Puis Cela a bougé
Puis Cela a bougé. Cela a frémi. Pareil au vent léger qui, plus tard, parcourra les plaines d’herbe de la Terre. Cela s’est levé de soi, pur prodige de la parution lorsqu’elle ne connaît nulle cause externe, nul enchaînement qui en expliqueraient le surgissement. Cela s’est fait se faisant. Cela a surgi surgissant. Le noir s’est comburé de l’intérieur, s’est ruiné en quelque sorte, a procédé à sa propre destruction. On entendait de grands pans de noir chuter dans des cloaques infinis, ils bruissaient encore des spasmes du Rien.
Cela faisait un genre de borborygme, de gargouillis, de rhétorique ventriloque. Une élévation hors de soi, on aurait dit le cri d’une longue et tragique parturition. Le noir, cet immense mystère, cette compacité à nulle autre pareille, s’extirpait de son propre être afin que d’autres êtres paraissent, qu’une genèse pût enfin dire son nom, proférer un peu plus haut que le bitume et la suie réunis. Le Cela n’est ni le Dieu monothéiste, ni celui polythéiste du panthéon des anciens Grecs. Non, le Cela est cette infinie virtualité de la matière qui s’extrait elle-même de sa gangue, dit ses premiers mots qui ne sont que balbutiements. Mais il faut bien commencer par quelque chose, n’est-ce pas ? On ne naît pas avec des phrases constituées dans la bouche. Les premiers mots on les manduque, on les enrobe de salive, ils sont encore des parcelles du corps, des élévations de la physiologie, des bulles qui veulent conquérir la belle transparence du langage.
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