Amour Mortel

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Mes yeux s'ouvrent. Tout doucement. Ils doivent se faire à l'obscurité de ce lieu. Tout n'est que ténèbres, ici. C'est le vide. Je pourrais tout simplement allumer la lumière, mais mes doigts ne parviennent pas à l'interrupteur. Ou plutôt ne parviennent plus. Je ne fais que l'effleurer. Comme ma vie. Elle n'est qu'un grain de sable dans cet immense océan infini que compose le temps.

Je te cherche. Où es-tu ? Mes yeux ne te trouvent pas. Es-tu parti ? Où ça ? Tu m'as abandonnée ? Je ne compte plus pour toi. J'ai raison, n'est-ce pas ?

Je déambule dans notre petit appartement à ta recherche. Il fait noir. Il fait sombre. Obscurité totale. La lumière a-t-elle réellement fini par laisser place aux ténèbres ? Le Mal l'emporte sur le Bien. Qui dit obscurité dit Néant. Tout être est condamné à revenir au Néant. Nous sommes tous les deux revenus aux Ténèbres. Mais d'une façon différente.

Me reviendras-tu un jour ?

Je te cherche. Tu n'es pas ici. Je t'imagine pourtant dans la cuisine. Tu prépares de bons petits plats. Ils me mettent l'eau à la bouche. Je sens encore les bonnes odeurs parcourir tout l'appartement. Depuis la salle de bain, pourtant à l'autre bout, je peux sentir les épices. Paella, paprika, curie. Peu m'importe désormais. Je ne les sens pas. J'ai comme l'impression de te voir. Y es-tu ? Je regarde. Tu n'y es pas. Je vois pourtant parfaitement les courbes de ton corps. Au loin. Je m'approche. De plus en plus. Tu t'effaces. Illusion. Mais que fais-tu ? Tu joues avec mes nerfs. Je ne t'en veux pas. Dis, tu reviendras, n'est-ce pas ?

La chambre. J'entre. Ici non plus. Je nous revois. Nos corps l'un sur l'autre, durant nos nuits torrides. Interminables, ces nuits-là. Tu me manques. La sensation de tes mains sur mon corps. Tes lèvres sur les miennes. Ton souffle chaud. Pas besoin de Lumière pour deviner tes magnifiques yeux émeraudes parcourant avec envie mon corps de femme. On en revient aux Ténèbres. Encore. Toujours. Je frémis. Là non plus.

Je passe de nouveau dans le couloir. Mon regard se pose sur le grand miroir. Cadeau de ma mère. Donné au moment où j'ai quitté la maison pour vivre avec toi.

Je ne parviens pas à reconnaître la femme devant cette glace. C'est moi. Ce n'est pas moi. Cheveux blonds en bataille. Sales. Joues creuses. Lourdes cernes violettes. Cette jeune femme revient de guerre. Je reviens de guerre. Je ne sais pas qui elle est. Elle me ressemble, pourtant. C'est moi. Ce n'est pas moi. J'ai changé.

Je sors. Le balcon. Je vais te retrouver. Tu es là. Je le sens. Je ne l'explique pas.

L'autre bout du quartier. Un lampadaire. Il éclaire plus que ses frères. Je t'ai trouvé. Pas bien discret, toi, hein ? Mes yeux ont capturé l'image que renvoie ton magnifique corps musclé. Je remarque ton large sourire. De loin. Il ne m'est pas adressé. Je le sais. Tient. Une drôle de forme. Une autre image. Une autre femme. Elle est floue. Je ne peux pas la voir. Je ne vois que toi. Elle, floue. Toi, net. Je ne cherche pas plus loin. Elle ne m'intéresse pas. Je ne vois que toi.

Tu l'embrasses. Aucune réaction de ma part. Rien. Jalousie ? Morte depuis longtemps. Ou peut-être n'a-t-elle jamais existé. Je ne sais pas.

Je continue de te regarder. Tu ne me vois pas. Tu ne me vois plus. Tu ne me verras plus jamais.

Dis-moi Denzel, ne m'as-tu donc jamais aimée ? Moi, Alexia, je t'aimais à en mourir. Et c'est ce qui est arrivé.

As-tu pleuré ? Je ne pense pas. Tu es fort. Tu as dû surmonter tout ça. C'était ce que j'aimais chez toi.

Tes lèvres quittent cette femme floue. Elle part. Elle s'efface. Derrière l'horizon. Petit à petit. Tu la regardes. Je t'ai trouvé. Ne m'as-tu jamais regardée comme ça ? Tu l'aimes. Je le sais. Une image vaut mieux que des mots.

Moi aussi. Je pars. Ma nouvelle vie m'attends. Je dois rejoindre le monde des morts. Hadès m'appelle. Je dois retourner auprès de lui. Revenir une fois de plus aux Ténèbres. Au Néant.

Au final, toute existence ne mène qu'à une seule issue : la mort.

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