04. Les Restos de la rencontre

9 minutes de lecture

Hugo

J’ai toujours cru qu’on pouvait tous participer à améliorer la situation générale en s’impliquant chacun à son niveau. C’est pour ça que depuis que j’ai terminé mon dernier contrat, j’ai profité de mon temps libre pour m’impliquer auprès des Restos du Coeur. C’est une association dans laquelle s’engage aussi ma mère et j’ai toujours apprécié l’accompagner lorsqu’elle y faisait du bénévolat. Ce mercredi après-midi, je vais sur le quai où se situent leurs locaux à Honfleur et suis accueilli par une des salariée qui assure la coordination des équipes bénévoles.

— Bonjour Rébecca, tu vas bien ? Il y a déjà du monde devant la porte, je crois que l’après-midi va être chargé. On est combien aujourd’hui ?

— Salut Hugo. Eh bien, je dirais que nous ne sommes pas assez nombreux, comme d’habitude. J’espère que tu es en forme, on risque d’avoir du mal à se poser cinq minutes pour papoter…

— Ah, mais je ne viens pas pour papoter, moi ! Il faut qu’on soit efficaces pour que tout le monde puisse avoir de quoi manger cette semaine ! Tu préfères que je me mette où ? Au magasin ou il vaut mieux que je fasse les stocks et le réapprovisionnement des étagères ?

— Je veux bien que tu gères le réapprovisionnement. Sinon, tu fais traîner la file avec tes beaux yeux et les femmes bavent jusqu’à ce qu’on les ramène sur terre, rit-elle.

— N’importe quoi ! Je pense que les dames qui viennent ici ont autre chose en tête que mes yeux ! Mais pas de souci, je vais me mettre à l’arrière et faire bon usage de mes muscles. Et promis, dès que je viens dans le magasin, je mettrai mes lunettes de soleil.

— Surtout pas, moi, j’aime baver en plongeant dans tes beaux yeux, sourit-elle en me gratifiant d’un clin d’œil.

Je lui souris, un peu gêné, avant de me retirer dans l’entrepôt qui se trouve juste derrière la pièce où les gens viennent se servir. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas encore sauté sur l’occasion que m’offre la jolie employée des Restos. Depuis qu’on se connaît, elle a toujours été claire et m’a montré beaucoup d’intérêt. Mais pendant longtemps, je n’étais pas libre et elle se contentait de quelques compliments, de regards intéressés mais rien de plus. Depuis qu’elle a appris que j’étais un cœur à prendre, je pense qu’elle a décidé de se lancer à l’attaque et de ne pas me laisser de répit. Mais je résiste. Sans vraiment savoir pourquoi parce qu’elle a de vrais atouts. Déjà, elle a un magnifique sourire qui est apprécié par tous ceux qui passent la porte des Restos. Elle respire la joie de vivre et elle est d’une compagnie très agréable. Physiquement, il n’y a pas grand-chose à redire non plus. Quand elle travaille, elle est toujours habillée sobrement, mais j’ai eu l’occasion de la croiser une fois quand j’étais en couple et que nous étions sortis au restaurant. Elle a de quoi attirer le regard quand elle revêt des vêtements sexys ! Elle n’a pas assez de formes pour moi, mais tout est bien proportionné et elle n’hésite pas à assumer sa féminité quand elle est en dehors du travail.

Je m’occupe d’ouvrir les cartons qui ont été livrés le matin même afin de faire le tri et de remplir le logiciel qui sert à faire l’inventaire. Dès que les enregistrements sont faits, je dépose tout sur une autre table où un groupe de grands-mères fait le tri par catégorie de nourriture. Étant un des plus jeunes bénévoles présents et surtout un des rares hommes, c’est à moi qu’incombe la tâche de porter les cartons et de faire les allers-retours vers la partie magasin. Cela ne me dérange pas car l’effort physique n’est pas si intense que ça et je suis en forme. Je suis concentré dans mon travail et suis surpris quand Rébecca, de retour dans l’entrepôt après le rush de l’ouverture, s’approche de moi et m’interpelle alors que je dépose un gros carton près de l’ordinateur.

— Hugo ? Tu as déjà scanné les conserves de légumes ? Il faudrait réapprovisionner et jouer de tes muscles, mon Chou, glousse-t-elle en me détaillant des pieds à la tête.

— Il n’y en a déjà plus ? m’étonné-je en essayant d’éviter son regard. J’ai tout scanné, oui et les mamies ont dû les trier, mais je croyais que j’avais encore un peu de temps avant de devoir réapprovisionner.

— Les filles n’ont pas assez rempli l’étagère, ce matin. Je te file un coup de main, si tu veux. Enfin... en tout bien, tout honneur, évidemment !

— Bien sûr que tu peux me donner un coup de main. S’il y a des gens qui attendent, il faut qu’on se dépêche !

Je profite qu’elle se retourne pour se diriger vers les tables des mamies et la détaille à mon tour. Même en jeans, tee-shirt et baskets, elle est vraiment pas mal. Je commence à me dire que je devrais peut-être céder à ses avances et prendre un peu de plaisir avec elle. Cela me changerait les idées… Je la rejoins rapidement alors qu’elle a trouvé les cartons qu’il faut porter et se penche pour en prendre un bien trop gros pour elle.

— Attends, je vais t’aider ! Je suis là pour ça !

Je me penche et lui prends le carton des mains. Quand je me relève, elle ne s’éloigne pas du tout. Au contraire, elle pose ses mains sur mes biceps tendus par l’effort.

— Quelle efficacité, beau gosse… Heureusement que je ne suis pas une petite midinette, parce que l’option déménageur fait son petit effet, crois-moi. Quel homme !

— J’espère que ton petit ami te fait le même effet, Rébecca. Moi, je ne fais que ma mission, indiqué-je en la contournant pour apporter le carton au magasin.

— Tu penses vraiment que je suis le genre de nanas à draguer avec acharnement alors qu’il y a quelqu’un qui m’attend à la maison, Hugo ? soupire Rébecca en me suivant.

— Une jolie fille comme toi n’a pas de copain ? ne puis-je m’empêcher de lui demander avant de me rendre compte en voyant son grand sourire qu’elle risque de prendre ça comme une avance.

— Faut croire que non. Le seul mec qui me fait envie depuis que mon ex s’est barré avec sa secrétaire me regarde comme si j’étais un vulgaire bureau, tu te rends compte ? Triste vie pour les femmes, soit elles sont reluquées et déshabillées du regard, soit elles sont ignorées.

— Il faut parfois savoir prendre son temps, tu sais ? Les choses peuvent évoluer, il faut toujours garder espoir.

Je me dis qu’il faut que j’arrive à tourner enfin la page de mon ancienne relation et qu’elle pourrait bien m’aider à le faire. Je devrais vraiment l’inviter à manger un soir et je suis convaincu qu’il ne nous faudrait pas longtemps pour nous retrouver nus et nous découvrir sans pudeur ni retenue. Je n’ai cependant pas l’occasion de lui demander car elle est tout de suite appelée par une famille qui semble se poser des questions sur le contenu d’un bocal. Rébecca s’empresse d’aller y répondre mais son regard ne me quitte presque pas à chaque fois que je fais des allers-retours avec un nouveau carton, ce qui me donne moi aussi l’occasion de la mater. La jolie blonde est vraiment charmante. Je pense qu’elle aussi doit avoir autour des vingt-cinq ans et clairement, elle n’attend qu’une chose, que je fasse le premier pas.

Je dépose le dernier carton près des étagères et commence à le vider pour installer les conserves sur les rangées. Avec Rébecca, nous jouons à qui surprendra l'autre en train de mater et nous nous échangeons des sourires.

Alors que je suis en train de ranger les dernières boîtes, une dame pénètre dans le magasin avec son petit garçon, à la main. Je l'observe se diriger vers Rebecca et remarque qu'elle est vraiment superbe. Elle fait bien quinze centimètres de plus que la blonde et la robe fleurie qu'elle porte ne dissimule rien de ses formes généreuses. Son petit garçon a l'air très éveillé et son regard se porte sur moi. Je lui tire la langue pour le faire sourire et le petit coquin s'empresse de tirer sur la robe de sa mère pour me dénoncer.

L'inconnue tourne alors son regard vers moi et je suis immédiatement plongé dans la profondeur de son regard brun aux éclats d'or, si expressif. Je fais un petit salut gêné et me dis qu’il est temps de faire un retour stratégique à la réserve quand Rébecca me fait signe de les rejoindre.

— Oui ? Tu as besoin de quelque chose ? Bonjour Madame, salut petit coquin qui me dénonce.

— Madame a plusieurs sacs de vêtements dans le coffre de sa voiture, tu veux bien… lui donner un coup de main ? m’interroge Rébecca alors que l’intéressée me salue d’un signe de tête et d’un sourire.

— Pas de soucis. Je vous suis, Madame. Il semblerait qu'aujourd'hui, Rébecca veuille abuser de ma force !

Le petit se met à s'agiter et à faire plein de signes de ses mains. A ma grande surprise, sa mère lui répond de la même façon et je comprends qu'il doit être sourd et muet.

— Pardon, allons-y, je ne suis pas garée très loin, mais j’ai enfin fait du tri dans les affaires de mon petit monstre, je gardais tout alors que ça pourra être utile à d’autres. Bref, il y en a un paquet. Je les ai lavées, comme d’habitude, même si je sais que vous le refaites ici avant de les donner.

— Désolé si j'ai choqué votre petit garçon en lui tirant la langue… Il ne me quitte pas des yeux depuis que je l'ai fait, je suis… désolé, répété-je, toujours embarrassé.

— Oh, vous ne l’avez pas choqué, je vous assure, rit-elle en caressant les cheveux du petit. Il doit faire ça au moins deux cents fois par jour à mon encontre en pensant que je ne le vois pas faire.

— Ah ! C'est un petit comique comme moi, alors !

Le jeune se met à signer en direction de sa mère et il ne faut pas avoir fait de grandes études pour comprendre le sens de son indignation.

— Excuse-moi, tu es un grand comique ! Et tu es trop fort pour lire sur les lèvres !

— On y travaille, oui. Je… Robin insiste pour que je vous demande votre prénom depuis tout à l’heure. Pas que ça ait une quelconque importance pour lui, puisqu’il va vous trouver un signe particulier pour vous désigner si nous vous recroisons, en fait, mais c’est un petit curieux, poursuit sa mère, un peu gênée à son tour.

— Je m'appelle Hugo. Enchanté, Robin.

— Il est enchanté également, traduit sa mère alors que le petit hoche vigoureusement la tête.

Je récupère dans le coffre les trois gros sacs de vêtements sans difficulté et les dépose sur le trottoir avant de tendre la main à Robin.

— Merci, Robin. Grâce à toi, d'autres enfants auront de beaux habits ! Tu pourras faire un gros bisou à ta jolie maman pour la remercier aussi !

— Il dit qu’il espère faire plaisir aux enfants et qu’il reviendra avec des jouets, la prochaine fois. Enfin, que nous reviendrons. Et pour les bisous, ce petit traître estime être trop vieux pour ça. Magnifique, neuf ans et je suis déjà privée de bisous, rit-elle avant de me tendre la main. Merci pour l’aide, et je suis Oriane, au fait. Parler pour deux me fait oublier la politesse.

— Enchanté Oriane, voici un bisou pour éviter la privation.

Je me penche et lui fais un bisou sur la main avant de me redresser et de tirer à nouveau la langue à son fils qui éclate de rire.

— Eh bien, je prends avec plaisir, rétorque-t-elle, les pommettes, légèrement rougies.

Je leur adresse un dernier sourire avant de récupérer les sacs et de retourner au magasin. J'adore les rencontres que je fais quand je fais du bénévolat. C'est toujours enrichissant que ce soit avec les bénéficiaires ou avec les généreuses donatrices. Et ça me met de bonne humeur. Il faudra vraiment que je trouve le moyen de continuer quand j'aurai trouvé mon nouveau boulot. En attendant, je vais aller inviter Rébecca à dîner, il est vraiment temps que je me décide.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0