30. Les Hawaïens à Cuba

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Hugo

— Tu peux me redire pourquoi ton patron vous invite en boîte ?

Je regarde David qui s’apprête à partir faire son show au Lotus Club et me dis que je préfèrerais me joindre à lui plutôt que de participer à cet événement organisé par Louis et qui ne me motive pas plus que ça.

— Eh bien, c’est assez simple à comprendre. L’agence fête ses six ans, les affaires sont florissantes et l’argent rentre bien. Pour fêter ça et créer du lien entre nous, on sort tous ensemble. Et comme il est en froid avec Oriane, on sort entre mecs. Tous les ingrédients pour une soirée parfaite, non ?

— Hum… En froid avec Oriane… Tu m’étonnes, si elle galoche tout le monde en dehors de son mari, grimace mon colocataire. Remarque, au moins, pas de tentation pour toi, ce soir. Ça t’évitera de te faire virer. Ou cogner…

— N’importe quoi ! Elle ne galoche pas tout le monde !

— Fais gaffe à toi, c’est tout ce que je dis… Tu n’as pas craqué pour la nana la plus simple au monde, non plus.

— Pour l’instant avec deux baisers, on ne peut pas dire qu’on ait fait des folies, non plus. Bref, je m’en vais danser avec mes amis du boulot ! Youpi !

— Dommage que vous fassiez du co-voiturage, j’aurais pu t’appeler et prétexter avoir besoin de toi pour que tu ne subisses pas cette soirée trop longtemps. Regarde le côté positif, tu vas peut-être pouvoir te trouver une nana pour la nuit !

— J’ai l’autorisation de ramener une meuf à la maison ?

— Qui suis-je pour t’interdire de ramener une fille à la maison ? Et puis, tu ne m’as pas demandé l’autorisation avec la femme de ton boss, après tout !

— Peut-être que c’est chez elle que je devrais aller en fait. Je serais sûr de ne pas être dérangé ! rigolé-je alors qu’il me fait un check et s’en va travailler.

Je repense à ce baiser que j’ai partagé avec elle et me dis que je fais vraiment n’importe quoi. David a raison et je risque de me faire virer ou de me retrouver dans une bagarre avec mon boss. Belles perspectives, mais cela ne me perturbe pas plus que ça. Je crois que pour la belle brune, je suis prêt à prendre tous les risques et ça fait peur, cette absence d’inquiétude. C’est bien la première fois que je suis comme ça avec une femme.

Lorsque Vianney klaxonne devant ma porte, je sors et le découvre vêtu comme Louis d'une chemise Hawaïenne colorée et un grand sourire aux lèvres. La soirée va être longue, je le sens, car les deux ont l’air de vouloir s’amuser. Je monte à l’arrière et les écoute s’échanger quelques plaisanteries grivoises. On dirait vraiment deux ados qui ont eu la permission de minuit et je me demande ce que je fais avec eux. Il faut vraiment participer à ce type de soirées pour être un bon collègue ?

— Tu nous emmènes où, Vianney ?

— On passe récupérer Etienne et on file à Deauville. Un bar cubain du tonnerre, tu vas voir, l’ambiance est géniale.

— Tu crois que ce sont les culs bas ou alors les jupes qui sont trop hautes ? me sort un Louis, hilare.

Je hausse les sourcils et me renfonce dans mon fauteuil, à l’arrière en espérant qu’ils vont vite se lasser et que la soirée ne va vraiment pas trop durer.

Quand on arrive au bar, mes trois collègues m’entraînent en chantant à l’intérieur et il ne me faut pas longtemps pour voir de quel type de club il s’agit. Il y a pléthore de jeunes femmes effectivement court vêtues, de mecs qui ont des tenues similaires à celles de mes camarades et l’alcool coule à flots. Cela ne m’étonnerait pas qu’il s’agisse là d’un de ces clubs où les femmes sont des prostituées déguisées en femmes à peu près respectables pour de riches bourgeois qui veulent s’amuser. De mieux en mieux.

On est à peine entrés que Louis offre une tournée de Tequilas. J’essaie de refuser mais ils insistent tous et je cède. Voilà au moins une chose qu’il a encore en commun avec son épouse, me dis-je en sirotant lentement ma boisson alors qu’ils sont déjà en train de commander la deuxième tournée.

— Le but, c’est de se retrouver sous la table avant qu’il soit vingt-deux heures ? demandé-je en refusant un deuxième verre.

— Le but, c’est de profiter de cette soirée de liberté ! Sois pas aussi coincé, Hugo, éclate-toi, c’est Vianney qui pilote ! s’esclaffe Louis en tapant dans le dos de notre Sam.

— Je n’ai pas besoin de boire pour m’amuser, rétorqué-je en souriant et en me dirigeant vers la piste de danse pour esquisser quelques pas.

Immédiatement, je suis entouré de deux blondes bien équipées en airbags et repeintes sur tout le visage avec des couleurs que je trouve vulgaires et criardes. Mon patron, voyant mon succès, se joint à moi et je lui laisse volontiers les deux danseuses qui ont dû sentir qu’avec moi, ça n’irait pas très loin. Avec Louis, par contre, c’est autre chose. Il ne se gêne pas pour leur coller des mains aux fesses et les embrasser à pleine bouche. Vianney s’est rapproché de moi, un verre de Virgin Mojito à la main.

— Il est toujours comme ça quand il sort ? lui demandé-je en bougeant au rythme de la musique.

— Hum… Toujours quand il s’est engueulé avec sa femme dans la journée… Disons qu’il est rarement Sam, contrairement à moi. Ma femme me mettrait dehors à coups de pied au derrière si je rentrais dans l’état où il se met.

— Avec la femme qu’il a, il est vraiment pas malin de faire des conneries pareil. Tu as vu comme elles sont vulgaires par rapport à Oriane ?

— C’est sûr qu’il n’y a pas photo, soupire Vianney. Mais c’est compliqué à la maison, en ce moment. Entre l’agence et son mariage, disons qu’il a besoin de décompresser.

— Eh bien, la fin de soirée promet vu comment elle commence, soupiré-je.

— T’inquiète, d’ici deux heures, il sera tellement ivre qu’il ne tiendra plus debout et on pourra rentrer retrouver nos femmes. Enfin… tu as quelqu’un dans ta vie ? On n’a pas vraiment pris le temps de discuter depuis que tu bosses à l’agence, et tu es venu seul à chaque petite fête, alors…

— Disons que je ne suis pas pressé de me remettre en couple, si tu vois ce que je veux dire. C’est bien d’être libre aussi, parfois.

— Je vois, sourit-il. J’étais comme ça aussi, et puis j’ai rencontré Stéphanie. Bon, elle m’a maté comme on dresse un cheval, mais c’est cool de rentrer chez soi et d’y retrouver sa petite femme. Enfin, faut pas prendre l’exemple de Louis, mais la situation est différente…

Tu m’étonnes qu’elle soit différente. Il a enchaîné les boissons et là, il papillonne entre tout ce qui a une paire de seins, sans se rendre compte que ce n’est pas lui qui les intéresse mais son portefeuille.

— On le laisse faire sans limite ? demandé-je au bout d’un moment.

— Tu es sa mère ? Parce que moi, non. J’adore Louis, mais il faut qu’il assume. C’est un grand garçon, tant qu’il ne signe pas un contrat pour vendre la boîte entre deux verres, il se débrouille.

Et c’est donc ce que nous faisons, nous le laissons se débrouiller. Etienne n’est pas non plus en reste et les deux compères dansent et s’amusent comme des fous. A un moment, mon collègue arrive avec deux femmes aux bras.

— Rolanda aimerait te connaître, me dit-il en traînant sur les syllabes. Je vous laisse faire connaissance ? Avec sa copine, on va rentrer, nous. Hasta la vista !

Je le laisse partir avant d’éconduire gentiment la rousse qui comprend que je ne suis pas dans le bon mood puis vais m’installer au bar où la barmaid vient tout de suite m’aborder. Je me retiens de soupirer et lui adresse un regard poli.

— Salut, Beau Gosse. Qu’est-ce que je te sers ? me lance-t-elle en se penchant sur le bar pour m’offrir une vue plongeante sur son décolleté alors qu’elle passe un coup d’éponge sans regarder ce qu’elle fait.

— Un diabolo menthe, je suis un garçon sage, moi.

— Je vois ça. Rien à voir avec tes potes, sourit-elle. Sage seulement sur la boisson, rassure-moi ? Je serais très déçue, sinon…

— Sur le reste, il se pourrait que je sois beaucoup moins sage, mais je crois que ce soir, je ne suis pas dans le bon mood. Si c’est finir la nuit avec un mec que tu cherches, tu ferais mieux de changer de cible tout de suite. Je ne suis pas sur le marché.

Mais qu’est-ce que je dis, là ? Elle est tout à fait excitante et je suis libre comme l’air. Pourquoi est-ce que je la rembarre comme ça ? Même si je le fais gentiment et avec le sourire, mon discours est on ne peut plus clair, je pense, et je lis de la déception dans son regard.

— C’est noté, Beau Gosse. Dommage, je suis sûre qu’on aurait pu s’amuser. Si des fois tu es de retour sur le marché, tu sais où me trouver !

Je la gratifie d’un sourire et regarde ce que fait mon patron qui a enlevé sa chemise et danse avec une jeune femme qui pourrait être sa fille. Je crois que lui va bientôt être de retour sur le marché, s’il continue comme ça. Pauvre Oriane. Je me rapproche de Vianney et l’interpelle.

— On continue à le laisser faire n’importe quoi ou il est temps d’intervenir ?

— Je crois qu’on va pouvoir rentrer. S’il boit un verre de plus, il va saloper ma voiture. Et Oriane va déjà bien l’incendier, vu le suçon qu’il a dans le cou. Il l’aura mérité, d’ailleurs, grimace-t-il avant de me lancer un sourire de connivence.

— Oui, ça, c’est évident. Quel…

Je me retiens de dire le fond de ma pensée et me contente de suivre Vianney pour aller récupérer la mari d’Oriane qui se montre si décevant ce soir. Autant j’admire le gestionnaire à l’agence, autant je commence à mépriser de plus en plus le mari et l’homme qu’il est avec son épouse. Et je crois que ce serait le cas même si sa femme ne m’attirait pas autant. Je ne parviens vraiment pas à comprendre comment on peut négliger une femme comme Oriane. Ah si seulement je pouvais être à sa place.

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