Vendredi 12 janvier 1996.

L'appréhension avait été confirmée puisqu'il me fallut six jours pour ouvrir ce journal et y découvrir mon destin. Mon frère avait fait fort : son carnet était rempli dans son entièreté ; ornée de photographies étranges, mais dont je ne connaissais aucunement leurs significations.
En avais-je réellement le courage pour en faire de même ? Oui, mais cela n'était juste un moment éphémère, car devant moi, se trouvait la toute première page manuscrite du récit initiatique de Jeffrey. L'écriture parfaitement calligraphiée, je n'en attendais pas plus de mon frère. Il avait toujours été ainsi, perfectionniste dans ce qu'il entreprenait ou qu'il créait ; ce qui confirmait d'une étrange manière sa renommée au sein du clan.

Alors, dans un geste lent, j'entrepris ma lecture afin d'en apprendre un peu plus sur lui, sa manière d'aborder sa propre initiation et ainsi pouvoir agir en conséquence avec ce qu'il me réservait.
« Le baptême est un passage complexe dans la vie. Nous en vivons tellement pendant notre vie qu'il nous est impossible de connaître leur création et leur accroche dans notre propre intégrité.»

Sa phrase était tellement vraie dans son ensemble nous vivions réellement différents apprentissages : ceux de l'écriture, du langage, mais aussi celui de la socialisation. Jeffrey le savait et il l'avait inscrit dans son journal après une longue et entière réflexion, ce qui lui ressemblait.

« Ces différents apprentissages prennent du temps, ils s'améliorent encore à l'heure d'aujourd'hui, alors que notre rituel ne changera pas pour celui ayant déjà subi, mais sera dissemblable et variable pour les futurs hommes du clan. Par exemple, j'eus droit de recevoir le journal d'un ancien m'ayant demandé d'améliorer sa propre technique au sein de l'épreuve qu'il me faisait subir pour mon rite de passage. Et je l'améliorerai pour je l'espère mon jeune frère : Chris. Donc mon frère, si tu es bien celui qui est en possession de ce carnet, sache que cette épreuve fut simple pour moi, je comprendrai donc qu'elle en sera tout le contraire pour toi. »

Difficile ?! N'était-il pas en excès de confiance à ce sujet ? Certainement au vu des événements passés.

Pourtant, cela ne me retirait pas l'espoir d'en savoir plus à ce sujet, d'en connaître le moindre détail de mes objectifs à accomplir. Qu'allait-il se passer ?

« Dans un premier temps, j'eus appréhendé ce défi avant que mon mentor ne me rassure en me disant que la première fois était toujours terrifiante pour au final y prendre goût. Un véritable goût qui restera ancré en nous comme le Titanic est resté sous les flots depuis mille-neuf-cent-douze. »

Que disait-il par-là ? De quel désir, offert par le rituel, parlait-il ? À quoi serais-je accro ? Une sorte de drogue, de délire psychotique suite aux événements ? Il me tardait d'y être. J'en devenais subitement fou, cherchant à en connaître le plus de détails possible. Oui, « cela » en devenait déjà « terrifiant ».

Alors, en ce jour du douze janvier, je me permis d'aller le moins possible dans ce cahier pour y découvrir ma mission. Une mission qui me donnait déjà mille-et-un frissons. J'entrepris donc de franchir les dernières pages, cherchant ces indices ou indications, malheureusement, il n'y avait rien à l'exception d'une phrase écrite à l'encre rouge.

« Crois-tu vraiment que j'allais indiquer ta quête de manière si puérile ? Tu te dois de tout lire en y trouvant les indices laissés à l'encre de couleur. Mais ces derniers sont dans un ordre bien précis. Cherche bien et bonne initiation. »

Sur le coup, un rire franchit les tréfonds de ma gorge, mon frère avait pensé à cette éventualité. Il était un génie pour maîtriser un tel niveau de manipulation, un véritable Sherlock Holmes. Découragé, je procrastinai cette lecture de recherche pour le lendemain, sans pour autant manquer le fait de devoir quitter ma chambre pour rejoindre le « réfectoire » sachant parfaitement que mon aîné y serait présent, et effectivement, il y était, à son habituelle place, celle face à la mienne, bien que sa place soit quelque peu modifiée. En effet, tout nouvel homme de la famille recevait le droit de recevoir une chaise double ornée de la couleur du journal, sur laquelle s'installaient l'homme ainsi que son épouse. Mon frère y était donc avec sa femme, Marina, seize ans, bien qu'il faille l'avouer, elle était jeune, et pourtant, très belle et amoureuse de mon frère.

Ils me détaillaient du regard, comme si mon frère lui avait tout dit et qu'ils devinaient tous deux parfaitement ce que j'espérais quémander comme indice sur ce qu'il me cachait. Cependant, je m'installais face à eux, souriant comme quand il était lui même en plein apprentissage.

• Alors, tu n'as lu que l'introduction et la fin de mon récit ?
• Comment le sais-tu ? Je ne t'ai encore rien énoncé.
• Je reconnais ton regard Chris. Et tu es bien trop naïf pour croire que je puisse t'offrir les réponses sur un plateau orfèvrerie.
• Je ne te permets pas, m'indignais-je à son interpellation. Comment peux-tu me diffamer de la sorte ?
• Tu es mon frère et futur bras-droit. Je suis donc en droit de le faire, mais bref... Je te dis juste qu'il existe treize couleurs et elles sont à prendre par ordre d'apparition. Il y a aussi douze chiffres, elles aussi en couleur, mais attention, ces couleurs sont mélangées. Je te conseille donc de lire avec discernement notre vie commune à partir de ce jour.

Je l'écoutais donc avec attention, il avait l'art de rendre quelque chose de simple en phénomène plus que complexe. Son énigme littéraire me procurait une envie de le démystifier et c'était ce que j'allais entreprendre.

• Bien comme tu le voudras Jeffrey... Tes désirs sont des ordres...

Un rictus déforma son visage. J'avais hâte de découvrir pourquoi.