Le Bleu est une fête
Le Bleu est une fête qu’ont célébrée de nombreux artistes. Le Bleu est une félicité tout intérieure. Voyez ‘Les Amants bleus’ de Chagall, l’amour y est célébré dans des touches subtiles qui vont du Bleu Azur (ce Ciel) au Marine (cette eau), voyez encore ‘La Mariée’ de 1950, l’élan des épousés pour plus loin qu’eux, la tonalité purement mystique, la lumière qui traverse le vitrail, l’effusion ascensionnelle au terme de laquelle ne peut paraître que l’Absolu lui-même, peut importe son nom, Dieu, Esprit, Être, Grand Tout, enfin une Transcendance qui se perd dans les voiles de l’Infini. Approchez-vous de ‘La Femme aux yeux bleus’ de Modigliani. Vous ne pourrez la regarder qu’à vous perdre dans ses yeux Turquoise, Givré, qui indiquent la grande profondeur à atteindre si l’on plonge dans ces lacs qui sont ceux de l’âme. Nous sommes fascinés par ce regard totalement métaphysique qui ne vise nullement le monde, mais son en-deça (Le Chaos ?), son au-delà (Le Cosmos ?).
C’est un grand trouble en tout cas que de se situer devant l’abîme des yeux, on pourrait s’y perdre pour l’éternité. Admirez ‘le Bleu’ de Klein. Craignez de vous y perdre. Cette teinte est à la fois attirante, magnétique, à la fois répulsive qui vous tient à distance. Ce Bleu singulier est une brume diffuse dont on ne peut rien dire, seulement faire face, attendre longuement. De tous les Bleus c’est le plus paradoxal en même temps, sans doute, le plus attirant. Klein, en quelque manière, déniaise le Bleu que certains esprits ‘fleur bleue’ auraient vite versé au crédit des comptines d’enfants et des contes ordinaires. Le Bleu pour exister, puisqu’il est emblème du Sacré doit exercer le double flux du ‘venir à lui’ et du ‘partir de lui’. C’est dans cet intervalle seulement, dans cette hésitation que peut s’inscrire quelque chose d’un mouvement vers une Déité, autrement dit en direction de l’Art dont les racines sont religieuses.
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