentir pour l’aider ? Ou la vérité ?
— Toi aussi.
Il redresse son visage et m’observe avec une lueur d’espoir. Je pince mes lèvres.
— Je… Je ne regrette pas ma décision. Notre relation en CDD ne me convenait plus. Mais tu me manques beaucoup.
Il repasse une de ses mains dans ses cheveux. Je ne sais pas comment ça se fait que ceux-ci restent coiffés après tout ce qu’il leur fait subir.
— Je… j’ai eu le temps de réfléchir. Je comprends ta décision. Je… je ne suis pas prêt à m’engager avec toi alors que tu vas être maman. Enfin, pas maintenant… Je suis désolé. J’aimerais ! Mais ça me fait peur… Je…
— Gabriel, je l’arrête. Je ne t’ai pas demandé de t’engager. Je ne me permettrai pas. On se connait depuis quelques mois seulement. C’est trop tôt pour te demander de t’investir dans ma vie de famille… C’est pour ça que j’ai préféré tout arrêter. Je ne voulais pas qu’on souffre plus, que l’on s’attache encore plus…
Il opine de la tête sans vraiment me regarder. Quand il se tourne vers moi, ses yeux bleus brillent.
— Je crois que c’est trop tard pour ça, Athéna. Je suis déjà attaché à toi. Je ne pense qu’à toi. Tout le temps. Comment tu vas, ce que tu dois être en train de faire, est-ce que je te manque ?
Une boule se forme dans ma gorge. D’un côté, j’ai une subite envie de sourire à l’idée qu’il partage mes sentiments. Je déglutis.
— Je t’aime, déclare-t-il.
Une larme coule sur sa joue.
— Je t’aime aussi.
Les mots sortent de ma bouche dans un murmure. Il sourit.
— Je suis désolée, j’ajoute.
Trois coups retentissent sur la porte. Cette fois, elle s’ouvre avant même que j’aie le temps d’ouvrir la bouche. Gabriel se lève avec précipitation et essuie sa joue.
L’infirmière s’arrête, la bouche ouverte de surprise.
— Docteur Payet ?
— Bonjour, la salue-t-il. Je connais Mme Martin et j’étais juste venu lui rendre visite. Je vais vous laisser. À bientôt, Athéna !
Ses mots sonnent comme une promesse.
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