Lord of the Hugs

Je salue le barman qui m’adresse un grand sourire alors que je m’approche du comptoir. Avec la musique qui va à fond, ce n’est pas très agréable, mais je suis content de pouvoir m’arrêter un instant pour discuter avec lui. Il est superbe, comme mec, et pourrait clairement venir aussi sur scène si ça l’intéressait. Il a une belle musculature et un regard à la fois rieur et charmeur qui lui permet de se faire des pourboires exceptionnels à chaque fois qu’il travaille.

— Salut Roberto, tu vas bien ? Il y a déjà du monde, dis-donc, et il n’est même pas vingt heures ! Ils sont tous là pour te voir, tu crois ? lui demandé-je en observant rapidement la clientèle déjà présente.

Je cherche à jauger l’audience présente ce soir pour déterminer quelle musique je vais utiliser pour mon spectacle. Il faut savoir s’adapter à l’âge et au profil des femmes présentes si je veux continuer à avoir du succès et à pouvoir me produire. Ce soir, je crois qu’on va essayer d’être un peu plus pop et moins sensuel, sinon je risque de me faire tripoter comme jamais !

— Pour moi, assurément, mais le show est surtout sur scène. T’as intérêt à leur donner chaud, qu’elles boivent plus que de raison !

— Tu sais bien que je les fais toutes mouiller ! Et que ce qu’elles perdent par le bas, elles viennent le chercher au bar pour se remplir par le haut !

Roberto me regarde en haussant les sourcils et je me sens rougir jusqu’à la racine des cheveux. Je me demande s’il va faire comme à son habitude quand je fais une blague pourrie.

— Il va vraiment falloir que je mette en place ce pot à blagues de merde, s’esclaffe-t-il. Entre toi et les jumeaux, je pourrais me payer un séjour aux Bahamas d’ici six mois !

— Tu n’as pas besoin de ça, je vais aller me préparer, je passe dans trente minutes et il me faut au moins ça pour me faire beau !

— Arrête, tu les rends tous jaloux, c’est toi qui as les meilleurs pourboires tous les soirs ! Je suis sûr que même après une cuite, tu es frais comme un gardon, c’est rageant.

Je lui fais un check du poing en riant et me dirige vers la loge d’où sort Max la menace qui a l’air bien stressé. Comme à son habitude, il ne me sourit pas, convaincu que s’il a dû réduire son nombre d’heures de show, c’est de ma faute. Je pense surtout que c’est parce qu’il n’a pas maintenu son hygiène de vie et qu’il a pris quelques bourrelets à des endroits pas forcément sexys. Cela ne l’empêche pas d’être accueilli sur scène par des cris suraigus et surexcités de nanas en chaleur qui savent que c’est le moment de laisser libre cours à leurs fantasmes bourrés de testostérone.

Avant de m’habiller, je fais quelques étirements puis je vais dans la petite salle où l’on peut s’échauffer. L’important, dans notre métier, c’est d’être prêt à tout. Et pour ça, il faut une condition physique à toute épreuve. Et faire travailler tous nos muscles pour bien pouvoir les mettre en valeur devant nos spectatrices.

Lorsque je reviens dans ma loge, je regarde les différents costumes que la patronne m’a offerts au fur et à mesure des mes prestations et je choisis un ensemble avec fausse veste cintrée, faux costard que j’ajuste en faisant attention à ce que les scratches soient bien dissimulés mais en même temps faciles à enlever. Je fais attention à tous les détails et prends le temps de bien me maquiller. Rien de très ostentatoire, mais juste ce qu’il faut pour mettre en valeur mes charmes et notamment mes yeux bleus qui appellent au rêve si j’en crois certaines de mes admiratrices. Je passe à la régie indiquer la musique qui me fait envie ce soir et me positionne derrière le rideau. Comme à chaque fois que je me prépare à me produire devant une audience déchaînée, je stresse un peu mais je m’efforce de faire le vide dans ma tête pour y aller de la manière la plus décontractée possible. La voix de Natalia se fait entendre pour annoncer mon arrivée et je ferme les yeux.

— Mesdames, si les différentes mises en bouche vous ont déjà bien fait saliver, vient maintenant l’heure du plat de résistance. Les habituées l’attendent toujours avec impatience, les nouvelles le fantasment sans même le connaître, sortez les billets et surtout ouvrez grand les yeux, il est trop tard pour filer ôter vos petites culottes afin qu’elles restent intactes ! Faites un tonnerre d’applaudissements tant que vos neurones n’ont pas grillé, voici le seul et l’unique Lord of the Hugs !

Le rideau s’ouvre et les cris fusent alors que je suis toujours dans la pénombre. Les premières notes de La Camisa Negra se font entendre et un spot s’allume et m’enrobe d’un halo de lumière. Le show commence et j’entre dans la peau du Lord of the Hugs. J’entame une danse vive et sensuelle et joue avec ma veste avant de l’ôter sous les sifflets. J’approche du rebord de la scène, concentré sur ma tâche, et prends le temps de déboutonner ma chemise, contractant mes abdos pour offrir à ces dames ce qu’elles veulent, du muscle et du viril. Je souris lorsque la chemise vole dans la salle, provoquant presque une émeute à la table où elle atterrit.

Lorsque la musique change pour un rythme cubain, je m’élance et réalise un saut périlleux en avant pour me retrouver en bas de la scène, près de ces dames qui se mettent à crier et à siffler. Je sais que mon mouvement est spectaculaire et fait toujours son petit effet. C’est une de mes spécialités avec les câlins que je commence à prodiguer au hasard de mes déambulations entre les petites tablées qui réunissent toutes ces femmes qui sont venues nous admirer. Je me fais palper plus que de raison par chaque femme qui finit dans mes bras ou presque, et ondule contre elles quelques secondes avant de passer à la suivante.

Je cherche mes proies avec attention et concentration. Il faut réussir à trouver la fille un peu coincée qui a envie de se lâcher sans tomber sur la chaudasse qui ne va plus me laisser partir. Je commence à devenir un vrai pro sur cette question et je m’arrête devant ma première victime, une petite jeune aux cheveux bouclés, avec des lunettes trop grandes pour son visage mais qui a une bien jolie poitrine. Je me mets à danser sensuellement devant elle et ses mains se posent sur mon torse qu’elle caresse en se mordillant la lèvre. Bingo, c’est une refoulée de la queue. Elle va se faire plaisir en me touchant et en rêvant, mais je ne crains rien. Et ses copines sont toutes envieuses et prennent des photos, alors que je saisis ses mains pour l’aider à me caresser. Ses yeux brillent, son sourire atteint ses oreilles et elle glousse lorsque je pose ses mains sur mes fesses musclées. Je termine cette petite session par un léger baiser sur son front avant d’aller vers la table d’à côté.

J’hésite sur celle qui aura l’honneur de procéder à la suite de l’effeuillage et je tourne entre les tables en poursuivant ma distribution de câlins. Et alors que je pense avoir trouvé la bonne cliente, je m’arrête net et dois me reprendre rapidement pour ne pas qu’on remarque mon trouble. La ressemblance est frappante et je manque de perdre tous mes moyens. Comme attiré par un charme contre lequel je ne peux rien, je m’approche de la jeune femme dont les traits me rappellent tant Valérie. Elle a les mêmes cheveux blonds que mon ex et les mêmes pommettes un peu relevées. Quel choc de voir cette fausse jumelle !

Je reste professionnel et m’installe autour de ses jambes en collant mon entrejambe devant son visage, la laissant me tripoter alors que ses copines gloussent à côté de nous. Lorsque je saisis ses mains et lui fais comprendre ce que j’attends d’elle, elle me retire sans hésiter mon pantalon qui se déchire devant elle, me laissant dans une culotte noire ajustée sur une coque qui donne l’impression que j’ai une érection du tonnerre. Les hurlements sont encore plus forts, je dépose mon borsalino sur sa tête et je reprends ma danse et mon petit tour, mais le cœur n’y est plus. Je n’arrête pas de regarder cette Valérie bis qui va finir par croire que je veux la mettre dans mon lit alors que je cherche juste à me rassurer que ce n’est pas un fantôme venu me hanter.

Heureusement que je connais bien mon travail et que je n’ai presque plus rien à enlever car, vu mon état d’esprit, il faut que je fasse un effort presque surhumain pour continuer à me trémousser devant cette audience qui ne demande qu’à être charmée. Mais c’est un métier, un effort qu’il faut sans cesse renouveler pour ne pas trop en faire, ni trop peu d’ailleurs. La musique arrive à sa fin et je me dirige à nouveau vers la scène. Je récupère en passant mon borsalino en envoyant un baiser aérien à la jeune femme qui rougit à nouveau sous mon attention. Je sens de nombreuses mains me caresser, me palper et j’avoue que c’est grisant, cette sensation d’être le roi du monde dans un paradis de vierges en chaleur.

Alors que les dernières notes de musique retentissent et éclatent, d’un geste vif, je retire la dernière protection qu’il me reste et j’offre la vision de mon postérieur nu aux spectatrices qui tombent en pâmoison devant le spectacle que je mets en scène. Je fais un petit demi-tour sur moi-même, couvrant mon service trois pièces avec mon chapeau, et fais un petit salut devant toutes mes admiratrices qui applaudissent à tout rompre. Quand le noir se fait autour de moi, je file dans les coulisses sous le regard admirateur de Natalia qui ne me quitte pas des yeux jusqu’à ce que je me retrouve dans ma loge. J’adore réellement ce que je fais, ce travail de stripteaser est vraiment fait pour moi mais il y a des soirées où j’ai un peu plus de mal. Il va sûrement falloir que je consulte un psy, un jour. Ou que je fasse plus de spectacles. Parce que c’est le seul moment où d'habitude, je peux tout oublier. Jamais je ne pourrai me passer de ce plaisir de me produire. Vivement la prochaine soirée !