Le soin de Lan Ying

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Lan Ying attendait sa dissolution avec patience. Contrairement à ce que beaucoup croyaient, il ne s'agissait pas d'une nouvelle incarnation, mais d'une dissolution véritable, un retour à l'Aether, là où les âmes cessaient d'exister en tant qu'individus. C'était une fin, mais aussi un commencement. L'âme, épuisée par ses cycles terrestres, se déliait de toute attache pour se fondre dans l'énergie primordiale.

Le dragon blanc à ses côtés semblait comprendre ce processus d’une manière que peu d’humains pouvaient saisir. Le grand cycle ne consistait pas à retourner sans cesse dans un corps, mais à d'abord redevenir poussière d'étoile, cette énergie pure qui, une fois suffisamment concentrée, deviendrait une étoile dans les cieux. Cette étoile vivrait des milliers d’années, un point brillant dans l'univers, avant de se manifester à nouveau dans la dimension causale, là où les âmes prenaient contact avec de futurs parents.

C’est dans cette dimension que l'âme, sous forme stellaire, se liait à des parents qui lui permettraient de s'incarner dans le monde physique. Mais ce processus n’était pas immédiat, ni linéaire. Entre chaque incarnation, l'âme devait passer par des périodes de repos dans la dimension causale, préparant sa prochaine vie physique. Là, elle récupérait de son cheminement terrestre, et laissait son essence se régénérer. Ce n'était qu'une fois prête qu'elle pouvait revêtir une nouvelle enveloppe charnelle, et recommencer à explorer le monde matériel.

"Ne perds pas espoir, sœur Lan Ying," lui dit Xing Yang. "Tu n’es pas à la fin de ton voyage, mais simplement à une autre étape. Le pangolin tiendra sa promesse, et tu verras encore le monde des vivants avant de retourner aux étoiles."

Lan Ying murmura, à demi consciente, "Je tiendrai la mienne…", sachant que son âme, qu'elle croyait prête à disparaître dans l'Aether, pourrait encore faire l'expérience de la chair avant de rejoindre l'infinité du cosmos.

Le jeune novice arriva, présentant le petit paquet qui enveloppait les écailles du pangolin. Le moine hémostatique prit le paquet, l’ouvrit et observa les écailles. Il hocha la tête.

“Il faudra s’en contenter, Shen Long, il y a assez de matière pour soigner notre sœur, avec les feuilles de Sang, les racines de Sheng Di. Je propose d’en faire des pilules de pâte qui seront consommé pendant quelque jour, le temps de cicatriser son estomac.”

“C’est aussi mon avis,” répondit Xing Yang. Occupe toi de la pâte, je m’occupe de l’énergie de notre sœur Lan Ying.”

En quelque minute, la pâte fut formée avec de l’huile de coco du Siam comme agglomérant. Il y avait assez de matière pour faire 3 pilules.

“On ne peut demander plus au pangolin” dit Xing Yang. “Nous n’avons plus qu’à espérer que cela soit suffisant pour stopper l’hémorragie.”

“Il faudra lui refaire le sang,” répondit l’hémostase.

“Une chose à la fois : on ne peut faire du sang si la perte des fluides est toujours présente. Où est le mari ?”

“Il séjourne à l’hôtellerie.”

“Qu’il revienne assister son épouse… Je ne peux faire plus. Je sais que Wen Song Cheng est de retour. Je me doit de le recevoir et de m’enquérir de sa santé.”

“Elle est entre de bonnes mains, Shen Long, votre élève doit terriblement vous manquer.”

Xingyang se releva en soupira, mis ses mains dans ses manches et se mit à marmonner comme s’il se parlait à lui-même.

“Avoir fermer le passage de l’Ouest aux humains ne suffit pas pour empêcher ceux-ci de se dissoudre ! Qui eut pensé avant de l’avoir vu, que le mal qui emporte dans le corps physique s’inscrit dans le corps causal avec la même intensité !”

“Un corps physique est si fragile, Shen Long, il est normal que le mal est ramené notre sœur dans notre dimension. Mais un corps causal est plus solide. Nos remèdes ont le temps d’agir.”

“Puissent les Hautes-Sphères t’entendre, mon frère.” répondit le dragon blanc et posant la main sur l’épaule du moine avant de s’éloigner d’un pas fatigué et triste.

Une fois sorti de l’infirmerie, il fut dépassé par le novice qui avait pour mission d’aller chercher le mari. Il le regarda s’éloigner l’esprit chagrin avant de se ressaisir et de se diriger vers son bureau. Il entendit derrière lui trotter les pas de son soigneur.

“Comment va notre ami pangolin.”

“Nous avons achever le soin en l’enveloppant dans des serviettes chaudes et déposer sur un lit de feuilles sèches. Il dort à poing fermé… enfin, je veux dire, à patte fermée.”

“Le bienheureux.”

“Et notre sœur ?”

“Nous ferons brûler de l’encens de santal et nous prierons l’Univers de lui donner de la force.”

“Qu’entends-je ?” fit une voix étrangement familière à Xing Yang, mais marquée d’une pointe de moquerie. “L’énergie universelle de mon frère aurait-elle ses limites ?”

Xing Yang se retourna vivement, tout aussi surpris qu’An Song.

“Xing Yin !” lança le dragon blanc, éberlué de voir son jumeau. “Tu es de retour de l’Olympe ?”

Xing Yin, un dragon imposant à la robe sombre, se tenait là, un sourire espiègle aux lèvres, et désigna du doigt l’homme à ses côtés. “J’avais envie de montrer le mont Hua à mon élève ténébreux.” Il fit un geste vers Stéphanos, qui s’inclina respectueusement devant Xing Yang.

“Quand je l’ai vu tout triste ce matin, après avoir remarqué l'absence de Jing ‘An, je me suis dit qu’un voyage à nos sommets lui ferait du bien.”

Dans un élan fraternel, Xing Yang serra son jumeau contre lui. Pendant une fraction de seconde, l'ombre du doute qui pesait sur son cœur sembla se dissiper, comme la brume du matin balayée par le vent. La présence de Xing Yin raviva en lui une force oubliée, celle qui, depuis toujours, leur permettait d’affronter les épreuves les plus terribles.

“Mon énergie a des limites,” admit Xing Yang dans un souffle. “Mais à présent que tu es là, elle est illimitée. Ensemble, nous sommes invincibles.”

Il relâcha son étreinte, ses yeux brillant d’un éclat renouvelé.

“Viens, retournons à l’infirmerie, nous avons une sœur à sauver !”

“Et moi, je fais quoi ?” demanda Stéphanos, légèrement bougon.

“Toi,” intervint Xing Yin d’une voix plus ferme, “tu vas voir ton neveu et son éraste pour leur dire de rejoindre mon frère dans son bureau. Nous n’en aurons pas pour longtemps ici. Ensuite, toi et moi irons nous reposer au pic Nord.”

“Mais…”

Un souffle lourd et dense s’échappa des narines de Xing Yin, formant une fumée noire qui s’élevait lentement, comme une menace silencieuse.

“Discuterais-tu mes ordres, Stéphanos ?” ajouta-t-il, les yeux légèrement plissés.

Le visage de Stéphanos se crispa un instant, avant qu’il ne s’incline, devenu soudain humble devant l’autorité de son maître.

Sans ajouter un mot, il tourna les talons et se dirigea vers le bâtiment que Xing Yin lui désignait du doigt. Quand il fut certain qu’il était assez éloigné pour ne pas être entendu du dragon noir, il marmonna entre ces dents :

“Ce n’est pas mon ‘neveu’, mais mon ‘arrière-petit-neveu’ !”

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