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Les agents du CNCL attaquèrent les aventuriers.

Ari et Abbas se jetèrent l’un sur l’autre sachant que leur combat fratricide n’aurait qu’une seule issue.

Abbas cherchait à gagner du temps. Séphyr savait que c’était pour lui permettre de fuir. Il avait une mission à accomplir. La dernière peut-être.

Il hésita à quitter la serre. Si Abbas ne survivait pas à la bataille, qui lui en voudrait de ne pas avoir été jusqu’au bout de sa mission ?

Le monde entier sans doute, car, pour les êtres comme lui, il ne pouvait plus y avoir de rédemption une fois qu’ils avaient tué.

Il regarda la jolie guerrière qui s’approchait de lui avec prudence. Elle était en tête de liste de ceux qui souhaitaient sa mort. Elle n’allait pas le laisser quitter les lieux.

Dans son champ de vision, il vit Siérate se frayer un passage à coups de machette parmi les combattants. Tous ceux qui se trouvaient volontairement ou non sur son chemin y perdaient au mieux un membre, au pire la vie.

Elle marchait vers la guerrière.

Celle-ci l’avait remarquée aussi et elle l’attendait, remettant son projet de le tuer, lui, à plus tard.

Elle avait vu comment Siérate avait égorgé cet homme.

Elle ne pouvait plus ignorer qu’elle poursuivait deux assassins au lieu d’un, qu’il n’était pas responsable de tous les meurtres.

Il aurait préféré que Siérate ne s’en mêle pas. Mais c’était trop lui demander.

Siérate attaqua Sixtine avec toute la violence dont elle fut capable. Malgré tout, celle-ci réussit à parer le coup. Elle en fut néanmoins affaiblie.

La femme aux cheveux blancs lui envoya son pied gauche dans le ventre.

La guerrière d’Ari roula au sol. Elle tenta de se relever mais Siérate lui asséna un violent coup dans les côtes.

Le souffle coupé, Sixtine se sentit à la merci de la tueuse. Elle se demanda, si elle aurait conscience de sa mort.

Qui remplirait alors sa mission ?

La tête de la femme, séparée de son corps, tomba au sol. Malgré la mort, elle affichait une expression de surprise horrifiée. Pour cause, son complice l’avait décapitée.

Sixtine se releva tant bien que mal et essuya d’un revers de la main le sang qui s’écoulait de son nez et de sa lèvre coupée.

Remercier son sauveur était moins dans ses intentions que lui demander pourquoi il avait sacrifié sa moitié.

Elle le chercha du regard s’attendant à le trouver tout près.

Il avait pris la fuite.

Elle devait le retrouver. Même sans sa complice, il restait dangereux. Elle devait le neutraliser. Elle courut jusqu’à la sortie de la serre.

Éblouie un court instant par la lumière, elle réussit néanmoins à le voir quitter la propriété. Elle s’élança à sa poursuite.

À la sortie de la propriété, le changement fut saisissant.

Elle se retrouva en pleine ville, au milieu des grands immeubles et d’un large boulevard, parmi la foule, des hommes et femmes pressés, des ouvriers revenant du travail, d’autres y retournant, des marchands de toutes sortes. Du bruit, tellement de bruit.

Elle baissa l’intensité de ses capteurs au niveau le plus bas.

Bon sang, elle ne s’était pas attendue à cela.

Elle laissa passer un homme en vélocipède devant elle. Elle remarqua deux gamins qui se disputaient un cerceau devant l’entrée d’une venelle qui indiquait l’entrée des catacombes.

Elle se souvint que l’assassin… Non… Les deux assassins avaient beaucoup utilisé les tunnels londoniens.

Elle fonça dans la venelle, descendit l’escalier qui menait à une grille entrouverte. Le cadenas de celle-ci en avait été brisé. Les tunnels étaient éclairés par des torches.

Elle s’y engagea avec prudence.

Nombreux étaient les segments de tunnel non éclairés, mais elle remarqua que le chemin qu’elle devait suivre était balisé par les torches.

Elle redoubla de prudence. On ne savait jamais ce qui pouvait sortir de l’obscurité. Elle ne voulait pas figurer au nombre de ces filles sans identité que l’on retrouvait mortes à un coin de rue. Cela ressemblait à un piège. Elle ne comptait pas s’y laissait prendre.

Elle avait une mission : mettre le tueur hors d’état de nuire. Et elle s’y tiendrait. La seule chose qui avait changé, c’était qu’elle ne chercherait pas à le tuer à tout prix. Il lui avait sauvé la vie. Elle lui accorderait au moins cela.

Quelque chose l’arrêta.

Elle venait de pénétrer dans une pièce circulaire faiblement éclairée. L’ombre d’un autel trônait en son centre.

Sixtine distingua d’autres ombres étranges, immobiles, le long du mur. Certaines lui semblaient trop biscornues pour être humaines.

Elle décrocha l’unique source d’éclairage de la pièce et l’utilisa pour allumer les quatre torches qui se trouvaient autour de l’autel. Le lieu prit une autre dimension sous la lumière des flammes, et les ombres prirent des traits et des formes humanoïdes qui lui étaient familiers.

Où que ses yeux se posent, c’était toujours sur une réplique d’elle avec, parfois, une coupe ou une couleur de cheveux différente.

Ses répliques portaient toujours le même uniforme. Mais quoi qu’il en soit c’était bien elle qui était représentée, désarticulée, brisée, et parfois amputée d’un membre cybernétique, statufiée pour l’éternité.

Elle compta quinze doubles, quinze poupées produites en série.

Par qui ?

Ari ?

Elle sentit la tristesse s’abattre sur elle.

Pourquoi ne lui avait-il rien dit ?

Il devait pourtant le savoir…

Elle ne manquerait pas de lui demander lorsqu’elle le reverrait.

Y en avait-il encore d’autres comme elle, endormies quelque part ?

Encore une question qu’elle aurait à poser à Ari.

Celui qui les avait exposées là, et elle ne doutait pas qu’il s’agisse du tueur qu’elle poursuivait, les avait numérotées. Elle s’arrêta sur la quinzième.

Elle avait l’air de dormir, tout simplement. Mais le trou à l’arrière de sa tête indiquait qu’il n’en était rien.

Elle se souvint alors de Londres.

Ari n’avait pas été blessé dans leur confrontation. Le tueur ne s’était pas enfui comme elle l’avait imaginé. Il était resté et il l’avait abattue.

Elle ne s’était pas éteinte immédiatement.

Ari l’avait traînée à l’abri, et tenue dans ses bras encore quelques secondes. Il lui avait baisé le front avec tendresse.

Elle avait senti ses doigts parcourir sa nuque, y exercer une pression jusqu’à ce que s’ouvre une petite trappe. Il en avait sorti sa carte mémoire.

Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Elle savait que c’était très important.

Un crissement de sable sur le sol.

Elle se retourna vivement. Elle s’était laissée surprendre.

Son assassin était celui que tout Londres connaissait sous le nom de Jack l’Éventreur.

Il avait le même regard gris qu’elle. Il était comme elle : une création.

Il se trouvait quelques mètres devant elle. Une distance qu’il savait nécessaire, car il lui en faudrait moins pour le tuer si elle le souhaitait. Il la tenait en joue.

Il avait choisi.

Jamais elle ne pourrait lui accorder son amour, pas plus que son amitié ou sa confiance. Et quand bien même cela aurait été possible, il serait toujours confronté au monstre qu’il portait en lui.

Au moins, elle mourrait parmi les siennes.

Il avait mis du temps à les rassembler toutes. Il avait été patient.

Cette fois, Ari ne pourrait rien faire pour la ramener à la vie parce qu’il n’y aurait personne pour lui dire où se trouvait son corps. Il n’aurait plus à la tuer de nouveau.

Il tira…

La dernière fois.

La seconde suivante, une explosion, derrière lui, l’éjecta avec force en avant.

L’entrée de ce qui serait désormais une crypte, leur tombeau avait été scellée pour des années, peut-être des siècles.

Maintenant, il était libre. Plus personne ne lui demanderait de tuer.

Séphyr sentit une violente douleur dans le dos lorsqu’il tenta de se relever. Si puissante qu’il dut y renoncer.

Il se traîna jusqu’au corps sans vie de sa jolie guerrière, la prit dans ses bras et la serra contre lui, attendant que la mort vienne le prendre à son tour.

Pour la première fois, enfin, il se sentit apaisé.

Il n’avait plus qu’un seul regret.

Celui de n’avoir jamais connu son prénom.

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