Un jour, j’ai dit aux autres que je partais en promenade. C’était plus joli que de parler de fugue, alors ils n’ont rien cafté et, même moi, j’ai eu l’impression de juste prendre la clé des champs, même si les champs n’existaient pas, chez nous, où les seuls terrains vagues étaient des friches devenues déchetteries.

C’était un jour comme les autres. Aussi chiants que les autres.

Et tout me faisait chier.

Je crois que les gens sont tous pourvus d’un genre de boussole interne. On est inexorablement attirés parce ce qui nous ressemble.

Donc, d’une façon ou d’une autre, j’ai atterri dans une décharge.

À ce moment-là, je pensais que c’était ma place.

Je passais mes nerfs sur des matelas éventrés, j’explosais des bouteilles de verre, je massacrais les carreaux des voitures abandonnées. J’étais cette espèce de bête en furie. Furieuse contre un monde où je n’avais pas de place, pas de guides, pas d’avenir.

C’est là que je l’ai vu.

Brillant.

Luisant.

Avec sa crosse argentée.

Mon premier pistolet dépassait d’une boîte à gants. Il n’avait rien à faire là, et moi non plus.

Je me suis glissée sur le siège passager, j’ai saisi l’arme à deux mains. Je l’ai retournée dans tous les sens, puis vers moi, le canon pointé droit sur mon cou.

Et j’ai tiré.

Pour réparer l’erreur.

Pour ne plus être là.

Mais il manquait une balle. Une seule.

Et c’est une note, un minuscule petit bout de papier froissé, qui m’a sauté à la tronche. Mieux qu’un ticket de tombola ; un numéro griffonné. L’un de ces numéros de téléphone qui n’existe pas et qui allait changer ma vie.