La genèse se déploie
La genèse se déploie, le cosmos peu à peu s’organise. Le langage qui, à ses débuts, était profération hésitante, sabir incompréhensible, le voici qui se dote des prédicats les plus précieux afin que les sensations, enfin délivrées de leur dette charnelle, puissent s’exprimer sur le mode des harmoniques subtils de la couleur, du plus clair au plus foncé en passant par le velouté, le rugueux, le piquant, le révulsif, l’astringent, l’excitant puisque, aussi bien, les pulsations sont aussi bien tactiles, kinesthésiques, épidermiques que simplement visuelles. Observez un Rouge fraise et vous saliverez. Regardez un Incarnat et vous transpirerez. Approchez un Rouge de Falun et déjà vous frissonnerez et ceci ne sera nul paradoxe, une couleur chaude inclinant vers l’ombre est porteuse d’un froid qui s’allume au loin et vous fait redouter les morsures de l’hiver.
Pour autant, en avons-nous terminé avec le Rouge ? Bien évidemment non. Il nous hante à bas bruit, il titille notre volupté, il s’immisce dans nos rêves éveillés et se montre sous le redoutable aspect d’un bouton de rose dont nous savons bien que son épanouissement nous livrera au délicieux supplice de l’attente, au bourgeonnement immédiat qui se nomme ou bien ‘plaisir’ ou bien ‘mort immédiate’ selon la Dame de cœur qui y sera inscrite en filigrane et qui ne rêve rien tant que de nous posséder, nous qui nous pensions seuls doués de ce pouvoir de mainmise. Mais arrêtons-nous avant que le marivaudage ne nous saisisse et que nous ne sombrions dans les coulisses de la galanterie.
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