Chapitre 20
Lorsque mon cours se termine, je décide de rentrer chez moi, incapable d’affronter cette journée. J’ai besoin d’être seule, de m’enfermer dans ma chambre et pleurer toutes les larmes que j’ai gardées en moi pendant trop longtemps.
Enfin arrivée chez moi, je me pose sur mon lit et tente de me détendre. Mais je n’y arrive pas, me tournant et retournant dans tous les sens. Alors je décide d’aller sur mon balcon, mon refuge depuis des années. Mais aujourd’hui, ce refuge ne m’apaise pas. J’ai besoin d’un nouvel endroit. Mon endroit secret. Je me relève et monte alors au grenier. De là, je peux monter sur le toit, je me faufile avec toute l’habilité dont je suis douée. J’inspire plusieurs fois de grandes bouffées d’air. Et les expire en espérant que tous mes tracas s’envolent avec. Mais ce n’est pas le cas. Il y a quelques semaines, j’aurais très certainement pris une cigarette, mais j’ai décidé d’arrêter ces bêtises. Comme si ce genre de chose pouvait vraiment soulager les maux.
Cela fait déjà plusieurs heures que je suis assise sur ce perchoir, et le temps semble guérir mes blessures. Je laisse mes larmes glisser sur mes joues sans pudeur, personne ne peut me voir ici.
- Emma ! Où es-tu ?
Mince. C’est la voix de Liam, j’en suis certaine, je la reconnaîtrais parmi des milliers. Lorsque sa voix se rapproche assez pour qu’il puisse l’entendre, je lui signale ma présence. Je sèche tant bien que mal mes larmes et l’aide à monter à mes côtés quand il arrive enfin à me trouver. À côté de moi, Liam ne dit pas un mot et je l’en remercie au fond de moi. Je sais juste qu’il est présent. Le crépuscule commence à se former au-dessus de nous. Les yeux tournés vers le ciel, je m’éclaircis la voix pour prononcer ces mots qui, je le souhaite, me libéreront :
- Il n’est pas mort. Je le pensais pourtant. J’avais vu son corps dans un cercueil, je l’avais vu s’enfoncer sous terre. Mais ce n’était pas Ethan, je marque une pause. Il est revenu. Il est là. Je l’ai vu. Je l’ai senti. Je lui ai parlé.
Mais il ne répond rien. Même après une dizaine de minutes, il ne dit rien. Le silence entre nous s’installe et ne nous quitte plus. Mais ces bras, qui entouraient ses jambes contre sa poitrine, viennent s’enrouler autour de moi. Avant que je ne m’en rende compte, Liam descend du toit, et, du bout des bras, me porte jusqu’à mon lit comme un père porte sa fille. Il s’allonge et me couvre de la façon la plus réconfortante qu’il m’ait été donné d’expérimenter. Je sens mon cœur se recoller à l’intérieur de moi et pourtant, je ne peux pas m’arrêter de pleurer. Il y a des moments où les larmes me submergent et c’est le torrent que je n’avais pas versé quand j’aurais dû qui m’inonde.
- Ça va, Emma. Je suis là, je ne te quitte pas.
Liam me susurre ces mots à l’oreille et tout de suite, mes larmes se tarissent. Je me rends alors compte que ces mots sont les premiers qu’il me prononce vraiment depuis qu’il est arrivé. Ces mots me soulagent et, dans ses bras, je ferme les yeux. Je ne mets pas beaucoup de temps avant de m’endormir.
Lorsque je me réveille plusieurs heures après, je vois qu’il est deux heures du matin. Il fait nuit noire dehors et Liam me tient toujours fermement contre lui, la capuche de son sweat gris rabattue sur son joli visage. Quand j’essaye de m’extirper doucement de son emprise, je l’entends grogner et, à peine quelques secondes plus tard, me demander de ne jamais le quitter.
À ce moment, mon cœur s’est fendu et j’ai su. J’ai compris que j’avais gagné, mais que lui aussi avait gagné. J’ai compris que le retour d’Ethan ne pouvait pas impacter ce que j’avais bâti avec Liam parce que je l’aime. Moi qui n’avait jamais cru au coup de foudre ni même à l’amour éternel, je me rends alors compte que j’étais tombée éperdument amoureuse de ce petit bout d’homme à mes côtés, qu’il m’a tant apporté, que mon amour pour lui se pourrait ne pas être éternel mais est assurément passionnel. « Je suis là, Liam » je lui murmure, même s’il ne peut pas l’entendre.
Liam
Voir Emma à ce point bouleversée m’a ramené des années en arrière. Je sais ce qu’elle traverse et ce qu’elle ressent. Je n’étais encore qu’un adolescent quand mon père nous a quitté, ma mère, ma sœur et moi. C’était il y a quatre ans.
Un soir, je suis rentré chez moi après mon entraînement de foot. Ma sœur était déjà là, avec la baby-sitter. Mes parents ne devaient pas tarder à arriver. Une quinzaine de minutes plus tard, maman est arrivée. Papa quant à lui n’est jamais rentré. Nous avons appelé son travail, puis tous les hôpitaux de la ville et des alentours. Personne n’avait aucune nouvelle. La police nous a demandé d’attendre vingt-quatre heures.
Le lendemain, il était toujours injoignable et nous avons prévenu les autorités. Ils ont retrouvé sa trace une semaine plus tard, à peine. Il avait fui la ville avec une femme plus jeune que maman.
Il a repris contact quelques mois plus tard. Il a tenté de nous expliquer, mais aucune explication ne peut excuser un tel acte. J’ai arrêté de répondre à ses appels très vite et j’ai commencé à déconner. Je ne voulais plus ressentir cette peine et cet abandon alors je traînais tard la nuit dans des quartiers pas toujours très bien fréquentés. Je buvais et fumais, ça me permettait d’oublier tout ça au moins un instant. Un jour, j’étais à côté de la salle de boxe de Tom. Il m’a poussé à regarder la vérité en face et l’affronter. Il m’a sauvé de mes propres démons. Ma mère lui en sera à jamais reconnaissante. Elle qui souffrait de la perte de celui qu’elle croyait être son âme-sœur et a souffert de voir son fils partir à la dérive.
Malgré tout, mon père a mis vingt-quatre heures pour détruire mon cœur en nous laissant dans un tel effroi. J’ai décidé de laisser vingt-quatre heures à ces filles pour recoller chaque morceau, après je détruirai le leur.
Emma a recollé chaque morceau.
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