Chapitre 6

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Commissariat ≈ 11h

A la minute où les prunelles d'acier de l'elfe se dardèrent sur Hasley, celui-ci sut que deux arguments ne suffiraient pas. Mais il n'était plus temps de remettre le plan d'action en question.

Avec ses longs cheveux blonds aux reflets argentés tirés en queue de cheval, et son costume trois-pièces sans le moindre pli -qu'Hasley n'aurais pas pu s’offrir même en y mettant un an de salaire- Finil-Plënter, commissaire du 7ème poste de police d'Ancalimë, semblait être l'incarnation de la rigueur et de l'intransigeance.

Cependant, il se disait aussi de lui qu'il savait voir au-delà des apparences, et c'était plus sur cet aspect là de sa personnalité qu'Hasley misait en ce moment même.

Hasley exposa pendant un bon quart d'heure les éléments de l'affaire, ainsi que ses conclusions personnelles, suppliant son supérieur de lui alloué du temps supplémentaire pour un contre- interrogatoire et acquisition de plus de preuves en la défaveur de Raizel.

Finil-Plënter, avare en paroles comme à son habitude, hocha la tête en signe d'assentiment à toutes les suggestions, et Hasley cru qu'il avait gagné d'avance, avant que ses espoirs ne soient réduits à néant par quelques mots.

« -Savez vous où se trouve la dénommée Cassidy actuellement ? »

Et lui qui avait cru s'en sortir indemne en mettant de côté ce détail… Du tac au tac il répondit :

« -Non. »

Les oreilles pointues et presque horizontales de son supérieur tressaillirent comme heurtées par le mensonge. D'une voix tranchante et effrayante de calme, il insista, à croire qu'il connaissait déjà la réponse à sa propre question et qu'il voulait juste humilier Hasley.

« -Je reformule : Où est t-elle ?

-Chez moi.

-Je la veux ici, en garde à vue. Je vous accorde le contre interrogatoire, rien d'autre. En cas d'échec, elle sera jugée par un procès équitable. Les circonstances atténuantes serons prises en compte. Quant-à vous, dérogez encore une fois aux règles, et il faudra vous attendre une sanction en conséquence. Vous pouvez disposer. »

Hasley s'inclina et sortit, ravi de sa demi-victoire.

Appartement de Hasley ≈ 11h30

Pour la énième fois de la journée, Erb et Haz faisaient le trajet commissariat/Azgort.

Le soleil arrivait à son zénith, masqué derrières d'épais nuages noirs, qui déversaient un déluge continu sur la partie Ouest d'Ancalimë.

Les pneus éclaboussaient les trottoirs, plus vides à cette heure ci que jamais, étant donné le fort taux de population noctambule du coin.

Il y avait de ces jours qui commençaient mal, et qui n'allaient pas en s'améliorant.

Hasley en posant le pied sur le pallier du cinquième étage, pensa qu'il n'était pas au bout de ses peines.

Il avait, ô combien raison. En entrant dans le salon, il constata, presque sans surprise, que Cassidy avait pris la poudre d'escampette.

Le contraire eût été trop beau pour être vrai.

Pendant qu'Hasley par précaution fouillait l'appartement -et il était rapide d'en faire le tour-, Erb se pencha sur capharnaüm de papiers qui colonisaient la table basse en métal patiné.

A l'écart des autres, un dossier était ouvert et, fait curieux, il manquait la partie inférieure d'une page.

« -On la retrouvera jamais ! Elle s'est barrée avec ses affaires ! Fulmina Hasley. Elle a du nous entendre parler et s'enfuir !

- J'ai une hypothèse. Mais il va falloir aller vite. »

La page arrachée appartenait au dossier de l'enquête en cours, et par élimination, Erb avait deviné qu'il s'agissait de celle qui récapitulait les informations de Raizel, notamment ses coordonnées.

Hasley n'ayant pas coutume de déchirer de la paperasse, il s'agissait donc de Diamand, et le plus probable était qu'elle cherchait à trouver Raizel pour s'en venger.

Quartier Söhren ≈ 12h30

Raizel possédait le deuxième étage d'un immeuble délabré, au cœur d'un quartier commerçant sans nom, à cinq minutes à pied de Söhren.

La rue couverte de pavés grossiers, sur lesquels une mousse grise se développait, était pleine de nids de poules et d'ordures en tous genres, châssis de vélos, pneus et sac plastiques.

Coincée entre une maison close qui faisait aussi hôtel-restaurant, et une épicerie dont la devanture noire de crasse, annonçais les soldes de l'été dernier, la bâtisse en pierre avait l'air d'avoir été noircie par les flammes. La porte en bois vermoulu battait contre le mur, poussée par des rafales de vent qui faisaient entre la pluie dans le hall.

Erb gara la voiture juste devant, et les deux hommes s’engouffrèrent dans un couloir obscur où là, une puanteur acre ôtait tout envie d'inspirer par le nez.

L'escalier, dont le bois gonflé par l'humidité semblait aussi solide qu'une biscotte, partait en colimaçon vers le premier étage, habité par des bonnes à tout faire en situation irrégulières, qui gloussèrent à leur passage.

Le second niveau, celui de Raizel était fermé au public par une porte dont le cadenas qui la verrouillait, gisais par terre, forcé par une main experte.

En meilleur état que le reste du bâtiment, le corridor, exiguë et sombre mais décoré de quelques tentures bordeaux, donnais accès à huit appartements.

Un hurlement de douleur étouffé leur parvint. La voix était masculine, Raizel sans aucun doute. Hasley plaqua la main sur sa hanche, là où était accrochée son arme de service.

Glissant le long du mur, il s'arrêta au niveau de la sixième porte, d'où provenais les cris macabre.

Se risquant à l'intérieur, il distingua la silhouette élancée de Diamand, dont le pied était posé sur un corps recroquevillé, qui laissait échapper des râles pathétique.

Le talon aiguille de la jeune femme, appuyé sur son abdomen, coupais le souffle de Raizel. Quand elle relâcha la pression et qu'il put respirer enfin, ce fut pour recevoir un coup monumental qui lui brisa plusieurs côtes.

Effleurant du bout de la chaussure, le visage meurtri du proxénète, Diamand considérait ce paillasson vampirique, en train de tourner de l'œil, d’un regard froid.

« -Tu en as déjà assez ? Tu n'es pas très résistant dis moi.

-…

-Tu n'as jamais enduré le quart de ce que tu m'as infligé il y a deux ans. Tu te souviens ? Ce jour où j'ai tout perdu, ma sœur et mon humanité. Tu crevais la dalle, et moi j'étais juste là, au mauvais endroit, au mauvais moment, lui souffla t-elle presque enjôleuse.

-…

-Je parie que je n'étais ni la première ni la dernière. Les types de ton genre sont pires que de la vermine. Regarde-moi quand je parle !

-J'ai... d-de l'argent, pitié, l-laisse moi…

-Tu te figure que je voudrai ton argent dégueulasse ? Ce que je veux, c'est que tu me révèle tout sur le réseau. Fait pas cette tête, tu sais de quoi je parle. »

Hasley, hésitait à intervenir, car les choses prenaient une tournure intéressante. C'était une occasion inespérée à saisir.

Raizel, semblais être quelqu'un de couard et de douillet, et si ce n'étais pas déjà fait, il n'allait pas tarder à craquer.

Alors que Raizel restait muet, Diamand le pris par le col.

« -Dis-le-moi où je te t'aspire le sang, juste assez pour que tu agonise lentement ! »

Elle le plaqua au plancher, cognant sa tête avec un bruit mat, et comme pour appuyer ses dires, s'approcha du cou de Raizel

« -Cassidy, recule ! »

Prise en flagrant délit, elle se retourna pour voir qu'Hasley la tenait en joue.

C'était à regret qu'il avait interrompu les choses, mais il ne pouvait se permettre de laisser un citoyen, même une vermine, se faire liquider sous ses yeux.

Et Cassidy méritais mieux que trente ans de prison pour homicide.

Cette dernière se positionna derrière Raizel, s'en servant comme bouclier.

De sa poche de manteau elle sortit un couteau de cuisine, qu'Hasley devina, pour son plus grand désarroi, être l'un des siens.

Le plaçant sous la gorge de l'homme à terre, elle cracha.

« -Tente une seule chose pour m'arrêter, et je l'égorge.

-Ne te salis pas les mains inutilement. Tu ne mérite pas d'être arrêtée pour ça.

-Qu'est ce que j'ai à perdre ? J'irais en tôle de toute façon à cause de ses accusations.

-On est sur le point de retrouver ta sœur, bluffa Hasley. Je suppose que tu aimerais la revoir autrement qu'au parloir du pénitencier. »

Elle en resta pétrifiée.

Un instant Hasley et Erb crûrent qu'elle allait réellement trancher la gorge du petit homme chauve, quand un filet de sang dégoulina sur sa peau moite.

Cependant elle lâcha le couteau, et poussa avec fureur son otage face contre terre.

Haz demanda à son adjoint de menotter la jeune femme et de la faire monter dans le véhicule.

« -Je vous rejoins, j'ai encore un petit détail à régler avec mon ami ici présent, ajouta t-il. »

Dès que les grincements des marches devinrent lointain, Raizel, suintant la peur, traîna ses membres cassé jusqu’à un coin de la pièce, tandis qu'Hasley pointait de nouveau son semi automatique vers lui.

Ni Erb ni Cassidy ne demandèrent à Hasley comment il avait procédé.

Le fait était que quinze longues minutes plus tard quand il sortit enfin, il savait pourquoi Raizel avait accusé Cassidy et où étaient cachées une douzaine des filles du réseau.

Hasley appela des renforts, pour mener une descente dans le lieu où les humaines étaient retenues captives, mais aussi pour ramener Raizel et Cassidy dans deux voitures séparées, car il était hors de question qu'elle l'étripe en chemin.

Quant Raizel sortit, soutenu -ou plus exactement traîné- par deux policiers en uniforme, Cassidy eût la nette impression qu'il était plus amoché que quand elle l'avait quitté.

Tandis qu’elle était en partance pour le poste, des policiers questionnaient Hasley sur la raison pour laquelle Raizel était en si mauvais état.

Le détective répondit en haussant les épaules que les escaliers étaient glissants et que Monsieur avait trébuché, alors qu'il le faisait descendre.

Les policiers après un coup d’œil rapide aux marches, parurent se satisfaire de l'explication, pour le moment…

Le second véhicule démarra, pour faire un crochet pas l’hôpital, laissant Hasley et Erb seuls sur le bas côté en attendant le fourgon des forces armées.

L'après midi n'en était pas à sa moitié, et le détective n'en pouvait déjà plus de cette journée qui n'en finissait pas.

En moins de sept heures il s'était passé autant de choses que pendant les deux semaines d'investigation qui avaient précédés.

L'averse avait cessé, seul restait le bruit des gouttes qui tombent des toits pour se répandre au sol.

Cherchant un banc des yeux, où du moins une surface assez propre pour s’asseoir, Hasley s'appuya sur le rebord de la vitrine de l'épicerie.

Erb le rejoignit, il s’écoula un moment avant qu'il ne brise le silence.

« -Une chute du haut de l'escalier hein ?

-Mais c'est vrai ! se défendit Hasley. Par contre, je ne nie pas lui avoir donné un petit coup de pouce… Mais ça reste entre nous. »

Erb hocha la tête, désapprobateur, et ajusta son borsalino pour mieux se cacher des rayons du soleil qui refaisait surface.

« -Vous ne m'avez pas encore expliqué pourquoi Raizel avait fait accuser Cassidy.

-Holmes lui avait confié se sentir suivit ses derniers temps. Raizel à su par le bouche à oreille que Cassidy enquêtais sur son acolyte. Elle était connue dans le milieu pour être intrépide et avoir des relations avec les forces de l'ordre. Une gêneuse donc. Raizel craignait qu'elle ne finisse par les dénoncer autant pour le réseau que les transformations sur non-consentants. Il a eu l'idée que le jour où il tuerait Holmes pour prendre les rênes de l'entreprise, de se servir d'elle comme bouc émissaire. Ainsi, il faisait d'une pierre deux coups.

- C'est donc Raizel qui a tué Holmes ?

- Eh bien, il semblerait que non. D'après lui quelqu'un l'a devancé.

- Peut-on vraiment lui faire confiance et en être sûr ?

- Même après la chute dans l'escalier, il maintenait encore qu'il n'y était pour rien. Croyez-moi, il disait la vérité. »

Ainsi, pensait Erb, ce n'était pas encore terminé. Au vu du manque évident de pistes -maintenant que celle de Cassidy s'était épuisée- l'affaire Holmes allait être classée, non résolue. Au moins, la mort du bonhomme avait-elle permis de retrouver des jeunes humaines enlevées. Enfin, cela restait à voir…

A quatorze heures tapantes, le fourgon emmenait les deux hommes à Iurdev, un coin rempli d'industries désaffectées.

Le lieu qu'avait indiqué Raizel, était le sous sol d'une ancienne conserverie de viandes. L'enseigne avait perdu toutes ses lettres, hormis un « r », qui se balançait lugubrement, retenu par pas grand-chose.

Les mauvaises herbes poussaient aussi bien à l’intérieur qu'a l'extérieur du local. L’aile droite était en partie effondrée et ne subsistait plus qu'une carcasse de charpente en acier rouillé. De l'autre côté, une partie du toit avait disparu, cachée par une bâche de fortune, sûrement l’œuvre de sans abris qui y trouvaient refuge.

Il semblait que le sous-sol était un vrai dédale car les équipes de secouristes et les policiers mirent un temps infini à remonter en surface.

Temps pendant lequel Halsey expliqua à son adjoint ce que l'associé de Holmes lui avait dit plus tôt. Les filles étaient changées planques toutes les semaines, pour éviter d'être repérées. Sur leur « marchandise totale » très peu restaient dans les bas quartiers, la majorité étant exportées dans des endroits plus huppés.

Certaines étaient même « louées » pour des durées plus où moins longues, il faudrait donc obtenir le registre des clients, et Raizel avait juré sur sa vie que c'était Holmes qui le tenais et le gardais.

Les retrouver serai une tâche ardue, le réseau couvrant tout l'E.L.E.M., et plus encore car des filières étrangères s'étaient développées récemment.

Tout en parlant, Hasley les yeux rivés sur l’entrée du sous-sol, guettait le retour de ses collègues. Quand un premier secouriste remonta une demoiselle court-vêtue enveloppée dans une couverture de survie, suivie de près par plusieurs autres, Hasley aurais dû ressentir un profond soulagement. Mais il attendait une fille en particulier. Celle dont les traits lui rappelleraient Cassidy.

Il avait une promesse à tenir.

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