Chapitre 35 - Starbinger
- Tu vois, Kurogiri, fit Shigaraki en appuyant sur la touche d'ultime avec satisfaction. On va beaucoup plus s'amuser sans cet abruti de Réponse.
-...Était-ce vraiment une bonne idée de le livrer à la police ?
- Sensei ne m'a pas interdit de le faire, gronda le type avec la main coupée sur le visage. Et puis, il me tapait sur les nerfs avec ses plans à la noix. Le Tueur de héros arrive quand ?
- D'ici peu, fit une voix glaciale.
Shigaraki se tourna : le fameux Stain se tenait là, devant eux, son bandeau rouge taché de sang.
* * *
Trois jours après l'incident "Endeavor"
- Comment va-t-il ?
Shoto se tenait en face du médecin en charge de son père. D'après ce dernier, il avait subi un empoisonnement après l'ingestion d'un poison inconnu : la substance endommageait sa réponse nerveuse, l'empêchant ainsi de traiter correctement les informations et le plongeait dans un coma artificiel.
- Sa vie n'est pas en danger, mais... (le docteur parcourut les feuilles de son dossier) Il ne pourra pas exercer dans cet état : son corps ne supporterait pas la charge de son Alter. Il lui faudra quelques jours pour s'en remettre... Je suis désolé.
-...Ce n'est pas grave ; tant qu'il n'est pas...
- Vous devriez rentrer chez vous prévenir votre famille, lui conseilla le docteur. Voulez-vous que je me charge de donner ces nouvelles à votre mère ?
- Oui, fit le garçon bicolore, ne se sentant pas préparer pour annoncer cela à Naoya et Fuyumi, alors encore moins à sa mère. Et puis les médias avaient sûrement réussi à s'en charger avant lui.
Il quitta l'hôpital, une étrange sensation l'envahissant ; juste avant de tomber au sol, son père lui avait tenu des propos qui ne lui ressemblaient pas : il regrettait. Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas avant ? La rage qu'il ressentit fut telle qu'il serra ses poings jusqu'au sang. Endeavor, le "héros sous la lumière". C'était quoi, ces âneries ? Pensait-il sérieusement que Shoto allait le pardonner en tant que père parce qu'il était quelqu'un d'exemplaire en tant que héros ?
Pour se changer les idées, il commença à marcher. L'air frais du dernier soir de sa semaine de stage ; une sorte de minuscule libération dans le monde cruel des superhéros. De son point de vue, seule la Réponse aurait pu imaginer un plan aussi tordu, mais ça voudrait dire qu'elle aurait prévu son arrestation. À l'instar de celui d'All Might, de nombreuses théories étaient apparues sur le net pour deviner qu'elle était la nature de l'Alter du supervillain. super-intelligence, prescience, télépathie... Mais pour Shoto, ce type était juste le mal incarné.
Soudain, il reçut un message sur son téléphone ; c'était Midoriya qui envoyait une simple position.
Mais que veut-il dire par là...? se demanda Shoto quand il reçut une autre alarme : un flash info qui indiquait qu'à Hosu, un lot de supervillains détruisait la ville. Sentant son sang ne faire qu'un tour, il fonça vers le métro.
* * *
Auparavant...
- Des nouilles toute faites... Du porc, des oignons... Ah ! Faut pas oublier les poireaux aussi !
Akira faisait les courses supplémentaires pour Lunch Rush dans le quartier d'Hosu ; c'était le coin de Musutafu qui vendaient les meilleurs produits alimentaires, et le héros l'avait envoyé chercher de très nombreux ingrédients. Bien qu'il soit partit en début d'après-midi, Akira n'avait que peu de sens d'orientation, et il se fatiguait aussi vite qu'un grand-père. Aussi eut-il terminé ses derniers achats que la nuit était déjà tombée.
Il paya le vendeur et sortit du magasin, puis chercha sur son téléphone le métro le plus proche. Il en repéra un, et vit sur Heronetwork qu'Izuku, alias Midoriya, se dirigeait vers Hosu. Peut-être pour traquer le tueur de héros... estima le jeune brun en rajustant son sac de course ; il avait déjà mal à l'épaule. Piètre apprenti, je suis, pensa-t-il avec la voix de Yoda.
Peut-être qu'avec un peu de chance, il pourrait croiser son camarade aux cheveux verts... son ami ? Leur relation n'était certes pas tendue, mais Izuku et lui ne partageaient que leurs secrets respectifs. Cela ne faisait pas d'eux des "amis". Il se sentait bien plus proche avec Momo, Rikido et Hanta, ou même Uraraka-san.
Il se ravisa ; déranger Izuku en plein stage n'était pas digne d'un camarade, et encore moins d'un ami. Akira discuterait avec lui quand il sera rentré à Yuei.
Il rangea son téléphone et marcha dans la rue. Il y avait peu de monde ce soir-là, sûrement à cause de la menace de Stain, mais Akira n'avait pas peur ; ce type ne s'attaquait aux gens en pleine rue, et n'avait jamais brutalisé de passants qui adoraient les héros ou des apprentis. Si le jeune brun restait sous la lumière, il n'y aurait aucun souci.
- Je vais venger mon frère ! cria une voix familière, quoiqu'un peu ténue.
Hein ? Akira tourna sa tête de chaque côté, mais personne n'avait l'air de réagir. Surpris, il tendit l'oreille, et entendit deux personnes parler. Le bruit venait d'une ruelle à la dérobée entre deux bâtiments !
Peut-être devrait-il... Non, se dit-il en secouant sa tête. Mon corps ne pourra pas supporter la charge que je lui demanderais de porter. Et pourtant... Pourtant, quelque chose le poussait à aller dans cette ruelle. Un appel, une sorte de tiraillement irrésistible.
Un cri de douleur et de détresse l'arracha à sa paralysie décisionnaire.
Il lâcha son sac de course et courut dans la ruelle, mais en même temps, il prit son téléphone et envoya un message rapide à Izuku. Si Akira ne pouvait pas vaincre, son camarade en aurait la force. Il passa également un coup de fil pour prévenir la police ; avec un peu de chance, ils viendront à temps.
Après un instant, il put entendre les voix plus distinctement
- Arrgh...
- Tes yeux sont emplis de haine... Tu n'as même pas cherché à sauver cette personne, c'est pathétique...
Akira courait de toutes ses forces, se sentant essoufflé comme jamais il ne l'avait été. Son ventre gargouilla et des crampes s'accrochèrent à ses muscles avec hargne. Il devait continuer, plus loin... Ses pieds vibraient de douleur à chaque pas, sa respiration et ses poumons étaient brûlants. Mais il devait continuer, il n'y avait pas d'autre issue de toute façon !
Il arriva sur le devant de la scène. Et celle-ci était horrible, déchirante.
Iida était au sol, le Tueur de héros au dessus de lui, tenant un katana qu'il avait planté dans le bras de son camarade. Devant cette vision d'horreur, Akira fut pétrifié.
Les visages. Les cris de ces enfants qu'il avait massacré.
Non...
Ne refuse pas qui tu es.
Ludwig qui se moquait de lui, tout en crachant du sang en tentant de soulever sa hache pour riposter.
Par pitié...
Stain le remarqua,et Iida également. Ce fut sa voix qui le ramena à sa raison :
- Qu'est-ce que tu fais ici ? cria-t-il. Tu es fou !? Fuis !!!
- Un de tes complices, j'imagine ? fit le vilain en se tournant vers Akira. Enfin, je ne dois pas tirer de conclusions trop hâtives... Mais vu sa dégaine, ça n'est clairement pas de la graine de héros.
Akira ne put esquisser un geste, même pas capable d'ouvrir la bouche pour appeler à l'aide. Iida était là, au sol en train de souffrir. Un autre héros était là, blessé... Soudain, il entendit un bruit sourd au loin ; une explosion ? Des cris survinrent juste après. Une attaque de vilains ?
Il n'avait pas l'accès de son Alter : en cas d'utilisation, Akira mourait d'épuisement. Face à cette situation, il devait attendre. Mais le temps filait et le vilain allait s'impatienter et en terminer avec Iida.
Iida...En regardant son ami souffrir, Akira revoyait le visage de ses anciens amis lui arracher des cris de souffrance quand la dernière goutte d'existence coulaient sur un sol brûlé et stérile.
- On dirait que ça a déjà commencé... pensa à haute voix le tueur de héros, toujours en regardant Akira. Alors, petit, tu vas faire quoi ? Un de tes petits camarades est au sol, et comme c'est un apprenti héros, tu dois en être un... Tu veux pas te venger ?
Facile à dire... Le choix. Il était tiraillé par l'envie de Synnaï "d'écraser cet insecte", de l'autre la peur de Laura qui souhaitait fuir, et Yannis qui souhaitait aider le héros blessé et Iida.
Que voulait Akira Arata ?
Tu veux prouver au monde que tu mérites d'exister.
Oui, c'était vrai : il le voulait de toute son âme. La force qu'il y puisa, dans ces mots salvateurs, disloquèrent l'espace entre lui et les trois autres colocataires. Tout disparut, à part ce simple désir :
- JE...
Le pouvoir. C'était tout ce dont il avait besoin. Qu'importe qu'il n'ait pas vraiment d'Alter. Qu'importe qu'il utilisait ce qui lui restait de force magique dans les veines pour vaincre ce monstre et finir prématurément sa carrière.
-...SUIS...
Plus rien d'autre ne comptait à part Stain, Iida et l'autre héros. La rue avait disparu, dissolue dans des couleurs informes déformées par sa propre peur. Peur qui se muait peu peu en une flamme brillante, jaillissant tel une comète embrasée par l'espoir de vivre, de sauver.
D'aider.
-...Starbinger !!! explosa l'apprenti héros.
Soudain, l'air se mit à siffler autour de lui. Surpris, Akira regarda instinctivement ses mains, ses avants-bras : sous sa peau brillaient ses veines d'une lueur dorée légère, réconfortante. Il n'était plus essoufflé, la lourdeur et les crampes n'étaient plus qu'un lointain souvenir. Akira Arata était revenu des Limbes pour botter des fesses.
Et d'un regard, il annonça à son adversaire qu'il allait prendre une raclée.
Stain regarda le jeune homme avec un frisson, avant de retirer son sabre de la blessure d'Iida et de le porter devant son visage. Ce gamin... pensa-t-il en le voyant lui jeter un regard aussi vindicateur que celui qu'il regardait chaque jour dans son miroir. Il possédait le même désir que lui ; ça n'était pas une simple vengeance.
C'était comme si ce gosse avait éliminé tout doute de son esprit, à part la simple mission de l'arrêter.
- Alors tu as décidé de montrer ton vrai visage, ricana Stain. C'est bien, tu me mâches le travail : les actes sont plus simples que les paroles.
- Tu ferais mieux de partir, gronda Akira. Je viens tout juste de comprendre la raison pour laquelle je ne dois pas tomber dans le même gouffre que toi !
- Ah oui ? se moqua le vilain en bondissant d'un éclair sur lui, katana à l'air.
Akira le vit. Il y a deux semaines, il n'aurait jamais été capable de suivre ce monstre de l'oeil. Mais désormais, il n'était plus le même qu'il était il y a sept secondes. Il avait déjà vu la couleur de son âme. Maintenant, il l'avait goûté.
Il bandit ses muscles au maximum, et joignit ses mains dernier moment ; avec un bruit clair, il coinça le katana entre ses paumes, et d'une torsion d'épaules l'arracha aux mains du vilain. Ce dernier fut rapide, car il recula d'une traite, un regard méfiant collé au visage. Akira, quand à lui, fit apparaître une sphère d'énergie pour désintégrer l'arme.
- Akira... balbutia Iida, mais l'interpellé le fit taire d'un geste.
- Tout va bien, Iida : j'ai appelé des renforts et la police, ils ne devraient pas tarder.
Il fallait. Akira ne tiendrait pas longtemps sous cette forme : il lui restait qu'une minute tout au plus, avant de retomber dans son état de faiblesse. Sans perdre de temps, il bondit avec une puissance bien plus grande d'ordinaire, balançant son poing vers Stain qui l'évita avec l'agilité d'un chat.
- Si t'as informé ton pote que la police ou les faux héros vont débarquer, c'est que ton "super mode" ne dure pas éternellement, devina le vilain avec un sourire aux lèvres, sortant sa longue langue boursoufflée. Je vais gentiment patienter hors de ta portée, et te purgerait. D'ailleurs, pourquoi ne pas commencer par les autres ?
Non ! Akira vit des couteaux apparaître dans les mains de son ennemi, et il les lança en direction du héros blessé et d'Iida. D'un geste, le brun gorgé de pouvoir envoya une décharge d'énergie pour désintégrer la première volée, mais ne put que se servir de son corps pour protéger Iida, sentant la douleur le vriller ; son "super mode" décuplait peut-être ses capacités physiques, mais aussi nerveuses.
- Derrière toi ! hurla son camarade.
- Trop tard, fit la voix derrière lui.
Akira sentit quelque chose de poisseux sur son dos, et fut paralysée immédiatement. Il tomba au sol, perdant le contrôle de son Alter. La fatigue qui en découla faillit le faire perdre conscience, mais il résista à l'envie de s'endormir pour lancer un dernier regard au meurtrier triomphant, un couteau à la main.
- Je purgerais le monde des faux héros, grogna-t-il. Je vous rends service, les jeunes ! (Stain leva son couteau) Adi...
- BARRE-TOI !!!
Un choc. Il fut éjecté de son champ de vision, Akira n'arrivant qu'à esquisser un sourire de soulagement.
- Iida-kun, Akira-kun ! cria Deku, entouré de ses éclairs verts du Revêtement Intégral. Je viens vous sauver !
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