#13 - 12 juillet
Les billes éclatent sur le carrelage rouillé. Se dépouillent de leur éclat au contact de la froideur raide des carreaux. S’embrument aussi, soudain, comme des pistils lancés dans les airs après un grand vent. On se dépeuple, on se lâche, les bras et on quitte les épaules on l’on dort pourtant d’habitude si paisiblement. Oui, on s’écarte et on cherche, dans la pénombre entrouverte, une porte de sortie qui ne nous arrache pas le cœur, qui ne sarcle pas subitement les désirs parfumés de pensées sauvages. Dans ta rue, les bourgeons bourdonnent et les lits restent tranquilles sur les galets polis au fond de la scène. Sur les planches, galamment posées en quinconce d’épi de maïs, on s’enfume les tripes avec de la verte trop mûre, qui nous prend les narines en même temps que les poumons, qui prend ses grands airs de faux semblant, regarde de haut les êtres las que nous sommes. Entrelacs de ficèles et de nœuds, bouillant dans des marmites au fond un brin gratinées, à creuser du bout des cils des cocardes suspendus aux chemisiers à fleurs, trop cintrés sur les poitrines fumantes. Remous symphonique quand la brise est venue, parsemer d’insomnie funestes les aurores au bord étroit et aux crêtes acérées comme des voix trop perchées. Les nôtres et puis les autres. Et puis toutes celles qui se perdent dans des sillons de bateaux à vapeur et en papier, qui se noient dans les tourbillons des œufs à la coque ébréchée. Comment siphonner le somnambulisme sous-jacent les jacinthes effleurées de soliloques impotents ? Comment écoper la peine de prison saline, là enfouie comme un chat au milieu des marées ? Qu’importe au fond, qu’il ne réside ici, peut-être, plus rien que les amertumes ne sombrent au crépuscule d’idées hautes et filigranées. Comme on touche du bout des doigts des pulpes et des zestes, des agrumes solitaires flottant au grès des suicidaires folies. On égraine, on ensemence, on parsème comme on peut, si l’on veut, des pluies d’hirondelles et d’étincelles sur les cieux bleuis d’hématomes. On s’ecchymose ainsi que l’on court, à se tirer des ailes et des sourires aux labiales, à se tirer la peau et à se tirer tout court, direct, tout droit sans retourner voir derrière si le temps est mort. On continue malgré les éclaboussures sur les genoux et les éraflures sur la peau de chagrin, un à un déversés en pâture aux abonnés absents. Ceux-ci ont toujours tort, de toute façon. Qu’ils portent le reste et les fautes de tous, après tout, qui viendra se plaindre de leur sac trop lourd ? de leur baluchon négligemment posté aux quais des départs… On ricoche à la marelle des arc-en-ciel éparpillés, des poches pleines de sable, où l’en enfouie les mains moites, et la sueur sur les pans des jupes trop longues. Le crêpe de Chine taché de sang, des doigts ruisselants dans des manches trop longues aussi, pour cacher autant que possible les crevasses abîmées par le soufre des roses des vents. Mais la girouette s’esclaffe autant qu’elle tourne, et ci, et là, et ici et là-bas, intouchable toujours et insondable le jour comme la nuit quand les chiens aboient en silence. Et que l’on se bouche les oreilles, que l’on ferme les bouches et que les incendies s’entretiennent par la main. Les poings fermés. Les feux sont faits. Les jeux sont laids. Mais on y joue, encore et toujours, on y joue parce qu’ils font vivre et que les battements qui nous ébattent nous redonne des sourires aussi amers que les citronniers vagabonds. Et les vagues emportent sur leur passage. Des écumes. Des enclumes. Comme autant de cailloux dans les gorges serrées. Et l’on enterre si bas, dans les tréfonds bien noirs, comme l’encre de seiche que l’on essore sur les cordages, des milliers de nœuds, que l’on scelle, que l’on stèle ainsi, de pierre autant tombale que tombante, comme des seins qui auraient trop nourri. On enterre les mots trop longtemps tus. On enterre les cymbales et les cigales de Venise. Qui ne flottent plus. Qui se noient. S’étouffent. Et rien ne peut. Plus jamais. On ne survit pas.
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