Epilogue 2/2 : Un câlin chez les Loiseau
Oriane
Je sors sur la terrasse, cafetière à la main, suivie de près par Annie, qui me couve comme si j’étais sa propre fille et lance des regards à la dérobée toutes les trente secondes sur mon ventre légèrement rebondi, quand elle n’est pas occupée à observer Robin avec bienveillance. Bienvenue chez les Loiseau, où l’on entend la télévision, certainement allumée pour les murs, depuis l’extérieur, où Michel a passé une partie de son repas à glisser discrètement des morceaux de son poulet à Cookie, notre jeune et tout fou labrador, et au vieux Hector, leur Border Collie qui ne se laisse pas marcher sur les pattes par la jeunesse. Bienvenue chez les Loiseau, où Robin et moi avons été accueillis à bras ouverts, même si la pauvre statue de cigogne installée devant l’entrée n’a pas survécu au ballon que mon fils a tiré en direction d’Hugo dès notre première visite, où l’on parle sans complexes, où personne ne juge personne et où l’on passe au moins deux dimanches par mois.
J’ai l’impression d’avoir une famille. Une vraie famille, j’entends. Bien loin de ma relation avec mes anciens beaux-parents, loin des repas guindés où je faisais attention à tout ce que je disais. Ça change et ça fait un bien fou.
Je ne me suis jamais sentie aussi épanouie que depuis un an, pour être honnête. Si Robin et moi avons vécu dans un petit appartement pendant quelques mois, nous avons fini par louer une maison avec mon Lord, nous avons adopté un chien pour le plus grand bonheur de mon fils, et nous n’avons pas tardé à vouloir unir nos deux familles avec un petit frère ou une petite soeur pour Robin. Contrairement à nos tentatives avec Louis, cela n’a pas tardé à prendre, et vu la bosse qui déforme déjà ma robe, j’ai peur de finir deux fois plus grosse que Rachel qui vient d’accoucher d’une petite Léa, aussi belle que bruyante.
Difficile de ne pas sourire et être tout simplement heureuse quand mon homme me dévore littéralement du regard comme à cet instant. Installé autour de la table encore encombrée du repas, il balance une balle de tennis à Robin, faisant tourner en bourrique les pauvres chiens qui ne vont pas tarder à s’écrouler à l’ombre sous le pommier pour une sieste bien méritée.
Je sers Michel et Annie puis m’installe à côté de mon Lord, à la retraite ou presque puisqu'il ne fait plus que quelques représentations ponctuelles les weekends où Robin est chez son père. J'en profite pour faire une sortie filles et nous allons passer la soirée à reluquer de beaux stripteaseurs avant que je rentre avec le plus sexy de tous.
Ledit stripteaseur me prend la cafetière des mains pour remplir sa tasse. Il y a bientôt douze ans, je n’étais pas accro au café comme je le suis à présent, et j’avoue que ma dose de caféine après le repas me manque atrocement, alors je ne me gêne pas pour déposer un baiser sur ses lèvres après qu’il a bu quelques gorgées de son breuvage, ce qui le fait sourire.
— Ne te vexe pas, soufflé-je, ce n’est pas uniquement pour le goût du café, promis.
— Je crois que tu n’as pas bien goûté, c’est pour ça que je suis vexé, me répond-il en tendant ses lèvres vers moi.
Je pouffe en attrapant son visage entre mes mains pour planter un rude baiser sur cette divine bouche et lui mordille la lèvre pour le faire gronder, me faisant avoir à mon propre jeu. Si mon geste l’excite, ce son rauque se répercute dans chaque parcelle de mon corps avec force.
— Ta mère m’a dit qu’ils avaient gardé ton berceau et qu’on pouvait le prendre si on voulait… Qu’est-ce que tu en penses ?
— Pourquoi pas, mais il faudrait le repeindre, non ? Il a quand même pris un coup de vieux en presque trente ans !
— Tu n’as pas atteint les trente ans, je les ai dépassés, je te conseille de faire très attention à ce que tu dis concernant les coups de vieux, Hugo Loiseau, j’ai les hormones en vrac par ta faute, le grondé-je, lui offrant ma moue la plus sérieuse.
— Heureusement que toi, il ne faut pas te repeindre, je te rappelle que tu es parfaite, Miss Normandie !
Je lève les yeux au ciel en souriant, et pousse un petit cri lorsqu’il me hisse sur ses genoux et m’encercle de ses bras. Hugo fait glisser la fine bretelle sur mon épaule qu'il mordille tandis que sa main glisse sous ma robe pour se poser sur ma cuisse. Je soupire de contentement en me lovant contre lui. Impossible de manquer le regard attendri d’Annie et le sourire qui fleurit sur ses lèvres lorsqu’elle nous observe.
Notre attention est rapidement détournée par un livre qui atterrit brutalement sur la table, et la chaise de Robin qui grince sur la terrasse lorsqu’il la glisse entre les parents d’Hugo. Michel récupère l’ardoise près de lui et enfile ses lunettes de vue avec le sourire aux lèvres. Chaque dimanche passé ici a ses petites habitudes, et le cours de Langue des Signes en fait partie.
— Prof compréhensif ou tyran aujourd’hui, à ton avis ? chuchoté-je à Hugo qui masse ma cuisse en remontant lentement de plus en plus haut.
— J’espère qu’il sera tyran, mes parents doivent encore plus se concentrer, répond-il de la même façon. Et on peut… tu vois…
— Discuter tranquillement ? Débarrasser la table ? Faire la vaisselle ? Aller jouer avec les chiens ?
— Ah oui, les hormones sont en panne depuis hier soir ? se moque-t-il gentiment.
— Hier soir, vraiment ? Parce que tu as oublié la douche, ce matin ? Un peu de tenue, Beau Lord, on est chez tes parents, quand même. Quoiqu’avec cette histoire de berceau, on a l’excuse parfaite pour s’éclipser…
— Allons le voir, alors. Papa, Maman, dit-il plus haut, on va au grenier voir mon ancien berceau. Oriane voudrait le voir avant de décider si on le prend ou pas. On vous laisse apprendre vos couleurs.
J’essaie de ne pas glousser bêtement lorsqu’il se lève, m’entraînant avec lui, et dépose un baiser sur la petite tête de mon fils avant d’être emmenée à l’intérieur par un Hugo qui va nous faire griller en quelques secondes avec cet empressement évident.
— Hé, mollo, ris-je en montant les marches à sa suite, je ne suis pas Cookie, je te signale, mais ta femme. Enceinte !
Techniquement, nous n’en sommes pas à l’étape mariage et ça me va très bien comme ça, mais Hugo se plaît à m’appeler “sa femme” dès qu’il le peut. C’est mignon, un brin possessif, mais ça me convient. Surtout lorsqu’il m’appelle ainsi avec cette voix rauque d’homme de Cro-Magnon excité prêt à me posséder et me faire voir des étoiles.
— Ma femme enceinte, je veux juste te dire qu’on n’a pas non plus cent sept ans, alors si tu veux en profiter un peu, il faut bouger davantage ce magnifique popotin.
A ce rythme-là, il va surtout me faire dégringoler les escaliers plutôt qu’autre chose ! Son excitation me fait sourire, puis gémir lorsqu’il me plaque contre la porte de sa chambre d’adolescent en capturant ma bouche. Elle se répercute sur la mienne avec force lorsqu’il m’enlève ma robe, se démultiplie quand ses fringues volent un peu partout, se nourrit de nos baisers, de nos caresses et de nos mots d’amour pour grandir encore. La vérité, c’est que je n’en ai jamais assez, que je ne me lasse pas de ces moments, qu’ils sont toujours aussi intenses, malgré le quotidien qui parfois fatigue, agace, chagrine. Ces moments-là créent une bulle rien qu’à nous, que rien ne peut éclater.
Quel tableau pourrait être plus beau que celui d’Hugo, à genoux à mes pieds, ses mains caressant et titillant mes pointes rendues encore plus sensibles par la grossesse, alors que sa bouche se promène sur mon ventre, descendant dangereusement vers le point névralgique de ma jouissance ? Lui qui aime tant faire durer le plaisir, jusqu’à m’entendre le supplier de passer à l’étape suivante… Ce fourbe qui connaît mon corps comme personne et peut me mener au bord du précipice autant qu’il le souhaite sans jamais m’accorder la délivrance. Lui qui peut être tendre et sensuel comme fougueux et passionné. Cet homme qui me prouve chaque jour qu’il m’aime, par ses mots, par ses gestes, qui a accepté Robin avant même que nous n’embarquions dans une relation sérieuse, qui ne s’est jamais plaint que je fasse passer mon fils avant lui, quitte à écourter un dîner en tête-à-tête, à suspendre une partie de jambes en l’air phénoménale ou à nous laisser de l’espace pour que nous passions du temps ensemble…
— Hugo, bon sang, m’impatienté-je, tu disais qu’on n’avait pas cent sept ans !
Il sourit de toutes ses dents en plongeant ses beaux yeux dans les miennes. Ses lèvres humides de mon plaisir, il m’offre un dernier coup de langue qui me fait frémir avant de me soulever de terre pour me relâcher sur son lit qui grince sous cet assaut. Hugo a ce petit sourire narquois, celui du mec qui sait qu’il est irrésistible et que je suis foutue. Après tout, il a gagné depuis longtemps, mon corps, mon coeur, mon âme, et malgré la fougue avec laquelle il nous unit l’un à l’autre et sa main posée sur ma bouche pour étouffer mon gémissement, ses yeux assombris par le désir ne sont qu’amour et passion.
L’Amour avec un grand A, avec cet homme, c’est ce que j’ai trouvé en débarquant aux Restos du Coeur un mercredi après-midi avec Robin. C’est ce que je souhaite à toute personne qui veut d’une vie de couple, ce que j’espérais quand j’imaginais ma vie d’adulte avec les copines. Si j’aurais sans doute préféré faire certaines choses autrement, je ne regrette rien de ma vie, et surtout pas d’avoir entrelacé nos chemins à tous les deux. Le Lord des câlins m’a conquise, et maintenant, plus rien n’est interdit, tout est possible !
FIN
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