Elle a déposé sur ses lèvres closes
Un pétale de rose parfumé,
Comme un timide baiser que l'on n'ose
Savourer, une attente murmurée...
Il avait quinze ans, et elle, dix sept,
Platon s'invitait à leurs rendez-vous,
En chemin, il lui cueillait des noisettes,
Le vent de septembre semblait si doux.
Ils s'asseyaient au bord de la rivière
Tout en agitant leurs pieds nus dans l'eau,
Les roseaux caressants et les fougères
Dessinaient des feuillages sur leur peau.
Ils s'inventaient des aurores florales,
Des arcs-en-ciel, des avenirs parfaits,
Dans le froid d'un cimetière, spectrales,
Leurs ombres délicates se mêlaient.
Ces tendres soupirs cachaient des serments :
Ils s'aimaient sans se l'avouer vraiment
Comme un chagrin qui ne se livre pas,
Une voix chère qui pleure tout bas.
Ainsi la vie, imperceptiblement,
Les a séparés pendant cinquante ans.
L'étreinte glacée a été rangée
Dans le tiroir d'une armoire, oubliée...
Un jour, leurs routes se sont rapprochées,
Le destin les a fait se retrouver.
Hier et maintenant se superposent,
Le temps déconcerté fait une pause.
Cupidon, par ses flèches enflammées,
A ranimé les braises mal éteintes.
Aujourd'hui, par la grâce d'un baiser,
Flotte un air très doux, comme une complainte.
De sa bouche close, elle a détaché
Le pétale de rose parfumé...