Chapitre 4 / Jour 3 - Lundi 6 juillet.

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Chaque jour qui passe compte le même nombre de minutes, pourtant, certains d'entre eux semblent en posséder moins que d'autres.

***

La Charente-Maritime était devenue en deux jours un lieu magique pour l'adolescent reclus que j'étais. J'avais l'impression de revivre, et ce n'était pas seulement pour parler de ma rencontre avec Lou. J'adorais le climat, le lieu, les gens et leur accent. Il y avait les mots nouveaux appris simplement en écoutant les voix des commerçants sur le marché, comme « être geudé » pour dire qu'on a la panse pleine, « drôlesses » ou « drôles » pour désigner des enfants filles et garçons, des « cagouilles » pour les escargots. Sans parler des expressions originales où les gens n'ont pas des accidents, mais les attrapent... Il y en aurait des tonnes à dire.

S'endormir la veille n'avait pas été chose simple. La chaleur de la nuit avait été épuisante, car il ne s'agissait plus des nuits fraîches de la Picardie auxquelles j'étais habitué. Non, là on avait affaire avec un climat bien lourd, bien humide, et la nuit aussi. La descente de quelques degrés géographiques en direction du sud-ouest bouleversait réellement mon ressenti calorifique de cette première semaine de juillet. Ajouté à cela le temps perdu à lutter pour me procurer un peu de frais dans les draps de coton, ceux-là même dans lesquels je n'osais me glisser pour ne pas suer davantage, me faisait éprouver toutes les difficultés du monde à m'assoupir.
Le souvenir merveilleux de la soirée passée aux côtés de Lou me revint en tête et je fermai les yeux, satisfait. J'espérai qu'il en était de même pour elle.

***

L'habitacle de la Renault 18 American II de Martial devenait intenable. Bien loin des modèles hauts de gamme de la marque qui disposaient de l'air conditionné, nous n'avions, dans ce véhicule, que la possibilité précaire d'ouvrir les fenêtres pour avoir un semblant de ventilation.

Nous allions ce jour-là visiter le château de la Roche Courbon, « Le château de la Belle au bois dormant », surnommé ainsi par l'écrivain et découvreur Pierre Loti, qui lui avait consacré un livre au début du XIXe.

Lou était assise à côté de moi, les cheveux au vent, les yeux clos et son petit nez pointu relevé vers le haut de la fenêtre ouverte, semblant se satisfaire de l'air qui lui arrivait sur le visage. De mon côté, la tête tournée sur la droite, je me délectais de la vue qu'elle m'offrait. Ce petit bout de femme insouciante, à peine plus jeune que moi, pouvait-elle se rendre compte de l'effet qu'elle me faisait et sans doute qu'elle ferait aux nombreux hommes qui la croiseraient par la suite ?

C'était notre première vraie sortie ensemble et il fallait qu'elle soit culturelle. C'était une idée de Martial, qui ne voyait pas d'autres moyens de s'instruire que par les visites régionales. Nous allions passer plusieurs heures ensemble et cela me ravissait.

La voiture garée, les tickets de visite en poche, nous avions rejoint le petit groupe de touristes qui attendait dans un angle de mur, tout près d'une petite porte d'entrée, l'arrivée imminente du guide. Bien alignés l'un derrière l'autre, comme s'ils allaient prendre le métro ou passer une visite médicale, et surtout comme si l'ordre d'entrée par cette porte ridicule avait une quelconque importance, sachant que c'était une visite de groupe, les mystérieux visiteurs nous indiquaient indirectement où nous devions nous placer pour attendre. Cette scène drôle à mes yeux me rappela furtivement le jour où avec Gwenn – douce rencontre délictueuse de laquelle je m'étais amouraché en début d'année jusqu'en juin, – nous avions attendu dans la mauvaise file du cinéma, alignés à l'identique, pour voir Aliens, le retour, et nous retrouver finalement dans la salle de neuf semaines et ½.

Ici, le problème ne se posait pas, il n'y avait qu'une porte.

***

L'exigüité des lieux et les petits passages sombres dans le château obligèrent la quinzaine de personnes que nous étions à nous suivre en file indienne par moments. L'instinct me fit engager le mouvement derrière Lou, qui amusée par la situation lança une main en arrière pour attraper la mienne et « pour ne pas que je me perde » comme elle me le rappela en chuchotant, toute souriante de sa bêtise. Moi qui n'avais pas osé faire ce geste simple, presque fraternel, de peur de la gêner ou qu'elle se sente comme l'enfant qu'elle était encore malgré tout quelque part, me sentis rougir soudainement de la situation incongrue, après que le visage de Mandi se soit retourné vers nous.

Par ce lien, J'avais tout à coup le sentiment de ne former plus qu'un avec elle, de n'être plus qu'une entité à part entière. Nos mains serrées, la mienne dans la sienne, comme si je lui appartenais désormais, – car c'est ainsi que je le compris – me troublèrent. Elle m'attira dans sa direction sans plus regarder derrière elle, puis nous engouffra dans une pièce où il n'y avait personne et où le silence régnait. Hasard de cette porte dérobée et entrouverte menant vers une toute autre destinée. Puis, sans attendre, elle m'entoura le torse de ses bras tout en posant sa tête tout contre moi.

— Tu sais, Sascha, j'ai réfléchi à des choses cette nuit...
— Ah bien ?! Et quelles sont ces « choses » ? demandai-je hésitant et soucieux.
— J'peux pas t'le dire. C'est un secret, de moi... à moi !
— Alors, pourquoi m'en parles-tu ?
— J'en sais rien, mon Sascha... juste que j'ai aussi fait un rêve.

À quoi avait-elle pu réfléchir ou rêver dans la nuit ? Ce n'est pas maintenant que j'allais le savoir, mais un indice vint flotter dans l'air et dans mon esprit quand elle me serra plus fort tout contre elle. Relevant la tête vers moi, je découvris des rougeurs – honteuses ?! – sur ses joues poupines. Je la trouvais immensément jolie à cet instant, la luminosité tamisée de la pièce interdite m'offrait un magnifique spectacle.

Une mèche folle de ses cheveux, restée devant son visage, lui donnait un petit air malicieux. J'osai m'en saisir pour lui replacer derrière l'oreille.

— J'aimerais tant que tu sois comme mon grand frère... Enfin,... j'aimerais surtout que tu sois plus qu'un grand frère, rajouta-t-elle en déposant un baiser délicieux et rapide sur le coin de mes lèvres, avant de s'échapper cette fois sans m'attraper les mains, vers la porte que nous n'aurions pas dû franchir.

Je restai coi, étonné, quelques instants encore, avant de rejoindre le reste du groupe.



[Finalement, ce texte se terminera ainsi. Aucune motivation pour le continuer.]

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