Projet Cerbère
Les doigts de Kaera valsaient autour de mon Ajna. Ils semblaient danser au rythme de ses incantations répétitives.
- Hadata comun, mineli sum Leïna solo Aiyanna, luber tus transmutan, Humos nari Tierra. Hadata comun, mineli sum Leïna solo Tierra, luber tus transmutan, Humos nari Aiyanna. Hadata comun, mineli sum Leïna solo Tierra, luber tus transmutan, Humos nari Leïna.
- Tu fais quoi là ?
- Sinéma Ska'ha. Je les dissocie.
- On t'a déjà dit que tu faisais flipper ?
Silence.
- Quoi ? C'est la vérité !, ria Drake.
J'entrouvris les yeux. Une lueur rougeâtre agressait ma rétine, mais peu à peu elle s'adoucit. Je pus percevoir le chandelier suspendu au dessus de ma tête.
- Prends ton temps Leïna, ne brusque pas ton corps, déclara aussitôt la jeune femme en me caressant les cheveux. Vérifie petit à petit chacun de tes sens. Bouge tout tes membres et signale moi la moindre anomalie.
Elle me guida ainsi dans mon éveil pendant une dizaine de minutes. Lorsque je fus complétément consciente, elle me fit asseoir sur le bord de la table en chène massif où j'y étais précédemment allongée.
Il faisait sombre dans la pièce. Seul le chandelier éclairait les alentours. Les grandes fenêtres à carreaux étaient recouverts de buées et les bougies à leur rebord s'étaient éteintes. A l'horizon des collines, au travers des vitres, le jour se levait. Drake le remarqua à son tour et traversa la pièce pour couper l'alimentation en feu du chandelier en tirant sur une valve, derrière un comptoir. Il y avait une caisse, des bouteilles et des fûts tout au tour. Puis ce fut le choc.
- Pourquoi ces hommes sont-ils inconscient ? Demandai-je pétrifié. Ils se trouvaient au quatre coins du bar allongés, sans bouger d'un millimètre.
Kaera et son accolyte se regardèrent génés. Ils semblaient jauger qui étaient le plus apte à me donner la réponse. Ce fût Kaera qui se lança :
- On aurait aimé éviter que tu vois cela...
- Vous êtes quoi au juste ? Des terroristes ? aboyai-je en me jetant sur le parquet brun du bar, parmi les couverts et la vaiselle éclatée.
La colère ne cessait de monter en moi. Plus le temps passait, plus mon anxiété me rongeait de l'intérieur. A ne rien me dire, j'étais dans le floue totale où je me contentais de me laisser porter par les évènements. Je perdais tout contrôle sur ma vie au point de me sentir perdue. J'avais envie que cela cesse, que tout se termine pour rentrer chez moi. Toutes ces bizareries me rendaient malades. Depuis ce tremblement de terre, je ne faisais qu'avaler des vagues d'informations, sans arrêt. Encore et toujours, mais là c'était trop. Je bouillonais, et mes nerfs lachèrent.
Drake s'approcha de moi lentement mais se résolut très vite lorsque je pointai un couteau pris parmi les couverts au sol, en sa direction.
- Ne me touchez pas. Je veux juste être en paix. Mais bordel ! Lâchez moi ! aboyai-je en pleurs, dirigeant mon couteau cette fois-ci vers Kaera. Vous débarquez de nulle part dans ma vie et vous êtes en train de me foutre en l'air. J'en peux plus ! hurlai-je avec mes tripes.
Drake finit par s'asseoir à distance de moi.
- On va tous se calmer, dit-il en s'asseyant à distance de moi. Laisse nous t'expliquer. Comme Kaera te le disait, nous aurions aimé que tout cela se passe plus en douceur. Non, nous ne sommes pas des terroristes Leïna et on se tue pour te le faire comprendre, souffla Drake. Toute cette histoire est compliqué à comprendre mais si tu t'obstines à nous faire fasse, nous devrons continuellement te ligoter. Et je pense que ce n'est pas ce que nous voulons.
Il regarda Kaera pour s'assurer que ce qu'il disait était en accord avec elle.
- On perd du temps de notre côté et pour toi ça ne fait que t'apeurer et te mettre dans un état de stress que nous n'avions pas anticipé, révéla-t-il.
- Mais alors expliquez-moi ! Depuis le début, vous ne faites que tourner autour du pot. Vous me parlez de choses que je suis censée savoir et quand je vous pose des questions vous me laissez sans réponses. Evidemment que je perd patience, m'agaçai-je.
Après un long silence pour reprendre nos esprits, Drake lança :
- Je pense que nous avons encore le temps de répondre à quelques unes de tes questions avant que Raven nous rejoigne. Demande nous, et on essaieras de te donner le plus de détails possible.
Je réfléchis longuement. En une nuit, il s'était tellement passer de choses.
- Très bien. Que se passe t-il en ce moment ? Pourquoi toute l'Atlantide me parait morte depuis que l'Ombre est passé au dessus du continent ? Et pourquoi tout ces hommes jonchent le sol ? Ils sont morts ? Vous les avez tué ? Commençai-je à m'emporter.
Drake sourrit du coin de la bouche.
- Non Leïna, on ne les a pas touché, pouffa-t-il. Mais je comprend que tu puisses penser le contraire. Quand nous sommes arrivés, ils étaient déjà tous ainsi ce qui peut te paraître troublant, je le conçois. Ils ne sont pas morts, non plus. Si tu souhaites, tu peux aller vérifier, ajouta-t-il en désignant un corps en tendant le bras.
Je me mis debout et marcha à reculons pour garder un oeil sur les deux inconnus devant moi. Pendant que je fis le tour de la pièce pour prendre le pouls des hommes parsemés aux quatre coins du bar, Kaera continua :
- Il se trouve que toute l'Atlantide est plongé dans un sommeil profond. C'est comme-ci le temps avait été suspendu.
- Ou modifié, nous ne savons pas encore, ajouta rapidement Drake.
- Mais alors, pourquoi nous sommes toujours conscients ? m'étonnai-je, après avoir vérifier que l'ensemble des hommes étaient sains et saufs.
- Nous ne sommes pas humains. Tout simplement, anonça Drake.
Je restai bloquée quelques instants sur ce que venait de dire Drake avant d'éclater de rire.
- C'est une blague ?
- C'est très sérieux Leïna, assura Kaera. L'Atlantide a beaucoup de secrets qui échappent à la plupart de leurs habitants, comme celui-ci. Ils sont persuadés d'avoir toujours fait partie du continent, mais ce n'est pas le cas.
- Je suis désolée mais je ne peux pas vous croire.
- C'est difficile à entendre, rétorqua Drake en allumant une cigarette. Tu as sûrement déja entendu parler de Platon, n'est-ce pas ?
J'acquiesçai.
- Tout est parti de son bouquin, lâcha-t-il. Tu dois sans doute savoir que nous suivons la même ligne de temps que ceux des Hommes.
- Pas spécialement, tu me l'apprends.
- De la même manière que les Hommes, Platon a pour nous aussi publié son livre il y a environ 3000 ans, m'expliqua-t-il. Avant, peu de personnes n'avaient connaissance de notre existence, si ce n'est des prêtres égyptiens.
- On suppose que les langues se sont petits à petits déliées, au point que notre Histoire soit revenus dans les oreilles de Platon, reprit Kaera. C'est ce qui aurait constitué la Légende de l'Atlantide.
- Et donc l'obsession des Hommes pour notre continent, leur envie grandissante de nous retrouver, termina Drake.
- Les Homme n'ont pas réussi à retracer la totalité de l'Histoire, continua Kaera. Ils restent persuadés que l'évolution s'est faite de manière linéaire. Ils n'ont pas totalement tort, mais ils n'ont pas tout bon non plus. Ils s'efforcent de tout connecter pour suivre leur logique. Mais ils ne savent pas à quel point, ils passent à côté de beaucoup d'informations.
- Tout ça c'est bien beau, mais ça ne me dit pas pourquoi ces personnes endormies ne sont pas atlantes, riait-je nerveusement.
- Avant le Déluge, anonça Drake, les Atlantes vivaient en harmonie avec les Hommes. Des familles se formaient entre Atlantes et Humains partout dans le monde et c'est ce qui a posé beaucoup de soucis. D'un côté, le besoin de pouvoir des Hommes ne cessait d'augmenter et de l'autre, les Atlantes cherchaient à tout prix à garder la Terre en équilibre en les contrôlant. Tout aurait pu se passer pour le mieux, si chaque Atlante avait suivi leur rôle à la lettre. Seulement, une trop grande partie d'entre eux, notamment les familles hybrides, non pas sû le faire. C'est là que le Déluge s'est déclenché. Sûrement pour dissocier cette entente qui n'était pas saine.
- Et donc ? m'impatientai-je.
- Le roi actuel d'Atlantide qui avait préssenti ce triste destin, a décidé de construire la vôute puis la sphère magnétique.
- Comment ça ? Il y aurait deux couches ?
- La voute pour générer le ciel et ses nuages, le vent et la lumière du jour et la sphère pour repousser l'eau de l'océan qui nous recouvre, confirma Kaera. Lors du Déluge, seule la sphère avait été mis en place, et le temps de l'activer nous avons tout de même eu de nombreuses pertes.
- Tu te doutes bien qu'ils restaient des Hommes sur le continent, enchaina Drake. C'était impensable de les renvoyer à la surface.
- Pourquoi on a décidé de se faire oublier ? Pourquoi ne pas dire que nous étions toujours vivant ? Ne rien dire n'a fait qu'alimenter leur envie de nous retrouver, non ? demandai-je.
- Sans doute, mais nous n'aurions pas appris de nos erreurs et la Terre se serait chargé de nous une nouvelle fois. Nous avions bien compris que tant que les Hommes seraient dans un besoin de pouvoir constant, nous ne pourrions rien vivre ensemble. Nous n'étions pas alignés sur nos idéaux et le déséquilibre était inévitable.
- Donc nous avons vécu un petit moment avec quelques Hommes sur notre continent, déclara Kaera. Nous leur avons appris notre culture, notre science et toutes ces choses qui faisaient de l'Atlantide une terre riche.
- Quel erreur, pouffa Drake.
- Comme dit Drake, ce fût une bien belle erreur puisqu'on ne change pas les Hommes. C'est dans leur nature. Très vite, ils ont utilisé tous ce que nous leur avions appris contre nous. On ne sait pas encore de quelle manière, ils ont réussi à faire rentrer des Hommes en Atlantide au fil du temps. Ce qui est sûre, c'est que les véritable Atlante se font rares.
- C'est ce qui nous amène à toi aujourd'hui, avoua Drake. Tu es la dernière des Atlantes et nous avons besoin de toi pour mener à terme le projet Cerbère.
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