Chapitre 2 / Jour 2 - La mer, le ciel, ses yeux... tout est bleu

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Ce qu'il y a d'inestimable pendant les vacances, c'est le ralentissement du temps. Par moment, il semble même à l'arrêt. Pas complètement, mais suffisamment pour laisser s'imprimer en vous les images qui vous poursuivront tout le reste de votre vie.

***

Dès le lendemain, allongés sur le sable, le parasol déployé sur le côté et protégeant les bouteilles d'eau, nous savourions, mes parents et moi, notre premier vrai bain de soleil. Qu'y a-t-il de plus relaxant que le bruit des vagues et une chaleur bienfaitrice sur la peau après une année de labeur dans un bureau, une usine, ou assis à écouter un professeur en prenant des notes ?

Cette année-là, pas une mouette picarde et crieuse ne nous avait suivis. J'espérais qu'aucune d'elles ne me retrouve. Le silence était presque total. Du moins si on arrive à faire abstraction des cris joyeux des enfants chahuteurs et bienheureux du Club Mickey voisin.

Arriver le premier sur le sable : voilà ce qui compte quand on est vacancier. Marcher sur le sol poudré et brûlant jusqu'à l'endroit idéal, jeter un tissu pour refroidir les pieds, regarder aux alentours si le voisin le plus proche est suffisamment loin pour ne pas vous entendre respirer, savourer le choix de sa place, puis s'allonger sur une serviette ou une paillasse pour ne plus rien faire. Ultime plaisir ; laisser le soleil pénétrer chaque pore de la peau.

Martial est arrivé à treize heures trente. J'étais heureux de le retrouver, mais déçu de le regarder se brûler seul la plante des pieds. Oui, il s'agissait de déception. La jeune fille, sa petite fille, rencontrée la veille et qui m'était encore presque inconnue, ne l'avait pas accompagné. Aimait-elle la plage ? Aimait-elle lézarder des heures sur le sable ? J'avais déjà eu un semblant de réponse, alors qu'elle avait déambulé avec nous, emmitouflée dans une serviette éponge pour se sécher, mais aujourd'hui, allait-elle venir et s'allonger auprès de nous ? Près de moi ?

Nous n'avions pas prononcé une seule parole, à part les cordialités d'usage ; mais en avions-nous eu l'occasion ? J'espérais remédier à cela aujourd'hui même. Il fallait que je me raisonne, que je tente de me rendre moins timide, plus entreprenant, mais mon caractère introverti allait reprendre le dessus, c'était certain.

***

C'est une heure plus tard – après une attente qui m'avait semblé beaucoup trop longue – que Mandi est apparue, en haut, sur la rotonde d'accès à la grande plage, accompagnée de sa petite fille. Je les regardai descendre la pente douce, puis longer les cabines de plage pour venir nous rejoindre près des tentes aux toiles vertes et blanches ; les couleurs pimpantes de la région de Royan.

S'engouffrant pour se changer dans la cabine 32, la demoiselle ressortit trente secondes plus tard dans un joli ensemble deux pièces coordonné bleu. La couleur du jour ; la couleur de la nuit avant que n'apparaissent les étoiles ; celle de la mer à ce moment précis, et surtout la couleur de ses yeux que j'avais pu déjà admirer la veille et qui, sans que personne ne le sache jamais, avait accéléré le rythme de mon cœur avant que je ne tombe de sommeil.

La serviette autour de son bras gauche, déroulant ses pieds dans un déhanché intriguant et passionnant pour le jeune homme que j'étais encore, elle s'approcha de ses grands-parents en cherchant des yeux une place au plus près d'eux, puis s'y installa après avoir salué les connaissances d'un bonjour évasif.

J'étais embêté, presque déçu. Mais qu'avais-je fait pour qu'elle vienne près de moi ? Quelle place lui avais-je réservée ? Rien. Aucune. Timide j'étais né, idiot je resterais, mais après tout, peu importe. Ce second jour me plaisait tout de même, car je l'avais attendue et je l'avais revue.

Face à mes yeux intéressés, les courbes délicates de ses jambes – dessinées autour d'un bassin encore étroit et garçonnier – se profilèrent au-dessus de sa serviette. Elle s'allongea alors lentement sur le dos, puis s'appuyant sur un bras dans ma direction, elle m'apporta sans le savoir – ou presque – une vue plongeante sur les intimes arabesques de sa féminité naissante.

J'étais ravi, flottant comme dans un rêve, aux anges. Lou était enfin là.

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