Chapitre 02.2

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Une femme d’un certain âge proférant des insultes s’était approchée d’un agent des forces spéciales.

Impassible malgré l’attitude clairement hostile de celle-ci, l’homme l’avait refoulée d’un geste presqu’apaisant, et une simple mise en garde verbale, sans violence.

La réponse à son geste sûrement plus qu’à ses paroles ne se fit pas attendre.

Derrière les volets clos des maisons environnantes, les canons de plusieurs fusils de chasse firent leur apparition.

L’un de leur propriétaire tira juste devant les pieds de l’agent qui avait repoussé la femme.

C’était un avertissement très clair. Si le tireur avait voulu atteindre sa cible, il y aurait réussi.

Comme pour le confirmer, la bouteille de vodka posée sur la table entre Jameson et Eric explosa, les éclaboussant d’alcool et de bris de verre.

Un autre tireur dont la précision au tir n’était plus à démontrer que pour le premier.

Jameson plongea au sol en braillant des ordres à ses hommes.

Ceux-ci réagirent aussitôt.

Ils devaient se débarrasser de leurs anges gardiens, mais ceux-ci ne l’entendaient pas de cette oreille.

Ils tirèrent leurs premières balles en caoutchouc sur les mercenaires.

À leur tour, les villageois entrèrent dans la bagarre qui se généralisa à une vitesse foudroyante. Ils s’attaquaient indifféremment aux hommes de CENKT et aux autres.

Jameson n’étant plus en position de le menacer, Eric saisit sa chance.

Au milieu de la pagaille générale et des premiers gaz lacrymogènes, il prit la fuite.

Il se déplaçait rapidement malgré la douleur qui ne le quittait pas et se faisait de plus en plus forte.

Il avait reçu quelques éclats de verre dans le bras mais comparé à son autre blessure, c'était sans conséquence.

En traversant une rue, il tomba quasiment sur le Sambre. Il l’avait vu la veille avec les hommes de Jameson.

Celui-ci parut aussi surpris que lui.

Les Sambres étaient des chasseurs nés, doués d’une grande intelligence.

S’il y avait un savoir que toutes les Sentinelles devaient connaître ces dernières années, c’était la nature de ces créatures et l’utilisation qu’en faisait le CENKT.

À travers elles, leur adversaire avait trouvé une arme formidable.

Les Sambres étaient des extraterrestres issus de différentes espèces humanoïdes, capables de se déplacer parmi les hommes sans provoquer la panique justement parce qu’ils étaient d'apparence semblable à eux.

Il ne fallait pas se fier à leur air angélique, cependant, car ils étaient capables d’exterminer des extraterrestres ou des terriens sans le moindre état d’âme.

Il en avait déjà vu un à l’œuvre lorsqu’il était enfant, de près.

Un Sambre avait assassiné ses parents et participé au massacre de leurs protégés, parmi lesquels des enfants qui ignoraient encore qu’ils n’appartenaient pas à ce monde.

Cela avait été sa première expérience de la mort.

Le Sambre de Jameson était, apparemment, un adolescent aux yeux bleu azur très lumineux, sous une chevelure d’un noir de geais et à la peau aussi blanche que la craie.

« Apparemment », car il pouvait être bien plus âgé que Jameson et lui réunis.

Il devait bien mesurer un mètre quatre-vingt-dix, peut-être deux mètres.

Il était aussi très maigre. Ses vêtements, un pantalon et un tee-shirt usés flottaient autour de son corps décharné.

Il se déplaçait parallèlement à lui, avec autant de prudence que lui, et avec la souplesse d’une jeunesse qu’il ne possédait plus depuis quelques années.

Eric aperçut une petite arbalète dans la main gauche du Sambre et, attachée autour de ses hanches, il portait une large ceinture avec toutes sortes d’armes tranchantes et perforantes.

Les couteaux et les fléchettes n’étaient sûrement pas les plus dangereux.

À n’en pas douter, ce Sambre n’était pas différent de celui qu’il avait connu enfant.

Si les Sentinelles n’étaient pas nombreuses, comme le supposait Jameson, les Sambres l’étaient encore moins.

Ils devaient être considérés par le CENKT comme beaucoup trop dangereux.

En fait, tous les extraterrestres les craignaient comme la peste.

Eric songea qu’il se ferait un plaisir de casser le jouet favori de Jameson.

Ce serait au moins ça de pris s'il devait mourir avant la fin de cette journée.

Il laissa le Sambre le suivre à travers les rues.

Il avait encore son pistolet sur lui. Il ne pouvait pas s’offrir le luxe d’un corps à corps. Il se sentait bien trop faible pour cela.

Dans le cas contraire, le Sambre ne ferait qu’une bouchée de lui. Mais s’il le suivait… S’il le menait sur son terrain… Alors il aurait peut-être une chance de venger ses protégés dans ce monde.

Eric repéra l’immeuble désert qui lui avait servi de cachette quelques heures plus tôt : une bibliothèque régionale de quatre étages.

Le bâtiment était en phase d’achèvement, mais les travaux avaient pris du retard. Des fils électriques et des gaines pendaient encore du plafond ou traînaient sur le sol.

Le bâtiment, ultra moderne, bénéficiant de nombreuses fonctionnalités, formait un pentagone avec, en son cœur une verrière sous laquelle se développait un jardin tropical. Celui-ci s’était tellement étendu en quelques mois que l’on aurait pu croire qu’il existait depuis des années.

Peu après s’y être réfugié une première fois, il avait pu constater que l’arbre vénérable en son centre n’était rien d’autre que factice.

Un décor de cinéma autour duquel une nature bien réelle, telle que l’homme la souhaitait, docile et manipulable, mais aussi agréable, inspiratrice et reposante, s’était installée dans les lieux.

Le vestibule était désert, et plongé dans une quasi-obscurité à cause des vitres occultées par des persiennes.

Il pénétra dans l’ascenseur et attendit.

Parfois, les plans plus évidents fonctionnaient le mieux.

Il s’obligea à rester immobile, régulant sa respiration au plus bas.

Un bref instant, il bénit les séances de méditation. Cela faisait partie de son entraînement, et c’était la seule chose qu’il avait continué à pratiquer régulièrement.

Il gardait le doigt posé sur la gâchette de son arme, sachant que le Sambre le repérerait au premier mouvement où à la première vibration de l’air.

Restaient les odeurs, celles de son sang et de sa sueur… Il ne pouvait rien faire contre cela, et la douleur et la peur l’empêchaient de se concentrer pour y réfléchir.

Il n’eut pas longtemps à attendre.

Il tira en direction des portes d’entrées dès qu’elles commencèrent à coulissèrent.

Les plaques de verre éclatèrent sous l’impact des balles.

Il eut juste le temps de voir une ombre se jeter au sol.

Il se rua aussitôt à l’extérieur et prit l’escalier, à sa droite.

Dans son champ de vision, il vit le Sambre à terre, sonné, peut-être blessé, mais encore vivant.

Il atteignit le premier étage.

Son poursuivant s’était relevé et montait lui aussi les escaliers avec souplesse et rapidité. Il gagnait du terrain.

Contrevenant aux règles de la poursuite, Eric se retourna, et, prenant appui, une main sur chaque rambarde, il lui balança ses deux pieds dans la poitrine.

Il y mit toutes ses forces, tout en sachant qu’il allait le payer très rapidement.

Le Sambre dégringola la moitié des escaliers.

Paiement cash.

Son attaque eut aussi pour effet d’accentuer la douleur.

Eric serra les dents et détala sans demander son reste.

Il devait aller de l’avant, aussi loin que possible.

À un moment où à un autre, il trouverait peut-être le moyen de s’en sortir vivant.

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