Partie Deux
Une tâche rousse bondissait au loin. La petite chipie s’était esquivée en profitant de mon absence. Une sacrée gamine ! Elle allait en direction d’un bouquet d’arbres perdu au milieu des plaines où elle pensait pouvoir me semer. Avec un sourire de chat, je m’élançai à sa poursuite.
« Ce n’est pas qu’un simple bouquet de branche », constatai-je, une fois arrivé en bordure du bois impénétrable. J’y pénétrai sans difficultés grâce à l’étonnante élasticité de mon corps.
Un cri de mauvais augure retentit.
J’abandonnai toutes précautions et me traînai sous les branches basses, sur le tapis de feuilles mortes et les tas d’humus couverts de brindilles et de ronces, zigzaguai entre les fûts et priai pour qu’il ne soit pas trop tard, car une chose nichait dans un trou puant à digérer son dernier gueuleton.
J’enfilai un tunnel ténébreux où le bruissement de mes vêtements et le craquement des branches créaient une joyeuse fanfare, à laquelle s’ajoutait le chant des petites boules de suies accrochées à mes épaules et à mes cheveux ; chargé d’araignées curieuses et excitées, j’atteignis une butte de terre qui surplombait l’aire jonchée d’ossements d’un oiseau colossal.
Son plumage sinistre traînait au sol comme un rideau d’ébène, ses pattes grisâtres aux serres démesurées en émergeaient à l’instar d’une robe fendue. Il dressa son long cou et leva son bec noir et poussa un gémissement à vous glacer le sang. Une marche-mort.
Je surpris le regard curieux de la petite fille à l’autre bout du nid, qui, cachée dans le feuillage au sommet de la butte, me tira la langue. Je le lui rendis, le sourire aux lèvres, content qu’elle ne fit pas partie des victimes.
Nous nous esquivâmes en silence, et je la retrouvai, plus tard, devant une crevasse peu profonde, mais assez pour la bloquer dans sa fuite.
« Coincée ? » débutai-je.
J’allais enfin obtenir des réponses, lorsqu’un frisson glacé me parcourut l’échine. Nous nous tûmes. Une odeur de putréfaction me saturait l’odorat. Elle leva les yeux où mon nez m’avertit du danger. Je bondis sur elle à l’instant même où l’oiseau colossal tombait de la cime. Il poussa un cri si assourdissant qu’il me fit tituber et chuter dans la crevasse en manquant la fillette qui restait interdite.
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