Hugo

Vivement que je ne sois plus le dernier arrivé à l’agence car là, tout le travail que les plus anciens ne veulent pas faire me retombe dessus. Et aujourd’hui, j’ai la lourde tâche d’appeler tous les propriétaires qui nous ont contactés pour nous informer qu’ils avaient des biens à vendre et qui n’ont pas donné suite. Quel plaisir de se faire entendre dire que nous sommes trop chers ou que notre réputation est encore à faire ! Et ça, toute la matinée… J’appelle le suivant sur la liste et me demande de quelle manière je vais me faire rembarrer, cette fois.

— Bonjour, Agence Rosenthal Immobilier, Hugo pour vous servir. Vous avez quelques instants à m’accorder ? Je ne vous dérange pas ?

— Bonjour… Qu’est-ce que vous me voulez ? Je n’ai pas beaucoup de temps, je suis en pause.

— Eh bien, je vais être rapide, alors. Vous nous avez contactés il y a un mois pour nous informer que vous alliez vendre un appartement sur la commune de Trouville mais ensuite, nous n’avons pas eu de nouvelles. Je voulais savoir si vous aviez besoin de plus d’informations de notre part.

Je relève la tête et je vois une femme passer dans le couloir. Un court instant, je pense que c’est Oriane, mais qu’est-ce qu’elle ferait là ? Il n’est pas prévu qu’elle repasse à l’agence avant quelques jours au moins. Depuis hier, c’est encore pire qu’avant, j’ai l’impression de la voir partout et de ne penser qu’à elle. Elle me tente et ne me résiste pas vraiment, c’est follement excitant. Mais là, ce n’est pas le moment, j’ai un client potentiel à convaincre.

— Non. Si je n’ai pas rappelé, c’est pour une bonne raison, vous ne pensez pas ? J’ai mis en vente mon appartement dans plusieurs agences sur Trouville, à la commission moins élevée, ainsi que chez l’un de vos concurrents sur Honfleur.

— Mais il n’est pas encore vendu, si ? Avec nos conseillers, on s’engage à finaliser la vente avant la fin du mois. C’est ça l’efficacité de notre agence !

— C’est en cours de négociations. Vous êtes trop chers, vous devriez penser à baisser vos tarifs plutôt que de venir enquiquiner des clients qui n’ont pas donné de nouvelles.

— Je comprends, Monsieur. Je ne vais pas vous embêter plus longtemps. Une bonne fin de journée… Ducon, pensé-je tout bas dans ma tête.

— Ouais, à vous aussi, marmonne-t-il en raccrochant.

Encore un nom à cocher sur la liste. Et typique en plus. C’est rare qu’on ait des gens qui changent d’avis et répondent favorablement à nos demandes. Mais bon, ça ne coûte rien d’essayer… à part mon temps. J’imagine que c’est du négligeable, ça, non ? J’ai un peu la rage suite à ce énième client qui pense qu’on l’enquiquine avec nos questionnements et me décide à aller prendre un café en salle de pause qui est déserte à cette heure-ci. Je regarde mon téléphone alors que j’allume la cafetière.

— Oh, Hugo… Je… je ne savais pas que tu étais là, me surprend Oriane en entrant dans la pièce.

Mais que fait-elle là ? Elle est venue pour me voir ? C’est quoi, cette histoire ? Elle prend des risques insensés, là !

— Oriane ? Mais… moi, je travaille ici, je te rappelle, l’informé-je en souriant. C’est mon bureau, et ton mari n’a pas encore jugé bon de me renvoyer, même s’il se venge de je ne sais quo en ne me donnant que des tâches un peu subalternes.

Elle vient s’installer à mes côtés avant de me répondre. Je sens l’odeur de son parfum vanillé et je ne peux m’empêcher de jeter un œil à son décolleté qu’elle a encore une fois bien mis en valeur avec son chemisier.

— Figure-toi que je travaille aussi. Louis veut refaire tout le site Internet de l’agence pour que ce soit plus clinquant, plus tape à l’œil… Du Louis tout craché, quoi. Je suis contente de te croiser…

— Moi aussi, je suis content, même si je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de se côtoyer ici. Tu sais que la tentation est de plus en plus forte à chaque fois que je te vois ?

— Hum… Je sais, oui, c’est réciproque. Mais on discute, on ne fait rien de mal, si ? Si encore, je te faisais du pied, sourit-elle en faisant glisser son pied de haut en bas contre mon mollet, je veux bien…

— Ah oui, là, ça serait encore pire, niveau tentation, dis-je sans toutefois me reculer. C’est excitant de se dire que n’importe qui pourrait nous surprendre, non ?

Je pose ma main sur la sienne et la caresse alors qu’elle tient sa tasse de manière peu assurée. J’ai l’impression de sentir plein de picotements qui remontent le long de mon bras et vont se loger directement dans mon sexe qui se tend dans mon pantalon.

— Peut-être bien, oui… mais juste un peu, parce que les conséquences d’être pris sur le fait sont un peu trop flippantes pour toi et moi pour que le risque en vaille la chandelle, non ?

— Tu as raison, mais je voudrais signaler, pour ma défense, que je ne suis pas le premier à avoir fait un geste, aujourd’hui.

Je m’éloigne un peu d’elle et vais m’asseoir à une des chaises en sirotant mon café. Cela me donne l’occasion de pouvoir l’observer et l’admirer sans être dans une situation trop compromettante et je la trouve toujours aussi excitante. J’ai de plus en plus envie d’elle et je ne sais pas comment je vais pouvoir me retenir, surtout si elle travaille dans le bureau d’à côté et qu’on se croise souvent ici ou dans les couloirs.

— Il faut croire que la tentation était trop forte… et tu es la tentation même, soupire-t-elle en me détaillant des pieds à la tête avec un sourire en coin.

— Tu peux parler ! Je ne fais que penser et penser encore à la douceur de la peau de tes seins sous mes doigts… chuchoté-je. Je regrette juste de ne pas avoir eu le temps de découvrir ce qui se cachait sous ce joli shorty tout sexy.

Je sais que je la provoque et je suis content de la voir rougir un peu à mes propos. Nous avons certes nos distances physiques mais notre échange n’est pas du tout aussi sage que nos attitudes apparentes.

— Ne te plains pas, je n’ai même pas eu le temps de découvrir ce qui se trouvait sous la chemise… Ce n’était pourtant pas l’envie qui me manquait.

— Tu sais où me trouver si tu veux découvrir tous mes secrets. Je peux t’assurer que je te recevrai avec la même érection que j’ai là, tout de suite.

Je jette un œil à la porte de la salle de pause mais personne ne vient nous déranger et je pose ma main sur mon entrejambe pour lui démontrer que mon état est réel et pas seulement dans mes paroles.

— Hugo ! s’insurge Oriane avant de rire. Elle est bien loin, ta proposition d’amitié, là…

— Ah oui, désolé, je… on va dire que dans la négociation, je fais évoluer mon offre et je te donne l’option avec bénéfices, si tu le désires. Moi, je suis plus qu’open, tu le sais bien.

— Avec bénéfices, hein ? Et… quand tu parles de bénéfices, à quoi est-ce que tu fais référence, au juste ? Je suis curieuse.

Je la dévisage un instant en silence et me demande à quel jeu elle joue, là. Parce qu’elle m’excite à un point tel que je suis prêt à essayer de condamner la porte de la salle pour pouvoir lui montrer quels bénéfices on pourrait tirer de cette amitié particulière.

— Je parle de caresses qui donnent envie de s’offrir à l’autre, de baisers qui réchauffent l’atmosphère et je te parle aussi de l’envie que j’ai de sentir ton corps nu contre le mien pour te faire l’amour, dis-je d’une voix un peu rauque tellement l’excitation est forte.

— Tu es doué, chuchote-t-elle en détournant le regard, les pommettes rougies. J’ai presque l’impression que tu me caresses et m’excites rien qu’avec des mots. C’est plutôt… inédit, pour moi.

— Si tu veux échapper à la tentation, il va falloir que tu continues ton travail depuis chez toi. Là, je risque vraiment de faire des folies tellement tu m’attires… Je… je n’ai jamais ressenti un tel désir pour une femme avant toi, Oriane.

— Techniquement, je ne suis pas sûre que bosser de chez moi soit la solution. Après tout… tu sais où je vis, et tu es le mieux placé pour savoir quand je suis seule à la maison. Ce qui veut dire que tu devrais encore plus résister, tu vois ?

— C’est une invitation ? demandé-je en me levant et en m’approchant à nouveau d’elle, tellement je ressens le besoin d’entrer en contact physique avec elle.

— C’est… je n’en sais rien, à vrai dire. Je te l’ai dit, tu me plais, beaucoup même, et… Bon sang, tu sais que si la situation était différente… J’en ai vraiment envie, Hugo, mais j’ai peur de me perdre moi-même en faisant ça… Et toi, tu mérites mieux qu’une aventure avec une femme mariée, non ?

— Je ne crois pas que je pourrais avoir mieux que ce que tu offres, Oriane, affirmé-je en la plaquant contre le meuble de cuisine pour l’embrasser. Tu es celle qui occupe toutes mes pensées, celle qui nourrit tous mes fantasmes…

Elle ne résiste pas quand mes lèvres se posent sur les siennes et que ma langue s’insère en elle pour aller jouer avec la sienne. Elle noue même ses bras autour de mon cou et nous partageons un baiser que je suis obligé d’interrompre quand elle se met à onduler contre moi.

— Nous sommes vraiment fous, murmuré-je, sans m’écarter plus que ça.

— C’est une folie grisante… Ça fait du bien, parfois, sourit-elle, les yeux pétillants. Et pour info, c’est toi qui me rends folle, je suis une fille sage, d’ordinaire.

— J’ai bien envie de voir à quel point tu peux ne pas être sage, alors. Mais pas ici, pas comme ça. Tu mérites tellement mieux qu’un coup vite fait dans une salle de pause…

— C’est une invitation ? Je mérite quoi, alors ? Parce que je ne suis pas non plus une princesse qui mérite le grand jeu, tu sais ?

— Ma porte t’est toujours grande ouverte, je te laisse prendre le temps nécessaire pour te décider, je ne suis pas pressé. Quand on a un joyau comme toi à découvrir, il faut savoir s’armer de patience et lutter contre sa frustration…

Nous ne pouvons malheureusement poursuivre cet échange qui me procure tant de plaisir car la voix de Louis retentit au loin et nous comprenons qu’il cherche son épouse. Je m’éloigne d’elle et me dirige vers la porte avant de me retourner pour l’admirer une dernière fois avant de sortir.

— Dommage que la situation ne soit pas plus simple…

— Je sais… Mais qui aime les choses simples, hein ?

Assurément, pas nous parce que là, j’ai l’impression que l’on se dirige inexorablement vers une issue qui sera à la fois extraordinairement plaisante et exceptionnellement dangereuse avec un fort potentiel dramatique. Si j’étais dans un film, j’entendrais presque la petite voix des spectateurs de ma vie me dire de fuir à grandes enjambées, mais je ne peux pas. Je ne peux plus, je crois qu’il suffira d’un geste de sa part pour que je craque totalement. Je suis déchiré entre la peur et l’envie, entre le stress et le désir. Impossible d’échapper à ce destin qui se dessine de plus en plus pour nous.