Chapitre 1 (Partie 2)

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   Les nuages s'amoncellent. Le nez en l'air, la jeune fille s'attarde près de la voiture. Ses grands yeux noirs contemplent le subtil mélange de nuances, anthracite et plomb. Au loin, le tonnerre gronde ; l'orage se rapproche. Les éclairs brodent de spectaculaires liserés d'argent sur la voûte céleste.

   Mon attention se fixe intensément sur la demoiselle. La surprise est de taille, il faut l'admettre : si la personne m'est étrangère, je connais son visage oblong encadré d'épais cheveux bruns ; ses lèvres larges ; son cou gracile au bout du corps frêle. Elle doit avoir dix-sept ans, peut-être dix-huit. L'âge qu'avait Serena quand...

   Un changement de direction du vent me distrait. L'air se charge d'électricité et la température chute, brusquement. Une goutte de pluie vient s'écraser sur le front de la jeune fille, déjà suivie d'une autre. La première s'écoule entre ses sourcils tandis que la seconde roule vers sa tempe, s'échouant à la racine de ses boucles. Le ciel pleure à présent. L'eau imprègne peu à peu les vêtements de l'adolescente, s'immisce entre le col de sa chemise, terne, et sa peau, blafarde, sans provoquer chez elle de réaction. Les parents ont trouvé refuge dans la maison. Aucun n'a remarqué la sombre silhouette qui s'y glissait avec eux.

   La mère rebrousse chemin. L'inquiétude se lit sur son visage, elle appelle :

   — Sarah ! Ne reste pas dehors, viens !

   Sarah ? Hum, pourquoi pas. Cela lui va.

   À regret semble-t-il, l'enfant sort de sa catalepsie, pour mieux se figer encore devant sa nouvelle demeure. De la respectable façade victorienne de la bâtisse, il émane une aura mystérieuse et lugubre. La maison se dresse sur deux étages, rigoureusement droite, comme corsetée, et parée de tous les atours dus à son rang : fronton, corniches, pilastres, gâble, corbeaux ; sans oublier l'indispensable tourelle. Sa teinte gris souris annonce la couleur sans détour : aucune frivolité ne sera tolérée céans. Un avertissement qui sied parfaitement à mes desseins. Sans doute aussi, bien que je les ignore encore, à ceux de l'Ombre qui attend dedans.

   — Sarah, s'il te plaît, tu vas attraper la mort !

   Sarah étouffe un rire mais, devant l'air implorant de sa mère, se hâte de rejoindre cette dernière. Je me fonds dans son ombre pour la suivre, puis me laisse glisser sur le sol une fois à l'intérieur.

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