La bête.
La bête les a mangé. Elle a mangé le monde des humains.
Ce n'est pas une métaphore.
Une bête est vraiment apparue et a dévoré tout le monde, sauf moi. Enfin je pense. Non je le sais. Je suis le dernier.
Cela fait des jours que je n'ai croisé personne excepté la bête.
Elle me cherche, je le sais, je le sens.
J'erre dans les rues dévastées d'une grande ville. J'ignore laquelle.
Je me nourris de rats et de déchets.
Je n'ai plus de vêtements, mais l'air est si chaud que des vêtements ne serviraient à rien.
Pourquoi moi?
Un coup de chance?
Quelle chance.
Je suis seul. J'ai parfois l'impression de perdre l'esprit. J'entends une voix dans ma tête. Je ne la comprends pas.
Un inexplicable instinct de survie m' a permis de me cacher de la bête.
Survivre, mais survivre pour qui, pour quoi. Quand on est le dernier, quelle raison avons nous de continuer à respirer?
Je suis blessé.
Je saigne.
Je me souviens être tombé quand la bête a détruit cet immeuble.
Mon nom m'est inconnu, peu importe.
Je ne me souviens plus de ma vie d'avant. Tant mieux. Ainsi je n'ai personne a pleurer.
Ca y est! Je l'entends!
Elle me cherche.
Ses rugissements paralysent ses victimes mais pas moi.
Je dois avoir une immunité.
Je me cache derrière des gravats.
J'entends son souffle.
J'ai peur comme un enfant. Je tremble.
Mon regard croise mes mains. Elles sont étranges, boursouflées, comme si j'avais été brûlé. Je ne m'en souviens pas.
Mon corps est étrange d'ailleurs. Il est comme mes mains.
La bête passe, chacun de ses pas fait trembler le sol.
Il faut que je trouve un miroir. Peut-être que le monstre transmet une maladie. Il faut que je voie ce qu'il m'arrive.
J'entends encore la créature immonde mais elle est loin.
Et puis j'ai cherché, longtemps, très longtemps et finalement j'ai trouvé.
Un miroir intact.
Je peux enfin me voir.
Je me regarde.
Je ne suis pas un être humain.
Je ressemble à la bête.
La vision de mon corps fait jaillir dans mon esprit tous mes souvenirs.
Je ressemble à la bête car je suis un de ses enfants.
La bête me cherche parce que je suis l'ainé.
Je me souviens maintenant.
J'ai mangé le dernier humain.
Il ne fuyait pas. Il m'a regardé avec un sourire et il a couru vers moi. Savait-il qu'il était le dernier?
Je pense que oui. L'humain voulait disparaitre. Je le comprends à présent. La solitude. La peur. Qui veut d'une telle vie?
J'ai des regrets.
Je lui ressemble.
Je n'aime pas mon père.
Un jour c'est moi qui le mangerai.
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