#11 - 10 juillet
Fermer les paupières et partir. Loin, plus loin encore si les orages nous guident, au travers ou de guingois, si les temps les permettent, à creuser l’asphalte de nos douleurs sylvestres. Si fragiles quand on les arrose de trop de larmes. L’entonnoir se bouche et entonne des chansons volubiles au creux des alizées. Et l’azur s’hachure d’inconvenance et de pays de Cocagne, brochés en cocarde sur les poches de costumes et sous les yeux. Quand les volets sont clos et que les arbres taisent leurs feuilles blanches comme des cheveux trop vieux, au vent s’éparpillent. Papillonnent les lignes et le linge s’étend, sèche ses pluies sur les taies d’oreiller pleurées si souvent le soir quand le jour se borde sous des noirs de cendres. De suie, de charbon, détrempés de sueur et de mots d’amour étouffés dans les gorges et enterrés dans des cimetières moites à en crever. Suffocant quand le bât blesse et grésille des ovales d’opaline craquelée comme des vernis trop cuits et des ongles rongés par des dents acérées. Dents de lion aux corolles corallines, reflets d’insomnie solitaire, à s’aimer du bout de ses propres rêves, les lèvres gercées et percées de verglas, glissent entre nos doigts frileux qui se caressent, graciles et chuchotements. Des creux d’oreilles à qui l’on se confie timide et pourtant certain d’être tue, aveugle un peu des paysages mornes, dépliés sur les tables de jeu lorsqu’ils sont faits, que les dés sont jetés à la mer. Comme des bouteilles froides et vertes, brillantes d’éclats dévorés. On se dévore pour se noyer le premier si on peut ainsi tout oublier et le feu, et le sang, et l’innocence volée. Se noyer. S’étouffer. Refuser la surface qui cherche la course, se lisse et nous enlise dans des existences trop vécues déjà, que le souffle s’estompe et se raréfie. On ravale tout – les larmes, l’égo, la façade. Surtout la façade et ce si beau visage qui sait si bien sourire et cacher son chagrin, dans un écrin de joie feinte et de cils trop sombres pour être vrais. Violettes les taches au fond du cœur, des bleus tumescents, gisant sous la peau nue et crue de doux baiser d’anthracite et schiste. On se joue de l’ombre et de la lumière, comme au Caravage splendide, les mines étonnées, la mine bien taillée, aiguisée au fuseau solaire de cadran encadré, cloué comme un bec de piaf ou comme un cercueil sans tombe. La juca malmenée par les désirs immortels, offrande vide d’essence pour les ailes de marbre. On se juche, imbéciles heureux, sur des arbres pendus. Des siècles à se pourfendre comme des bûches, à attiser la flamme.
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