Hugo

Enfin le weekend ! Je vais pouvoir me changer les idées en faisant mon show et franchement, j’en ai besoin. Entre l’absence de nouvelles d’Oriane et son mari qui nous en fait voir de toutes les couleurs à l’Agence, j’avoue que la semaine n’est pas toute rose. Il n’y a que quand je rentre dans la peau d’un de mes personnages qui se déshabille que j’oublie tout le reste, même si j’avoue que les répétitions n’ont pas été top. Ce weekend, je suis un gladiateur romain et je danse sur des chansons plutôt guerrières. Cela me va d’alterner les époques car ça ne change pas vraiment mes mouvements, c’est juste l’ambiance qui est un peu différente.

Lorsque j’arrive au Lotus Club, je suis accueilli par Natalia qui s’inquiète de me voir sans mon énergie et ma fougue habituelle. J’essaie de la rassurer comme je peux.

— Ne t’inquiète pas, j’ai juste un petit coup de mou. Mon patron dans mon boulot alimentaire est en pleine crise et il nous le fait ressentir. Ça va aller, dès que je me serai un peu lâché, toutes les spectatrices vont adorer me voir, je ne suis pas inquiet.

— Y a plutôt intérêt, mon Mignon, parce que moi aussi j’aime bien te reluquer sur scène et j’aimerais en avoir pour mon argent, sourit-elle avant de me faire un clin d’œil.

Je vais enfiler ma fausse armure en plastique et, comme d’habitude, je m’émerveille devant les capacités qu’ont tous ceux qui bossent ici pour trouver des costumes et les adapter à nos shows. Natalia a su bien s’entourer et ça se ressent dans la qualité des spectacles proposés.

Comme d’habitude, avant d’entrer sur scène, je regarde à travers le rideau l’audience afin de choisir mon parcours dans la salle et décider qui va me retirer quoi. Et c’est en faisant ce petit tour d’horizon que je tombe sur elle. Bon, elle est de dos, mais c’est sûr que c’est elle, elle a dû vouloir revenir me voir et j’espère que la soirée va finir comme la dernière fois ! Surtout que la route doit être libre, avec son mari qui ne dort plus à la maison et son fils qui doit passer un peu de temps avec son père. Quelle bonne idée elle a eue, là ! Tout de suite, je sens mon énergie revenir et c’est avec entrain que je termine de me préparer.

Lorsque c’est à moi d’entrer sur scène et que la musique se lance, je n’hésite pas une seconde et fais ma petite entrée sous les projecteurs qui viennent rompre les ténèbres dans lesquelles je commence mon spectacle. Du coin de l'œil, je vois Oriane qui discute avec des amies que je ne connais pas et qui semble apprécier ce qu’elle voit. Enfin, difficile à dire car elle est dans un recoin un peu sombre, mais je parie qu’elle adore. Et elle a dû se mettre là pour éviter d’être reconnue par une connaissance. Même si Andréa ne sera pas là ce soir, vu que David n’est pas à l’affiche. Elle, elle a vraiment kiffé mon ami et est déjà revenue deux fois profiter du spectacle… et de l’artiste, je suppose, vu qu’il n’est pas beaucoup rentré à la maison !

Ne voulant pas mettre Oriane mal à l’aise, je la laisse tranquille dans son recoin et je me déchaîne avec une petite blonde qui semble apprécier les muscles de mon torse vu avec quelle dévotion elle les palpe. Quand je demande à une petite rousse de m’arracher mon caleçon moulant, je fais un demi-tour avec juste ma toge qui protège ma virilité et suis surpris de voir qu’Oriane n’est plus à sa place et qu’elle n’assiste pas au clou du spectacle, mais je me dépêche de retourner dans les loges pour voir si elle ne m’y attend pas. Je suis accueilli par Natalia qui semble aux anges.

— Nom d’un petit bonhomme, tu sais à quel point tu es sexy, Beau Gosse ? J’ai chaud, teeeellement chaud ! glousse-t-elle en s’éventant.

— C’est vrai ? Tu as aimé ? dis-je en parcourant la pièce du regard. Tant mieux, je me suis donné à fond !

Tu m’étonnes, avec Oriane dans la salle, il fallait que je réchauffe l’ambiance. Mais je ne la vois pas dans les loges, ce qui est surprenant.

— Il n’y a personne qui a demandé à venir ici me retrouver ? demandé-je à ma responsable qui continue de me mater sans vergogne.

— Non, pourquoi ? Tu as flashé sur une jolie nana ?

— Peut-être bien qu’il y avait une spectatrice qui m’aurait bien plu, oui. Je me dépêche de prendre ma douche pour voir si elle est encore dans la salle. A plus tard ! Et non, tu ne peux pas venir te laver avec moi, la réprimandé-je alors qu’elle fait semblant de me suivre.

— Sale gosse ! Tu n’en as pas marre d’allumer des feux sans jamais les éteindre ? C’est de la torture, le Lord !

Je rigole et lui fais un petit baiser sur la joue, ce qui lui permet de me coller la main aux fesses, et fonce pour retrouver mon état normal. Quand je pénètre dans la salle, je cherche ma jolie brune du regard et vois qu’elle a repris sa place dans le recoin le plus sombre de la pièce. Je fonce immédiatement la voir mais, quand la brune se retourne, je constate que ce n’est pas Oriane, juste une jolie femme qui lui ressemble un peu. Quelle déception ! Et je ne dois pas bien la cacher car cette inconnue m’interpelle alors que je m’apprête à rebrousser chemin.

— Quoi, je vous ai déçu au premier regard, c’est ça ?

— Oh non, du tout, dis-je en la regardant mieux. Vous êtes très jolie, je vous ai juste pris pour quelqu’un d’autre et je ne voulais pas vous déranger.

— Vous ne me dérangez pas. Clara, se présente-t-elle en me tendant la main, le sourire aux lèvres.

— Enchanté, moi, c’est Hugo. Je vous offre un verre ?

Je me dis qu’elle a l’air charmante et que ça ne coûte rien de voir qui elle est. Ce n’est pas Oriane, certes, mais elle en a un peu l’air, avec ses yeux juste plus allongés et son visage légèrement moins gracile. Mais elle a tout ce qu’il faut où il faut et n’est vraiment pas désagréable à regarder.

— Avec plaisir, mais un soda, je conduis.

— C’est la première fois que vous venez ? Vous avez aimé le spectacle ? Vous n’êtes quand même pas venue toute seule, si ? lui demandé-je une fois installé en face d’elle avec nos boissons.

— Que de questions, rit-elle. J’étais là avec des amies, qui sont parties, et nous venons ici deux ou trois fois par mois. Quant au spectacle, il était très agréable à regarder.

— Je suis arrivé à temps, alors. Je suppose que vous alliez bientôt partir et ça aurait été dommage de vous rater. Vous ne me trouvez pas trop cavalier de vous avoir abordée comme ça ? Ce n’était pas une tactique d’approche, promis !

— A vrai dire, j’étais plutôt vexée que tu tournes les talons et c’est moi qui t’ai abordé, non ? Tu ne m’en veux pas de passer au “tu” ? Le “vous” est tellement froid…

Elle ne fait pas que passer au tutoiement pour réchauffer l’atmosphère. Non seulement, elle défait un bouton de son chemisier en me souriant mais en plus, je sens son pied se poser sur ma jambe et la caresser. Madame Clara est passée à l’attaque et, pour l’instant, je décide de laisser faire afin de voir où ce petit jeu va nous mener.

— C’est clair que tu sais comment faire monter la température, rétorqué-je en souriant. Joli décolleté en dessous d’un joli sourire, c’est mon jour de chance, non ?

— Peut-être bien, va savoir… A toi de me le dire, en vérité. J’imagine que si tu as fini par me proposer un verre, ce n’est pas pour parler de la pluie et du beau temps, si ?

— J’avoue que là, je n’ai peut-être pas trop envie de parler mais plut$ot d’agir et satisfaire le désir que je peux lire dans ton regard. J’espère que tu me pardonneras mon côté direct, mais je crois discerner que tu n’as pas envie de patienter pour aller au-delà de ce verre…

Je sors un discours un peu bateau auquel je ne crois qu’à moitié, mais il a l’air de suffire car ses yeux s’illuminent et elle s’empare de ma main qu’elle serre dans les siennes, toutes petites autour de la mienne.

— Allons chez moi alors, souffle-t-elle en se levant.

— D’accord, je te suis.

Quel meilleur moyen de me débarrasser de mon infatuation pour Oriane que de céder aux avances d’une autre jolie femme ? Je ne suis pas forcément convaincu de la méthode, mais je me dis que ça se tente. Je passe mon bras autour de sa taille et immédiatement, elle se colle à moi. Sa bouche trouve la mienne et nous nous embrassons. Elle y met énormément de cœur et d’engagement, mais j’ai du mal à montrer le même enthousiasme. La seule chose qui m’excite un peu, c’est de sentir son corps de femme contre le mien alors que je ferme les yeux… pour imaginer Oriane. Purée, je déconne totalement là. Et je ne suis pas réglo avec cette pauvre Clara qui ne semble vouloir qu’une chose, me mettre dans son lit, ce que je ne me sens pas vraiment capable de faire tellement l’étincelle n’est pas présente.

— Clara, finis-je par dire alors que nous arrivons devant sa voiture. Je… je suis désolé mais je crois que je ne vais pas aller chez toi. Ce n’est pas une bonne idée… En fait, j’ai une autre femme en tête et… et ce ne serait pas réglo de te faire l’amour alors que je pense à une autre…

— Oh… Je… d’accord, bégaye-t-elle en s’éloignant d’un pas. Alors ça, c’est de l’excuse, on ne me l’avait jamais faite. Merci pour ta sincérité… Enfin, je crois ?

Je me sens mal là parce que j’ai déconné avec elle. Je la jette après l’avoir chauffée, c’est vraiment pas terrible et je comprends son désarroi.

— Ecoute, ça n’a vraiment rien à voir avec toi… Tu es une femme superbe et c’est pour ça que je nous ai laissé une chance… mais je n’y arriverai pas… Je… je suis désolé de t’avoir laissé ce faux espoir… Ce n’est pas dans mes habitudes. Je…

Moi aussi, je me perds un peu dans mes explications mais elle a repris ses esprits plus rapidement que moi. Pour elle, je n’étais de toute façon qu’un coup d’un soir qui est en train de se transformer en lapin d’un soir.

— Pas de problème, respire, Beau Gosse. Je devrais m’en remettre, sourit-elle. Tu ne sais pas ce que tu rates, c’est tout. Je vais rentrer chez moi. Bonne fin de soirée, Hugo. Et si tu as une nana en tête, peut-être que c’est à elle que tu devrais faire les yeux doux plutôt qu’à une inconnue, non ?

— Encore faudrait-il qu’elle accepte de me revoir, oui, grommelé-je en me reculant alors qu’elle referme la portière de sa voiture.

Je la regarde s’éloigner et je me traite intérieurement de con. Et pas de ne pas être allé au bout avec cette jeune femme avec qui j’aurais pu passer un bon moment, c’est sûr, non, à cause d’Oriane qui occupe toutes mes pensées. J’ai réussi à faire le deuil de ma relation avec Valérie, ça, c’est prouvé désormais, vu que j’étais à deux doigts d’aller coucher avec une inconnue. Mais je suis loin d’avoir mis derrière moi mon attirance pour la jolie femme de mon patron. S’il me faut autant de temps pour l’oublier qu’avec mon ex, je ne suis pas sauvé… Peut-être qu’il faudrait que je force le destin et que je fasse un peu le forcing avec la jolie brune de mes rêves ?