Les êtres bruyants
L'écrivain pose ses fesses sur son siège. Il inspire un grand coup et patiente un instant, avant d'expirer l'air de ses poumons.
- Pas un bruit. Etrange, elles sont là pourtant, dissimulées quelque part dans cette pièce, je le sais.
Sans bouger un muscle, il observe discrètement les alentours, percevant ça et là des remous, des anomalies, d'étranges distortions, ce qu'il appelle des singularités. Soudain, un petit personnage, semblable à une fée, apparait sur son bureau. Haut d'à peine une dizaine de centimètres, l'être déambule, la mine déconfite, sur les touches du clavier. En l'absence de réaction de la part de l'auteur, il se met à sangloter, jusqu'à lui arracher un soupir.
- Peine, je travaille, que viens-tu faire ici ?
- C'est Joie, elle m'a fait une farce, répondit l'être d'une voix chevrotante. Elle m'a fait croire que Haine était derrière moi, j'ai eu si peur !
Au même instant, une autre fée se matérialise, cette fois sur la tête de notre homme. Tout sourire, elle s'écrit :
- Ohh, si on ne peut même plus plaisanter ! Eh Peine, Jalousie se cache juste derrière toi.
Peine bondit si haut que sa tête frôle le plafond, mais elle a beau chercher, aucune trace de Jalousie. il ne faut pas attendre longtemps pour que ses larmes viennent accompagner les rires de Joie.
- Assez ! s'écrit l"auteur, agacé. Peine, cesse de te comporter comme Peur, et Joie, arrête de la titiller. Vos sœurs vont certainement bientôt arriver alors je vais être clair, je ne veux plus entendre le moindre son.
Et le silence se fait, jusqu'à ce que Joie se mette à chatouiller Peine, qui, par on ne sait quel miracle, réussit à retenir tout rire nerveux, et, plus fort encore, à pleurer de plus belle. Trois autres fées, Courage, Amour et Mélancolie atterissent ensuite à côté de leurs semblables. La première se met immédiatement à encourager la pauvre Peine, la deuxième considère ces chamailleries comme une irréfutable preuve d'affection, la troisième, elle, se contente d'observer la scène.
- Vas-y Peine, tu vas l'avoir ! s'époumonne Courage.
- Tant d'amour, je suis sans voix ! ajoute Amour en se dandinant.
- Je me souviens, moi aussi je riais avant, ou pas, je ne sais plus. dit Mélancolie.
Sachant ses avertissements inutiles, l'écrivain sourit et tapote sur son clavier, en attente d'une paix qui n'arrivera pas.
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