Omniscient

À cette heure tardive de la nuit, le quartier est plongé dans le silence. Les premiers lève-tôt ne tarderont pas à s'éveiller alors que nos deux amants ne se sont pas encore couchés. L’une étant trop triste et trop confuse, errant dans les parages à la quête d’une illumination. L’autre étant trop angoissé à l’idée de perdre celle qu’il aime autant.

Le garçon a décidé de tout lui avouer prenant le risque de ne plus jamais la revoir, ne plus jamais l’embrasser et la sentir près de lui. Mais il ne cessait de se répéter qu’une faute avouée était déjà à moitié pardonnée. Pris d’un élan de courage, pourtant vite rattrapé par l’effroi, il emmène la jeune fille devant sa maison. Il l’invite à s’asseoir sur les marches du porche, ces mêmes marches qui ont déjà été témoins de beaucoup de souffrance. Beaucoup de larmes, beaucoup de cris, mais très peu d’amour.

Une fois qu’ils sont tous deux installé, une vague de panique secoue Emma. C’est à ce moment qu’elle prend réellement conscience de tout l’amour qu’elle porte à Liam, une fois qu’elle y réfléchit vraiment, quand toute l’impulsivité de la situation est passée et que la réflexion prend le relais. Liam aussi en a conscience, mais c’est le cas depuis que Maya le menace de tout raconter à Emma. Il puise alors le courage nécessaire et saisit les mains de celle qui est encore sa copine pour l’instant. Il prend une longue respiration et commence son récit, tentant de n’omettre aucun détail :

• Je t’ai envoyé ce message il y a quelques mois parce que Maya me l’a demandé. Elle s’inquiétait de ne pas te voir te remettre de ta rupture avec ton ex, m’a-t-elle dit. Et j’avais besoin d’une joueuse. Quand je t’ai vu si résigné les premières heures, j’ai compris que je ne pourrais pas jouer avec toi comme j’ai joué avec toutes les autres. Mais je savais comment faire pour avoir une chance de gagner. J’avais déjà vécu cette situation. Avec Maya. Maya a été ma dix huitième joueuse. Comme toi, elle était difficile, elle ne croyait à rien de ce que je lui disait. Mais elle avait raison. Elle n’était pas spéciale à mes yeux.
• Tu n’as jamais dit que tu avais joué avec Maya, lui répond une Emma bouche-bée.
• Si. Mais quand tu ne pouvais jamais l’entendre. Jamais en te regardant droit dans les yeux. Je te l’ai dit quand les vingt-quatre se sont écoulées. Et je l’ai répété plusieurs autres fois. Mais je ne voulais pas que tu l’apprennes parce que je t’aimais trop pour accepter que tu me détestes. Je lui ai fait du mal et j’ai aimé lui faire du mal. Je sais que c’est horrible à entendre, ça l’est aussi à prononcer. Mais je veux que tu connaisses toute la vérité.

Un silence pesant s’en suit. Emma semble bouleversée et Liam ne sait pas quoi rajouter. En fait, il a tant à dire, mais ne sait pas par où commencer. Alors il tente de construire tout ça dans sa tête.

• Je me doute que ce soit difficile à concevoir, parce que je t’ai menti en te regardant droit dans les yeux et ce plus d’une fois. Mais je t’aime. Je t’aime avec tout ce que j’ai. Je t’aime avec toutes mes qualités et tous mes défauts. Je t’aime malgré mes peurs et je ne sais pas vraiment si ça me fait du bien ou non d’aimer autant, d’être autant prêt à tout pour quelqu’un d’autre. Mais ce que je sais, c’est que mon cœur est apaisé. Ça faisait longtemps que j’avais toute cette rancœur et cette amertume contre l’amour. Depuis mes parents. Et tu m’as montré que ça pouvait être plus que ça. Je ne suis pas en train de dire que je t’aime chaque jour de la meilleure des façons ni même si je t’aime autant que tu le mérites, mais j’essaye d’être assez bien pour toi. J’essaye de mériter ton amour. J’ai hésiter peut-être un million de fois avant de te dire que je t’aime, sans jamais réussir à le dire. Je ne sais pas, je pense que ce sont des mots qui sont devenus tellement courants que je ne les trouvais pas dignes de ce que je ressentais. Mais je crois que jusque-là, rien n’est plus fort que ça. Pourtant j’aimerai. Tout comme j’aimerais trouver les actes pour te le montrer. Et je crois que je sais quelle preuve d’amour je peux te donner. C’est le choix. Un jour, ma mère m’a dit que lorsque l’on aimait quelqu’un assez fort, on ne l’enchaînait pas à nous. On le laissait partir si son bonheur était ailleurs et sans nous. Alors, Emma, si tu penses que ton bonheur est ailleurs, je te laisse t’en aller. De toutes façons, tu avais gagné.

Sans rien répondre, notre protagoniste se lève, et part. Des larmes coulent sur les joues de l’autre.

Emma avait recollé chaque morceau de son cœur.

Liam avait rallumé cette étincelle.

Résister ou succomber ? Les deux y ont cédé.