Chapitre 15 - U.S.J (3)

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- Hé hé... Alors ça fait quoi d'être confronté à sa véritable apparence ? se moqua Akira en attrapant le ruban de Sero, et le déchira d'un geste sec.

Apparemment, d'après leurs yeux qui étaient aussi vitreux que dorés, leurs cerveaux étaient englués dans les péripéties éternelles du questionnement personnel. Bref, ils se pissaient dessus en permanence et s'en rendaient même pas compte. Heureusement que Tokoyami n'est pas passé du du "côté obscur"... s'amusa Akira tendit qu'il évita un pigeon fonçant sur lui pour lui crever les yeux.

Chaque Alter de ses camarades était bien plus dangereux que le sien quand il était utilisé par l'homme le plus intelligent du multivers. Sero tentait de l'accrocher de ses scotchs pour lui arracher la peau, Koda envoyait ses animaux avec une coordination démoniaque et Denki sautait sur lui pour l'attraper, afin de lui envoyer une décharge directement sur ses tempes.

Akira culbutait, tournoyait et virevolter dans tous les sens, repoussant pigeons et déchirant rubans adhésifs. Mais il fatiguait déjà ; il n'était pas entraîné sur des combats qui duraient plus de deux minutes. Soudain, il prit un coup de griffe sur la côté. Léger, mais assez pour le faire saigner. Une autre tactique, vite.

Il fonça vers Tokoyami et l'ours, et, de toute sa vitesse et son poids, renversa l'animal avec difficulté. Il aida son camarade à se relever, et ils prirent leurs jambes à leurs cou.

Après moult foulées, ils s'arrêtèrent essouflés dans un bâtiment qui leur servirait d'abri, du moins provisoirement. Le froid et l'humidité n'avaient pas encore eu raison d'Akira, mais Tokoyami grelottait déjà, et les autres continueraient à les chercher sans se soucier de leur état, pour finir par mourir écrasés par une bourrasque ou ne pouvant plus bouger à cause du froid.

- Pourquoi fait-il si froid ? balbutia Tokoyami. Les ténèbres n'ont nulle lumière, mais néanmoins elles sont réconfortantes...

- Le vilain a dû déréglé les régulateurs thermostatiques grâce à Denki, souffla Akira dans un nuage de vapeur. Je ne serais pas étonné qu'il pleuve des grêlons d'ici dix minutes.

- On ne peut appeler personne, indiqua le jeune à tête d'oiseau en montrant le réseau nul de son téléphone.

- Les communications, comprit Akira. Denki utilise son Alter sans sourciller pour brouiller les ondes. Quelle ordure de lui obliger à faire ça...

- Que suggères-tu ?

Akira se tourna vers lui, étonné.

- Ne réagis pas comme ça : c'est toi qui avais proposé un plan très ingénieux en fonction de nos faiblesses et nos forces, alors que tu avais à peine appris nos Alters. Si il y a un tacticien ici, ça n'est en tout cas pas moi.

L'intéressé acquiesça. Tokoyami avait raison ; bien que ses crises d'identités étaient le cadet de ses soucis, Akira allait bien profiter de ces 3500 années d'expérience coincés dans sa tête. Voyons...

* * *

- Hé ! Viens te battre, le faible !

Denki se retourna ; Dans un coin de rue, Tokoyami était là, debout mais tremblant, sa cape cachant toujours sa créature. Le blond grogna.

- Encore vos supers Alters que vous voulez pas utiliser pour aider les autres... Bande d'égoïstes sans coeur !!!

Il hurla, et balança la sauce. Malheureusement, sa décharge immense fut déviée de sa trajectoire, pour atterrir juste à côté de son adversaire, où se trouvait un paratonnerre ! Denki tomba à genoux, vidé de son énergie.

Sero envoya ses rubans contre Tokoyami, tandis que l'ours de Koda fonçait sur lui. Mais tout à coup, Akira apparut de derrière le jeune à tête d'oiseau, un paquet de stylo à la main. D'un coup, il les brisa et projeta l'encre sur les rubans... Qui se dissolut ! Et quand le produit fini éclaboussa les yeux de l'ours, l'animal gronda de douleur et se roula au seul, aveuglé par la solution urticante.

Akira avait attendu que Tokoyami provoque Denki, qui affrontait apparemment la vérité que les forts n'aidaient pas toujours les faibles. L'enrageant ainsi, il avait balancé toute son électricité sur Tokoyami, sans remarquer le paratonnerre qu'il avait planté. Neutraliser Sero ? Akira avait parié que ses rubans se composaient d'acide acrylique, et donc avait utilisé de l'encre industrielle pour la transformer en acide propanoïque. C'était un produit urticant si on ne le purifiait pas en anti-inflammatoires. Et Koda ? Sans son ours introduit d'on ne sait où, il n'avait plus de support suffisant.

- Je te les laisse, Tokoyami, fit Akira en grelottant. Je vais aller détruire le système de ventilation.

- C'est très haut, lui répondit-il simplement.

- Pas pour moi.

Seisōken no Tenshi !

Avec un boom sonique, Akira décolla comme une fusée jusqu'au plafond, où il tournoya sur lui même pour finalement se tourner, pied vers le ciel, en hurlant. Il traversa le complexe de ventilation de part en part, meurtrissant son pied nu.

Quand il retomba, il se réceptionna tant bien que mal sur le dôme, et hurla :

- ON NOUS ATTAAAAQUE !!!

Son cri résonna dans tout le Simulateur de Catastrophes, et il vit les professeurs accourir, ainsi que d'autres héros. Ils devaient faire vite ; Ugo avait sûrement trouvé un moyen de rendre Denki & Cie plus forts et plus endurants que la normale, et ces derniers étaient sûrement en train de se relever pour la contre-attaque. Akira se tourna vers le trou qu'il avait créé et cria :

- Tokoyami ! Fuis, les héros arrivent !

Son camarade ne réfléchit pas deux fois, et Akira fut soulagé de le voir courir dans une autre rue, poursuivie par les autres qui étaient moins rapides. Tokoyami aurait l'avantage du camouflage dans ces ténèbres, alors le jeune homme au pied défoncé prit quelques instants pour s'étaler au seul, pantelant et couvert d'une fine pellicule de sueur. Un héros avait monté sur le dôme, un type qui avait un costume branché aquatique.

- Tout va bien...? Merde, son pied...

- Vous inquiétez pas, je gère, sourit faiblement Akira en levant son pouce. Allez aider les autres héors en attendant.

- Je suis faible au combat, je joue plus sur le sauvetage, répondit d'un ton catégorique son sauveur en l'aidant à se relever. Tu pourrais apprendre que tous les héros ne brillent pas sur le terrain en tant que combattants.

- Je m'en souviendrais, affirma Akira, sincère.

Avec une agilité tout à fait remarquable, le héros, nommé Manual, l'aida à redescendre du dôme pour le mettre sur un brancard. Akira, avant de partir pour l'infirmerie, demanda au héros :

- Les autres peuvent être sauvés facilement !

-...Comment ? demanda Manual sans se poser de questions.

- Utilisez ça.

Akira sortit de sa poche une clé. D'apparence banale, rouillée, comme celles que l'on trouve dans les masures pour ouvrir les portes dérobées. Au début, Manual pensait à une plaisanterie du jeune homme qui tentait maladroitement de détendre l'atmosphère, ou de se rassurer.

La clé.

Elle semblait visuellement impossible. Sans explications, sans aucune logique. Manual ne put s'empêcher de tendre la main avec un respect maladif, comme si on lui offrait le bouton rouge d'une bombe atomique. Quand il prit la clé, il ressentit un frisson, une sensation inexplicable qui traversa son être tout entier.

- Utilisez la clé, mais ne la montrez à personne, souffla Akira, au bord de l'évanouissement par le manque d'énergie et la souffrance.

- Comment ?

- C'est une clé, sourit-il. Une clé, ça ouvre des trucs, conclut-t-il avant de sombrer.

* * *

Manual courrait de toutes ses forces.

Il avait l'impression que la clé pesait de plus en plus sur lui, au fur et à mesure qu'il s'éloignait de... de cet apprenti héros qui lui avait confié cet objet étrange. Comme allait-il l'utiliser ? Pour ouvrir quoi ? Une clé aussi ancienne fonctionnait sur des serrures, c'était absurde de vouloir s'en servir sur des gens....

Manual se rappelait des contes de fées que lui lisait son père. C'était des rêves d'enfants. Et dans ceux-ci, des clés magiques ouvraient le cœur des monstres pour révéler des princes et des princesses.

Il puisa dans cette inspiration, mais comment ouvrir le cœur de quelqu'un ? Métaphoriquement parlant, ça demandait du temps, de l'investissement pour comprendre la personne, lui confier vos secrets pour qu'elle vous confie les siens. Une sorte de lien mutuel qu'il n'avait en aucun cas avec les élèves.

Mais à peine eut-il l'intention d'imaginer un scénario fantasmagorique au sein de son esprit, la clé devint plus légère. Non, elle n'était pas plus légère ; elle semblait attirée vers sa destination, si bien que Manual dut serrer sa main de peur qu'elle n'échappe à son emprise.

Quand il arriva là où toutes les autres héros étaient rassemblés, il n'en crut pas ses yeux ; certains d'entre eux saignaient, des traces de griffes et de bec sur tout le corps. D'autres étaient brûlées, leurs blessures fumant sous la pluie battante qui sans le vent tombait en trombes. Un autre était enroulé dans du scotch. Malgré l'expérience et leur entraînement, comment maîtrisait-on des jeunes déchaînés ?

Ces derniers étaient aussi dans un piteux état : trempés jusqu'aux os, amochés et couverts de bleus. Celui qui tirait des scotchs avec les coudes qui saignaient ! Ils étaient à bout, mais continuaient avec une rage intense semblant inépuisable. Quel pouvoir terrifiant, pensa Manual, écœuré par le vilain qui avait fait ça à ces pauvres petits.

Eraserhead était le dernier debout, néanmoins il n'allait pas tenir longtemps. Au moins, il semblait toujours utiliser son Alter, car les jeunes tentaient de l'attraper au corps à corps plutôt que d'utiliser leurs Alters.

- Manual ! cria le héros effaceur en le remarquant. Merci pour les renforts, j'en aurais bien besoin !

- Cinq sur cinq, répondit l'intéressé en créant de l'eau pour humidifier les yeux de son collègue.

Combinaison utile, car ces derniers se desséchaient à vitesse grand V.

- Tu as un plan ? demanda Manual, n'ayant pas envie de voir ce que faisait cette "clé" qu'il tenait dans sa main, attirée de plus belle par les trois jeunes.

- J'aurais aimé, grogna le héros en puisant dans des trésors de résignation pour ne pas fermer les yeux. Et toi ?

- J'aurais aimé que non, répondit Manual, en lâchant la clé par pur instinct.

Il le sentit.

Le monde éclata en mille fragments mensongers.

La clé suspendue en l'air, les jeunes s'étaient arrêtés pour la regarder. Leurs yeux dorées la fixaient avec une attirance inouïe, dégoutant Manual au plus au point, et le fascinant en même temps. Son regard se porta sur la clé, et exclusivement sur elle.

Elle changeait. En quoi ? Impossible de savoir ce qu'était cet objet. On aurait dit un cercle à zéro côtés, une ligne infinie qui se terminait par trois bouts. La vision était insoutenable, irréelle. Le monde racontait des balivernes et babillait sur des termes complètement loufoques aux oreilles de Manual, qui se prit la tête entre ses mains et tenta de fermer les yeux, en vain.

Soudain, une explosion se fit entendre et les cinq visionnaires furent projetés en arrière.

Manual se releva peu de temps après, des courbatures dans tout le corps. Il avait du être si tendu que ses muscles avaient été au bord du déchirement. Quand il regarda autour de lui, ou sur le sol, la clé avait disparu.

Vite, je dois vérifier... N'importe quoi pour faire sortir de sa tête cette expérience traumatisante. Il se traîna jusqu'aux jeunes qui avaient été séchés, et ouvrit leurs paupières : leurs yeux avaient repris leurs couleurs normales.

Il soupira de soulagement, et indiqua d'un signe de main à Eraserhead qui s'était relevé que tout allait bien. Tout allait bien.

* * *

Tout va très mal !

Akira se tordait de douleur sur son lit d'infirmerie, sous le regard apeuré de Recovery Girl qui ne comprenait pas pourquoi l'état du garçon avait empiré. Mais ce dernier ne ressentait que la douleur du contrecoup de l'utilisation de la Vérité dans un autre monde. Le Pouvoir de son monde natal s'entrechoquait avec celui de cet univers, et le festival invisible aux sens se répercutait sur l'âme d'Akira. Même ses colocataires astraux n'en réchappaient pas.

Crétin ! hurla Synnaï dans sa tête. Tu vas tous nous anéantir !

Je sais ce que je fais, crétin ! La ferme ! répliqua sur le même ton Akira en tressautant sur son lit.

- Mon garçon, qu'est-ce qui t'arrive ? demanda l'héroïne, plus qu'inquiète.

- Ce n'est rien, coassa Akira en tremblant, tentant de calmer ses muscles devenus fous. C'est juste le manque d'énergie qui me fait réagir.

Devant son regard catégorique, Recovery Girl comprit qu'elle n'avait pas de remèdes pour ça, et laissa le jeune homme, non sans garder un œil sur lui.

Akira tentait tant bien que mal de combattre les deux Vérités du Pouvoir qui s'entrechoquaient. C'était comme essayer de retenir deux béliers furieux qui se débattaient dans tous les sens, et qui faisaient la taille d'un univers. Inconcevable.

Mais la volonté de deux êtres pluri-millénaires, d'un humain qui affrontait sans peur tout le monde jusqu'à Dieu lui-même, et d'un nouveau né qui s'accrochait à la vie comme une sangsue des plus coriaces, c'était suffisant pour repousser les deux entités. C'est alors qu'un phénomène inexplicable se produisit.

Le Pouvoir de son monde, qui normalement était plus faible car n'étant pas sur son terrain, gagna en puissance contre l'autre force, qui se tarissait encore et encore, perdant sa propre vérité pour être remplacée par celle de l'univers 7655. Le pouvoir en place avait été renversé, et la Vérité se restabilisa.

Bien sûr, les effets se feraient ressentir dans des milliards d'années, ou alors se dérouleraient dans cinq ans. Impossible de le savoir, mais la douleur animique qui tiraillait Akira avait cessé. Une brève lumière éclaira sa main. Il la leva au dessus de sa tête.

La clé était revenue. Elle avait accompli son but avec succès, son pouvoir tarit pour un bon bout de temps.

Mais tout allait bien, maintenant.

* * *

- Tout va bien, cracha All Might dans une gerbe de sang et de vapeur. La cavalerie est là...

- Arrête avec ta rengaine, fit le nouveau vilain nommé "la Réponse". C'est dégoûtant d'envoyer de fausses promesses aux gens que tu protèges.

All Might n'en avait plus pour longtemps ; des myriades d'attaques de vilain avaient éclaté en ville. Pas des dangereux, mais il ne pouvait s'empêcher d'aller à la rescousse des civils en danger. Et voilà qu'il était arrivé sur ce lieu du crime, couverts de cadavres méconnaissables et fumants. Merde !

- Tu vas te rendre, clama All Might en se redressant. Tu as assez fait de mal comme ça.

- Je suis au dessus des bas concepts comme le manichéisme, proclama la Réponse. Toi par contre, tu es aveuglé par ton irréelle loyauté à la justice par la force. Et ton pouvoir, mais les deux sont presque indéniablement liés.

Il délire... "Tu rejettes donc la société des Alters ? répondit All Might en se préparant pour un autre Smash.

Le regard qu'il lui jeta aurait pu se traduire par un mélange de répugnance, d'amusement et de suffisance.

- Je suis contre le Pouvoir, car il représente tout ce que la Connaissance n'est pas.

Soudain, il envoya avec une vitesse démesurée un liquide sur All Might, qui n'eut pas le temps d'esquiver ; le liquide s'éclata contre le héros, et il se sentit affaibli.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? bafouilla Toshinori, sentant sa limite arriver.

- Une invention de ma part, expliqua la Réponse. Cela supprime les Alters en voie d'extinction, ce qui apparemment un certain All For One m'a confié que c'était le cas chez toi.

Entendant ce nom, le coeur d'All Might fit un bond. All For One était vivant ? Impossible ! Il l'avait pourtant vaincu. Soudain, un portail sombre apparut derrière le vilain.

- Maintenant, dit la Réponse en se glissant dans le vortex noir, je te laisse profiter de ta chute.

Le vilain et le portail disparurent, laissant All Might dont la vapeur qui s'échappait de son corps ne faisait qu'augmenter. Il sentit les dernières braises de son pouvoir s'éteindre, et es muscles se dégonflèrent pour laisser place à Toshinori Yagi, Sans-Alter, sous les yeux effrayés de la foule.

Le Symbole de la Paix était mort de la pire façon possible.

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