16 | Antoine

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« Crevez ailleurs si cela vous tente. »

Hystérique, Antoine, dix-sept, l’était. Ses yeux demeuraient figés sur la boîte rectangulaire et rouillée dont l’aspect simple lui glaçait le sang. Il l’avait enterré trois jours auparavant dans un cimetière, une semaine avant il l’avait jeté dans la Tamise et deux mois avant, il l’avait refilé à un vieux collectionneur du coin. Pourtant, elle continuait d’apparaître à des endroits dans son appartement sans même qu’il y ait une trace d’infraction. L’heure dernière, il s’était déchaîné dessus à l’aide d’une batte de baseball et d’un pied de biche, l’avait défenestré par la suite avant de s’écrouler dans un état léthargique. Sauf que le maudit objet était apparu à nouveau tel un cruel magicien, son rire résonnant dans l’esprit d’Antoine, éternellement moqueur.

Il refusait d’ouvrir cette boîte depuis qu’il avait lu la lettre. Le papier avait brûlé à la bougie, toutefois son message aussi sinistre que fascinant le marquait. Antoine se recula cherchant une nouvelle idée pour s’en débarrasser une bonne fois pour toute. Néanmoins, au fond de lui quelque chose lui disait que cela n’allait servir à rien. Il s’entêta de continuer ne voulant guère se soumettre à l’inconnu. Antoine ramassa sa batte de baseball et se tourna lentement vers l’objet de son malheur. Il inspira et expira se résultant à utiliser la force une nouvelle fois. Cependant, l’arme s’échappa de ses mains et se brisa au contact du sol. Antoine ravala un juron, ses genoux flanchèrent et il gémit.

Son téléphone gisait brisé devant la porte de sa chambre. Le numéro de sa mère ne cessait de s’afficher mais Antoine ne pouvait se résoudre à lui répondre. À quoi cela servait si sa génitrice lui raccrochait au nez à la moindre parole ? Il sursauta quand la boîte apparut en face de lui. Il vacilla puis se recroquevilla sur lui-même, les larmes aux yeux. Les rêves d’avant lui revenaient, bruts et immodérés, le hanter. Le jeune homme donna un coup de pied dans l’objet mais ce dernier demeura immobile comme invincible.

«. Appelez Dunst, chantez le morne, honorez le cinquante-sept. Tentez l’inconnu. »

Antoine voulut crier mais sa bouche resta fermée comme cousue. Avec horreur, il imaginait déjà les fils perçant sa peau. Il voyait des griffes acérées engendrer des plaies. Il entendait un rire strident, froid et moqueur, et il hurlait, muet, face à cette souffrance. Dans une vaine tentative, il tendit les bras vers son cellulaire cependant celui-ci vola en éclat. Antoine se prit la tête entre les mains, aussi hâve qu’un linge, se mordant la lèvre inférieure jusqu’au sang.

Désespéré, Antoine, l’était. Tremblant comme une feuille, il se résigna à ouvrir la maudite boîte. Pas besoin de clef ; la volonté suffisait. Faible, elle vacillait, mais le peu de pouvoir qu’elle avait sur lui réussissait à briser les chaînes. Il ferma les yeux un instant, angoissé à l’idée de regarder le contenu de son hystérie.

— Si tu t’ôtes la vie, cela me fera des vacances, déclara la voix familière d’un ancien ami sur un ton neutre.

— Tu es un excellent travailleur, Antoine, mais il faudrait que tu t’entendes avec tes collègues, lui souffla son ancien patron.

— Arrête de me parler, Antoine ! Va faire tes devoirs ; tu en as sacrément besoin ! Ton frère a toujours été bon élève alors que toi.. Qu’ai-je fait de mal ? siffla froidement sa mère.

— Je préfère qu’on arrête de se voir, cela vaut mieux pour nous deux, murmura son ex au creux de son oreille.

— Allez vous faire foutre ! rugit Antoine, ouvrant abruptement les yeux.

Là, dans la boîte, rien se trouvait. Ce fut à ce moment-là que son monde s’écroula, que les voix s’estompèrent, que le rien l’engloutit.

Perdu, Antoine, dix-sept ans, l’était. Sa disparition ne serait découverte qu’une semaine plus tard et serait rapidement oubliée.

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