Seconde 9
[contenu explicite, partie 2]
Je me redressai, surpris que Suly s'adresse à moi si tôt le matin. Je croyais toute la maisonnée endormie et j'étais venu profiter des premiers rayons du soleil pour drainer ma tête des dernières vapeurs d'alcool qui pouvaient encore y barboter. Je n'avais pas plongé une seule seconde dans le sommeil.
"Ah..., fis-je embarrassé, les joues rougissantes. Je rêvassais, désolé."
Je séparai mon dos du balcon et soupirai presque d'aise : je ne m'étais même pas aperçu qu'elle commençait doucement mais sûrement à me couper la circulation sanguine. J'avais la peau toute fourmillante à présent.
"Ta braguette, ajouta Suly."
Je baissai le regard vers mon jean et observai à quel point j'avais pu paraître impoli, dévergondé, pour nos hôtes. En un triangle de blancheur d'une dizaine de centimètres de côté, contrastant bien avec mon teint sombre, mon caleçon se dévoilait au regard de Suly.
"Euh..."
Je précipitai mes mains vers mon sous-vêtement et me battis lamentablement avec la tirette qui, forcément, lutta contre sa fermeture.
"Tu écoutes du jazz, donc.
– Ça m'arrive, entre autres sons. Désolé pour l'exhibitionnisme.
– D'autres sons, comme Lara Del Slay ? Pas de problème, ça arrive à tout le monde de se perdre à poil sur le balcon de quelqu'un. Jolie couleur de caleçon, par ailleurs, très propre.
– ...
– J'ai petit-déjeuné avec Basile, il m'a dit de te parler."
Si je ne m'abusais, Suly avait tout sauf le regard et les paroles d'un mec hétéro, mais on n'est jamais vraiment sûr dans ce monde rempli de placards à balais. On a vite fait de fantasmer sur la mauvaise personne. Ça m'était arrivé avec un bon nombre des amis de Basile.
Et aussi, j'avais joué à l'ermite toute la soirée, observant le poisson rouge tourner inlassablement dans son bocal comme s'il allait me souffler quelques secrets sur la conscience humaine, alors je ne m'attendais pas à attirer quelque garçon que ce soit à moi.
"Discuter de ?
– Il n'a pas précisé. Il a cité le soleil, et il est parti prendre sa douche.
– C'est vrai que le lever de soleil est impressionnant chez vous.
– Si tu le dis."
Suly coula un regard à mon torse maigre qui s'offrait nu à la lumière matinale ; et à lui.
"On t'a pas beaucoup vu de la soirée...
– Je suis pas un grand fan de la foule.
– Sept personnes, sans te compter toi, j'appelle pas ça une foule."
Quand bien même. Je faillis lui confier que s'il avait voulu m'approcher hier ou cette nuit, il aurait pu et le poisson-rouge dans son bocal ne lui aurait fait aucune ombre. Mais je ne savais même pas s'il avait eu vent de mon existence avant de me trouver sur son balcon à moitié nu à cinq heures du matin.
Suly approcha ses mains de la rambarde et y prit appui.
"Je t'ai trouvé très beau tout à l'heure, quand je t'ai vu appuyé au balcon.
– C'était pas le but.
– Le résultat est là."
Le gros avantage de la culture queer, c'est qu'il n'y a pas besoin d'être vraiment beau garçon pour être considéré comme tel. Il me suffisait d'assumer pleinement ce pan important de mon existence et le dévoiler au matin, sur la terrasse d'un presque-inconnu... Un jeune homme malingre, le jean ouvert pour du saxophone ; il y a quelques codes qui ne trompent pas.
"T'aurais dû le dire plus tôt.
– Quoi donc ?
– Arriver avec une énorme pancarte arc-en-ciel, rouler du cul, avoir une voix aiguë, chais pas, être inventif...
– C'est quoi ce cliché de merde ? marmonnai-je en détournant la tête car, coincé comme j'étais entre ses bras, je ne pouvais pas vraiment le repousser et je n'en avais de toute façon pas envie."
Suly porta son pouce à mes lèvres et les effleura. Au loin, on entendait l'eau chuter à grands bruits dans le bac de douche.
"Reste là, imbécile ! rit-il."
Sur le toit, une tourterelle turque gazouillait mais ce n'était pas celle de mon enfance et je soufflai de soulagement.
"On se retrouve comment, entre mecs, si y en a pas au moins un pour faire un effort ? susurra Sully."
Et il fit glisser ses doigts sur mon pectoral si plat qu'on aurait pu nier son existence. Il descendait toujours plus bas, s'amusant avec les quelques poils qu'il rencontrait sur le chemin jusqu'à mon bas-ventre. Bientôt, il flirtait avec le bord de mon jean.
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