Calme avant la tempête
Paris, 21 juillet 1978, 18h28
Les derniers érudits sortirent de la Bibliothèque Nationale sans prêter attention au personnage ratatiné dont le dos anonyme s'inclinait sur une table puissante. La femme avait l'immobilité du marbre. Sous ses avant-bras menus s'étalait un plan de Paris.
Lookuir réfléchissait avec toute l'intensité nécessaire. De son cerveau tordu jaillissaient des ressources insoupçonnables dès que cette âme avilie orientait ses projets vers le mal nourricier.
Son index frêle se promena avec avidité sur un croisement, provoquant une exclamation sourde. Ses yeux aspirèrent goulûment le plan en une extase sinistre.
Une employée s'approcha.
— Nous allons bientôt fermer, Monsieur.
Lookuir la toisa de son regard d'ange déchu. L'intruse recula prudemment.
— Monsieur, insista-t-elle bravement, nous allons bientôt fermer, vous reviendrez demain.
La tueuse tordit son cou à la manière d'une chouette, continuant à fixer la salariée. Sa bouche lippue retroussa un sourire mauvais, laissant apparaître une rangée de dents blanches comme des perles. D'un seul élan, elle se redressa et, laissant la carte aux soins de son interlocutrice, déserta la grande salle.
Paris, 8eme arrondissement, 21 juillet 1978, 22h04
Securia consulta sa montre. C'était l'instant auquel sa femme venait d'ordinaire s'offrir... enfin... s'offrir, façon de parler... accomplir sa corvée généreusement rétribuée.
En effet, l'objet aux longues jambes grava sa silhouette altière dans la pénombre, sa cuisse gauche se dénudant en une échancrure subtilement agencée. Le buste n'était pas en reste, voilé par une étoffe complice, à ce jour inconnue du dictateur.
Malgré sa carapace de dédain, El Presidente dut concéder que Lara continuait à le tenter. Pour un produit de consommation courante, le bibelot savait encore ménager ses effets, dans tous les sens du terme... car elle s'en délesta avec langueur, tandis que ses lèvres prometteuses invitaient l'homme à l'abandon.
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