Chapitre 23
Maintenant que Maya ne me suit plus, je m’arrête dans le parc que j’ai si souvent fréquenté il y a des années de ça. Cet endroit a été mon endroit. Je suppose que l’on a tous un lieu qui nous rassure, qui nous plonge dans une bulle confortable et silencieuse. Le mien se trouve à l’angle, entre le quartier et la grande avenue. Je ne suis pas revenue ici depuis un bout de temps. Même quand ça n’allait pas, je n’y allais plus. Je ne sais pas pourquoi, à vrai dire, mais aujourd’hui, cet endroit me semble encore plus magique qu'il ne m'est jamais apparu étant plus jeune. La douleur s’apaise doucement et la douleur vive qui déchire mon cœur se tarit.
Assise en haut du toboggan, j’observe le ciel étoilé qui me domine. Je fredonne ces mélodies pour laisser s’évader tous ces ressentiments. Autour, tout est calme, comme avant une tempête. Les graviers de l’allée crissent. Je ne prends pas la peine de regarder de qui il s’agit. Peu importe dans le fond. Mais la silhouette qui se dépose près de moi est imposante. Ce n’est ni Maya, ni Liam et encore moins Ashley. Quand je tourne doucement le visage, mes yeux tombent sur le regard d’Ethan. Ses yeux profonds et son regard perçant. Celui qui ferait chavirer n’importe quel cœur. Ses yeux me scrutent. Le son qui sort de ma bouche s’étouffe petit à petit, ne laissant plus que le silence entre nous. Comme deux aimants qui s’attirent, nos visages se rapprochent lentement, comme un automatisme. Alors que nous ne sommes plus qu’à quelques centimètres, il m’invite à continuer de chanter, mais je décline. Et je sais que cette décision pourrait bien changer des choses. Je sais que décliner l’invite à rompre la distance qui nous séparait. Je sais que je ne devrais pas. Je ne suis même pas sûre de le vouloir. Mais je suis tellement blessée que je ne réfléchis pas plus. Sans plus attendre, je viens sceller mes lèvres aux siennes. Ce moment est décisif, et je m’en rends compte à l’instant où nos lèvres se quittent.
Je descends du toboggan aussi vite que je le peux. Je n’ai plus de larmes, je ne suis plus aussi triste. Non, je suis énervée. Je marche vite puis me mets à courir avec toute la force qui me reste. Mes foulées sont longues et ma respiration saccadée. Mais ça ne fait rien. Je fuis le parc. Je rejoins le quartier résidentiel où je devrais trouver Liam. Sur son porche, je frappe quelques petits coups à la porte. Personne ne vient m’ouvrir alors je retente. Toujours aucune réponse. Prête à abandonner, je descends les deux premières marches. Mais le déclic de la porte qui s’ouvre me fait faire volte face. Face à moi, Liam est debout, un sweat sur le dos et la capuche me cache son visage, d’ailleurs tourné vers le sol. Aussitôt, je me rapproche de lui. Je saisis son visage entre deux doigts. La pleine lune fait lumière sur ses lèvres charnues. Sans plus réfléchir, je l’embrasse. À peine ai-je frôlé ses lèvres qu’une multitude de sensations remuent dans mon ventre, embrase mon cœur, me font perdre pied. Quand je romps cet instant, je vois la frustration. Je ressens la même. Je laisse alors mon cœur s’adresser au sien :
- Il y a quelques minutes, j’étais avec Ethan. Je l’ai embrassé. Mais je n’ai rien ressenti. Je viens de t’embrasser. Et mon corps entier a vibré. Je pensais que tous ces sentiments étaient réciproques. Liam, je t’ai accordé la chance de prendre la place de la personne que j’aimais le plus au monde. Je t’ai fait confiance. Je me suis laissée aller à t’aimer sans conditions pour que tu continues de jouer ? Mais les vingt-quatre heures sont finies, il y a de ça des mois. J’aurais pu accepter ma défaite. Mais je ne peux pas accepter ça. J’ai mis de côté tout mon amour pour quelqu’un qui le méritait bien plus que toi, malgré tout le mal qu’il m’a fait. T’es un enfoiré, Liam. Je te déteste, oh oui ! mais par-dessus tout, je t’aime. Je t’aime avec tout ce que j’ai, et même ce qu’il me manque ! Tu n’avais pas le droit de jouer de moi comme ça ! Tu n’avais pas le droit de prendre mon cœur et le déchirer comme s’il n’avait pas de valeur.
À la suite de ces mots, je me détache de son emprise et m’échappe. Quand j’arrive au milieu de la rue, mes jambes me lâchent. Elles ne répondent plus aux supplications que mon cerveau lui adresse. À bout de nerfs, à bout de force et surtout prise d’une vague de souffrance, je m’effondre au sol la tête entre les mains qui se remplissent petit à petit de mes larmes. Je ne supporte plus tout ce qui arrive. Je voudrais me réveiller et me rendre compte que tout ça n’était qu’un cauchemar. Mais je suis dans la vraie vie. Et ça n’arrivera pas.
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