Elémentaire, mon cher Gaston.
Paris,1er arrondissement, 20 Juillet 1978, 15h26
Surexcité, Blannie fit irruption dans le bureau de GG — Gros Gaston —, sans avoir été annoncé. Son supérieur que Daland venait de quitter, leva un sourcil hargneux, et d'un ton rogue laissa suinter:
— Faites comme chez vous, Blanie.
— Patron ! Je sais qui est derrière la conspiration pour éliminer Securia !
Blanie patienta quelques secondes pour jouir de l'effet qu'il estimait de toute bonne foi avoir produit... il en fut pour ses frais. Le chef n'était pas bouleversé par cette extraordinaire nouvelle.
— Je vous écoute, Blanie. Justifiez vos appointements. Toutefois, je vous préviens... soyez génial. Une intrusion aussi spectaculaire exige que vous vous montriez a minima talentueux.
Contrit, Blanie mit un bémol.
— Je suis désolé, patron, mais ce qui se passe est tout bonnement invraisemblable
— ???
— Ce ne sont ni des opposants au régime, ni des criminels quelconques qui veulent le cuir de Securia. C'est... sa femme !
— Continuez.
— C'est à la suite de la filature, patron... j'ai surpris une conversation entre Lara Runnert et un petit bonhomme anodin... Enfin, je le trouvais anodin à ce moment-là ! J'ai tout de suite compris que ce n'était pas un rendez-vous galant. J'ai idée qu'elle jette son dévolu sur des gars d'un autre calibre. Celui-là ne cadrait pas avec l'image qu'on peut se représenter d'un de ses amants.
— Au fait, inspecteur !
— J'y arrive, patron. Je me suis rapproché, jusqu'à entendre distinctement que Mme Securia payait pour les services très particuliers fournis par l'organisation que dirige le petit type énigmatique. Pour faire bref, ils veulent abattre Securia au cours du défilé d'après-demain.
— Avez-vous appris où et quand ?
Le subordonné du commissaire Robinson prit un air désolé.
— Je vois...
Le silence qui suivit fut encore de Mozart.
— Bien... Allez taper votre rapport, dit le volumineux Gaston d'un air distrait.
— Mais patron ! Qu'est-ce qu'on fait ?
— On conserve notre dispositif de surveillance et on s'interpose le jour J.
— On n'agit pas en amont ?
— Que voudriez-vous qu'on fasse, Blanie ? Vous souhaitez aller passer les bracelets à Lara Runnert au Crillon ? Ah, on aurait bonne mine !
— On ne recherche pas ses motivations ?
— Que voulez-vous que ça nous foute, sérieusement? Ce n'est pas notre problème. Notre rôle consiste à être présents au bon moment pour éviter que la baderne ne se prenne un pruneau, ce que nous allons peut-être réussir à accomplir, si tant est que nous parvenions à déterminer l'heure et le lieu exacts de l'attentat. Entre nous, ce guignol galonné ne vaut pas tripette et qu'il finisse par récolter le plomb qu'il mérite m'indiffère profondément, mais ça ne se passera pas sur notre sol, c'est tout. Vous pouvez disposer, inspecteur.
En dépit de cet avis, proféré d'un ton décisif, le commissaire plongea un instant dans ses pensées pour tenter d'évaluer les raisons de Lara Runnert. Quel lièvre ce farfadet de Blanie avait-il bien pu lever ? Il ne doutait aucunement du rapport consciencieux de son subordonné, cependant, la nouvelle était pour le moins inattendue, et propre à faire frémir. Que la greluche Securia commanditât le meurtre de son époux n'était pas intellectuellement satisfaisant. Elle n'avait nul intérêt à planifier la suppression de son mécène. Cette créature faite oeuvre d'art ne s'était tout de même pas vendue toutes ces années pour voir se tarir brutalement la source inépuisable de ses indécents revenus. Une drôle d'histoire, vraiment...
Annotations
Versions