Un jour comme un autre
Paris, 17 Juillet
C'était un matin d'été banal, un de ces matins d'été où la moitié de la ville est en vacances et où l'autre œuvre lourdement et sans flamme. Grant Lilnorth sortit de chez lui comme tous les autres jours, à sept heures trente précises, pour se rendre à son bureau, situé rue de Solférino, à proximité du palais Bourbon, une annexe de l'ambassade américaine.
Cela faisait dix ans que les Lilnorth habitaient Paris. L'adaptation s'était révélée difficile pour ces Américains, Virginiens de pure souche, mais le charme de la capitale l'avait progressivement emporté sur les réticences initiales. Grant avait vite obtenu de l'avancement et le petit deux pièces du quartier sud s’était transformé en un appartement spacieux de bon standing.
Dans l'ascenseur, Grant croisa la voisine de palier qui ne répondit pas à son bonjour. «Amabilité parisienne» songea-t-il. Les conditions climatiques n'allaient pas l'égayer davantage. Une pluie tiède grêlait véhicules et passants. Il enfonça son chapeau, boutonna son imperméable et se hâta vers la bouche de métro la plus proche. Le tube se révéla particulièrement populeux pour un jeudi de Juillet. Les geignardes rames bleues vomissaient à chaque station leur portion de bipèdes tourmentés et antipathiques. Grant parvint à grand peine à s'octroyer une place assise … qu'il abandonna aussitôt au profit d'une vieille dame.
Parvenu à l'arrêt Solférino après un changement à Sèvres-Babylone, il s'arracha à la carcasse métallique du wagon, non sans avoir écarté quelques encombrants passagers. Sa serviette en main, il emprunta les escaliers hors d'âge et déboucha sur un trottoir luisant. Trente mètres plus loin, il pénétrait dans un immeuble administratif.
Au bureau, son supérieur immédiat, un indigène rubicond, salua son retard d'un regard significatif. Oui, décidément, c'était une journée comme les autres.
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