<< Mes amis ! Je suis morte ! je ne le sais pas, bien sûr, mais je suis morte !

Bon, évidement, je crois que je vous doit une explication et la voici : fallait bien que sache ce qu'il y a après !

Je plaisante, bien sûr... Quel âge j'ai, d'ailleurs ? Je me suis toujours demandé à quel âge je mourrais...

Non, parce que là, maintenant, j'ai quinze ans...

Bah quoi ? Il n'y a pas d'âge pour y penser !

Au fait, qui est-ce qui lit ? Comment vous l'avez trouvée, cette lettre ?

C'est pas important, en fait, après tout, je suppose que l'on ne vous entend pas, dans l'Au-Delà, s'il existe.

Maintenant que j'y pense, cette lettre est là pour vous faire part de ma vie, n'est-ce pas ? De mes regrets ?

Alors allons-y ! Je suis morte, alors je ne risque rien, hein ? Si ? Non ? Faut savoir !

En fait, je ne sais pas quoi dire, là maintenant, tout de suite... Puisque je ne suis pas encore morte. C'est ça, le problème avec les lettres : on ne sait jamais quand elles vont être lues !

Alors je vais aller vite, comme ça, ça fera moins mal quand vous lirez, vous verrez, c'est comme un pansement qu'on enlève, plus ça va vite, moins on a mal.

Enfin, je tourne autour du pot, là.

Alors, pour résumer ma vie actuelle de gamine de quinze ans, c'est simple : je vit et je pense que j'ai vécu et ne vivrait que pour l'écriture. Écrire. Écrire, c'est mon seul moyen d'être moi, de me découvrir et de me faire découvrir. C'est mon moyen de ne pas sauter par la fenêtre, parfois, et Merlin sait que j'en ai rêvé, parfois. Écrire, c'est ma thérapie à moi...

Bon, la pilule est passée ? Oui, je suis dépressive et alors ? Je le vit très bien !

Affaire suivante !

J'ai toujours aimé aider les autres, même quand moi, je ne vais pas bien. D'ailleurs, je dois être maso, car j'aime bien, ne pas aller bien, des fois... Cela me donne l'impression d'être humaine, d'avoir mal. Parce qu'un humain, ça souffre... Sinon, je serait une sorte de machine, pas vrai ?

Ensuite, et je m'excuse d'avance pour certains, mais je ne dirait rien de ce que je regrette, si ce n'est de ne pas savoir comment je vais mourrir et quand, ni si cette lettre va vous parvenir, si j'ai terminé mon projet d'écriture, si mon brevet s'est bien passé... Enfin, bref ! Je ne parlerais pas de mes actions à proprement parler parce que sinon... Je vais me mettre à pleurer et ce serait un peu bête puisque je suis morte.

Ma vie a été courte ou longue, j'en sais rien, mais j'espère quand même que j'ai fini toutes mes histoire... Dans ce cas là, je dois avoir au moins cinquante ans ! Incroyable ! Trente-cinq ans de plus que maintenant !

Et vous, vous avez quel âge ?

Ce que j'aimerais, par contre, si aucun de mes écrits n'est publié, que quelqu'un tente de le faire... Parce que j'y passe tout mon temps...

D'ailleurs, j'écris cette lettre pour m'occuper, car je suis en pleine prériode de page blanche alors que je devrais écrire le chapitre neuf de la partie deux de La Création des Mondes tome un, Les Dieux Entravés...

Vous êtes perdus ?

Tant mieux, c'était le but !

Maintenant, il faut écrire quelque chose d'interressant, sans humour...

En fait, là, le seul truc auquel je pense, c'est à la seule chose que j'ai jamais dite sans un contexte humoristique mais que j'ai toujours pensé :

Je t'aime.

Parce que, malgré tout, je vous aimes. Tous. >>

Devant la tombe, un petit groupe regardait le lecteur... Qui, lui, regardait la tombe.

Marion Taillecours

15 Janvier 2006 - 31 Décembre 2106

Celui qui ne comprends pas que le monde est cruel est un bisounours

Morte le stylo à la main.